8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 07:00

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Plusieurs jets de vapeur et d’eau, lancés par leurs évents, annoncèrent bientôt la présence des baleines qui venaient respirer à la surface de la mer...

 

Des blocs de glace bien épaisse se sont échoués ce matin sur les plages de l'île de Jura. Phénomène remarquable qui suscite la curiosité du seul humain que je suis dans les parages. Le cristal de l'eau gelée et le vert des mousses qui n'ont pas été encore broutées par les cerfs sont un cadeau pour mes sens.

 

Marché sur six miles le long d'une terre en surplomb dans la brume et le froid depuis l'ermitage que me prête un couple de pêcheurs. Le vent cingle mon visage et finit par me rendre cinglé. Je le suis sans doute assez pour me retrouver en écriture à l'autre bout du continent européen, en plein hiver, loin de tout, mais ça me regarde.

 

Hier, il pleuvait. Au carreau de l'unique fenêtre, j'ai recopié ce passage pour avoir chaud aux mains :

 

En général, les hommes, même en ce pays relativement libre, sont tout simplement, par suite d’ignorance et d’erreur, si bien pris par les soucis factices et les travaux inutilement rudes de la vie, que ses fruit plus beaux ne savent être cueillis par eux. Ils ont pour cela, à cause d’un labeur excessif, les doigts trop gourds et trop tremblants. Il faut bien le dire, l’homme laborieux n’a pas le loisir qui convient à une véritable intégrité de chaque jour ; il ne saurait suffire au maintien des plus nobles relations d’homme à homme ; son travail en subirait une dépréciation sur le marché. Il n’a le temps d’être rien autre qu’une machine. Comment saurait se bien rappeler son ignorance – chose que son développement réclame – celui qui a si souvent à employer son savoir ? Ce serait pour nous un devoir, parfois, de le nourrir et l’habiller gratuitement, et de le ranimer à l’aide de nos cordiaux, avant d’en juger. Les plus belles qualités de notre nature, comme la fleur sur les fruits, ne se conservent qu’à la faveur du plus délicat toucher. Encore n’usons-nous guère à l’égard de nous-mêmes plus qu’à l’égard les uns des autres de si tendre traitement.

 

C'est ma tête qui finalement s'est échauffée et il a fait soudain bon vivre dans le dénuement total. Je me suis souvenu du séjour de George Orwell. On eût dit que je m'étais extirpé de la gangue de glace qui me bloquait depuis deux ou trois jours, à l'image du vaisseau peint par Caspar Friedrich. C'est ce que je voulais penser : il va sortir de sa prison temporaire ce bateau au drapeau rouge, non ? Esquif enfin fugitif, oui ! 

 

Je rebrousse chemin et lève les yeux : des phoques jouent à se poursuivre juste devant. Et, qui sait ?, dans les eaux profondes, une baleine blanche. De l'autre côté, Beinn an Òir, la montagne d'or en langue gaélique, sommet de l'île dont je devine la forme noirâtre. Je ne retrouve plus mes pas sur le sol détrempé, preuve que je suis dans la bonne direction.

 

Au bout de la dixième allumette, je parviens à embraser le bois dans le poêle. Embraser est un grand mot vu la maigreur du faisceau qu'on appelle fagot patiemment collecté, une tige ici, une branche là, au retour. Je regarde les petites flammes qui disparaissent l'une après l'autre, lutines déjantées, et les noms Alaska, Aléoutiennes et Kamchatka cavalcadent dans la steppe de mon cerveau en reconstruction. C'est l'ivresse des grands soirs. 

 

Banquise. Et autres friandises pour l'action : attise, carbonise, incise, pérennise, réorganise, alcoolise, radicalise, solubilise, vise, vise...

 

Je me traite, somme toute, plutôt bien. 

 

 

 

4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 07:00

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There is music in every sound...


 

Le murmure argentin de la fontaine.

 

Une porte qui claque.

 

Le marteau du charpentier sur la planche.

 

Des pas dans la neige.

 

Le klong à intervalles réguliers de la clepsydre japonaise.

 

Le vent dans les alpages.

 

La flèche qui atteint sa cible.

 

La fonte des neiges.

 

La colombe sur la branche.

 

La machine-outil qui vrombit.

 

La note accordée.

 

L'avion postal au firmament.

 

Les abeilles dans le lierre.

 

La clé dans la serrure.

 

Une allumette qui craque.

 

Le stylo sur la page.

 

Les braises dans l'âtre.

 

Le cling des verres qui se saluent.

 

Les fils du télégraphe qui sifflent.

 

Une motocyclette qui s'approche.

 

Les vagues sur la grève.

 

Les cloches au village.

 

La trompe du train sur la plaine.

 

Une robe de satin au bal.

 

Les langues qui se tutoient.

 

Les langues qui se délient.

 

Un cheval loin du paddock.

 

Le pot sur le feu.

 

La téléalarme pour un oui, pour un non.

 

Des galets dans le torrent.


 

Etc.

 

 

Depuis tôt ce matin, dans ce hameau de Norvège, j'entends l'équipe des charpentiers à l'œuvre sur le toit d'une maison voisine.

 

Le son que rendent leurs marteaux sur le bois est exactement le même partout sur la Terre. C'est un son à la fois net et précis, émouvant car immémorial, qui résonne jusque de l'autre côté du lac. Une variété de tam-tam à vocation professionnelle qui semble convoquer les puissances naturelles. Je peux rester des heures à l'écouter dans sa répétition magique. Et quand le travail des hommes s'arrête, c'est ma présence qui fait, n'est-ce pas ?, cher Henry, le silence, assourdissant de recueillement, de cette chambre ouverte sur le monde.

 

Le son d'une seule main dans l'air...

1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 07:00

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As the greatest lessons of Nature through the universe are perhaps the lessons of variety and freedom, the same present the greatest lessons also in New World politics and progress...


 

Un cottage dans un océan urbain de verdure au milieu de la grisaille rehaussée ça et là de couleurs convenues en ces jours dits de fête.

 

Une grande table, un vaste lit, un long piano Kawai, son pédalier en forme de lyre. Une bonne bibliothèque aussi. Beaucoup de lumière, directe et indirecte.

 

Rien de mieux pour franchir l'écluse du Nouvel An que de se mouvoir à Londres dans ce district nordique de Camden Town où la vie vraie se montre à chaque coin de rue.

 

2012 verra les jours juliens de 2455927 à 2456292. Pour le calendrier chinois, ce sera l'année du dragon d'eau. Feu et eau, il va y avoir du sport tous azimuts ! Le signe le plus apprécié des adeptes du zodiaque, me dit, avec un sourire malicieux, le gars de Hong Kong qui anime le débit de tabac-journaux-alcools à sa guise. Sur ce vieux continent, un frère de la Brooklyn Cigar Company chère, en imagination, à mon ami P.A. Je tiens désormais pour acquis que les camarades Chinois, avec l'accent !, s'y connaissent depuis longtemps en matière de repositionnement des constellations.

 

Dragon : signe astrologique de l'heureuse fortune, de la bonne entreprise, du rayonnement parfait. Drague, draguez, draguons ! Draguer ? Mentalement,  j'ouvre le dictionnaire : curer le fond d'un fleuve. En vider le sable, la vase. La vase, surtout...

 

Elle est pas belle, la vie ? Je sors de la boutique parfumée, un Romeo Y Julieta mille fleurs en bouche.

 

Un réveillon très éveillé à classer, avec le concours d'une amie musicienne, des textes épars que j'avais emportés pour l'occasion dans le train, le fameux Eurostar. À la radio, La Grande-Duchesse de Gérolstein et ses flonflons qui invitent aux joyeuses libations. Si tu es mouette, chante donc !

 

Et dès l'aurore d'une nuit claire, ça recommence : l'euro, une étoile filante ?, se demande la presse britannique. J'ai connu la livre sterling - £, quel beau symbole ! Libra, la balance. Que d'équilibres historiques ont été construits et défaits en ton nom ! -, qui valait quatorze nouveaux francs. Le franc, you remember ? L'autre jour à Paris, sur les quais des bouquinistes, j'ai palpé, pour bien me souvenir, le petit billet de cinq francs à l'effigie de Victor Hugo. Et celui de dix francs, Voltaire...Un Pelican Book ou un Penguin Book coûtait environ cinquante pence dans les années 1960-70...Une tasse de thé, dix pence. Un carnet d'écriture, cinq pence. Un honnête whisky - oui, j'ai commencé à boire jeune, je plaisante ! -, trente pence. Une place de concert, deux livres. Un fish & chips, là, sur les docks, tous les docks de Portsmouth à Glasgow, quinze pence. L'ouvrier anglais recevait encore son salaire à la semaine. Il n'y avait pas énormément d'argent en jeu, il y avait suffisamment d'argent. Je le sais, j'ai traversé ce monde.

 

Fais un tour dans l'air vif le long de l'eau. Pas un chat. Si, en voici un, blanc-noir, qui se prélasse sur le toit d'une cambuse. Les bateaux dorment encore. Avant-hier, revenu pour la énième fois sur mes pas dans le proche quartier fréquenté par mon cher Rimbe en 1872. Je peux bien vous donner l'adresse de son logis d'alors : 8 Royal College Street, NW1 0TH. Depuis quelques années, alors que la bâtisse était promise à la démolition, elle a été, grâce, entre autres, à la chanteuse Patti Smith, restaurée et confiée à une association locale, Poets In The City. Comme quoi...Elle était dans un sale état à toutes les époques, cette maison de briques. Qu'elle soit debout est important et en même temps, vu de Sirius...

 

Je m'arrête un instant sous un saule pleureur. L'arbre a les pieds dans l'eau et la tête dans les nuages. Qu'il est souple dans le vent ! Son nom d'outre-Manche : weeping willow. Autant de botaniques W que de branches échevelées qui se jouent des éléments. Il n'est pas mauvais de pleurer de temps à autre.

 

Rentre et travaille ! La matinée jusqu'au soir dans les mots. Oscar Wilde : J'ai travaillé toute la matinée à la lecture des épreuves de l'un de mes poèmes et j'ai enlevé une virgule. Cet après-midi, je l'ai remise. Une idée de la chose. Un de ces horribles travailleurs !

 

De l'étagère en acajou, tandis que le feu crépite dans la cheminée, je tire deux livres. There's no use to pretend, we've come to the end. Ces heures du temps cadastré, n'invitent-elles pas au recueillement méditatif ? Le saule est toujours là, bien dans l'axe. La compagne de ces jours aussi, qui à l'instant fait vibrer Mozart. Le premier des deux volumes a la vastitude d'un continent. L'autre, pour toutes sortes de raisons, je l'emmène au bout du monde.

 

J'ouvre les deux en même temps et confie mon geste au hasard. Ces instantanés d'America : A Celebration !, je les trouve saisissants de justesse : ces rues grouillantes de Lower East Side, New York, vers 1910, cent mille désirs dans le tourniquet de l'existence, cent mille dollars gagnés-perdus en un clin d'oeil sous un âpre soleil, espoirs désespérés de tant d'individus ayant migré en masse, leurs moeurs, leurs coutumes, leurs idées ou leur absence d'idées, ces suffragettes en goguette qui battent le pavé du politiquement correct, ces orchestres de jazz dans la houle de la Grande Dépression. Des voitures, en veux-tu, en voilà, toujours plus grosses. En pleine page. Les bénéfices de certaines ventes iront bientôt alimenter une dictature naissante en Allemagne. Les années 1930. Motion pictures. Miroir improbable-probable du temps présent. Des boissons. Des soldats. Des gangsters. Des filles de joie. Des rixes. Des guerres. Pour le bien de l'humanité ou non. Parfois, des retours de guerres. Des conflits d'essence coloniale. Des pétrodollars. Des têtes officielles. Des monuments. Beaucoup de banques. Wall Street. Des murs s'élèvent. Des Noirs qu'on pourchasse. Des vendeurs à la criée. Des hommes-sandwiches, Be Free, Let's Be Happy ! La nature. Pas obligatoire. Des paysages. Des hommes et des paysages. Il faut chercher. Et pourtant ce pêcheur placide du Montana, sa ligne dans la rivière au cœur double. Oui, des stars et des enfants terribles, dit la légende. C'est ça. Une infinie mise en scène, d'accord.

 

Que reste-t-il de ces perspectives démocratiques ? C'est exactement ce que pourrait aujourd'hui se demander Walt Whitman, mon voisin de cet autre Camden, New Jersey, actuel enfer dans le brasier nord-américain.  

 

Democratic Vistas. Couverture en marocain rouge. Police : Book Antiqua. Édition de 1892. Sur la page du titre, cette note au crayon (il ou elle a aussi voulu se souvenir) : First edition 1871, publisher J.S. Redfield, New York, 140 Fulton Street, Upstairs, 75 Cents. Ce Upstairs est charmant. Un opus des cimes. À l'évidence, un portrait en creux de cette figure unique de la poésie. 

 

Qui écrirait encore comme ça ? : We see our land, America, her literature, esthetics, &c., as, substantially, the getting in form, or effusement and statement, of deepest basic elements and loftiest final meanings, of history and man -- and the portrayal, (under the eternal laws and conditions of beauty,) of our own physiognomy, the subjective tie and expression of the objective, as from our own combination, continuation, and points of view -- and the deposit and record of the national mentality, character, appeals, heroism, wars, and even liberties -- where these, and all, culminate in native literary and artistic formulation, to be perpetuated; and not having which native, first-class formulation, she will flounder about, and her other, however imposing, eminent greatness, prove merely a passing gleam; but truly having which, she will understand herself, live nobly, nobly contribute, emanate, and, swinging, poised safely on herself, illumin'd and illuming, become a full-form'd world, and divine Mother not only of material but spiritual worlds, in ceaseless succession through time -- the main thing being the average, the bodily, the concrete, the democratic, the popular, on which all the superstructures of the future are to permanently rest.

 

Il y croyait ferme, Walt. On a vu la suite. Planétairement.

 

Mais perspectives, OK. C'est ce dont nous, démocrates exigeants, avons le plus besoin.

 

Veux-tu grimper jusqu'à la cime des plus grands arbres ? 

 

Allez, champagne et ce vœu : va à contre-courant, va...

 

 


 

 

(Barbara M. Berger, America : A Celebration !, Dorling Kindersley Publishing, Inc., 2000 / Walt Whitman, Democratic Vistas, University Of Iowa Press, 2009)

25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 07:00

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Ce n'est pas le temps qui nourrit, c'est la culture... 


 

Il fera chaud dans la maisonnée. 

Les deux mains aux tisons. 

Un beau feu dans la cheminée. 

Volettent les blancs flocons !

 

 

Et on boira de l'alcool, encore et encore, dans une griserie sans nom, on se récitera, encore et encore, des poèmes de Pouchkine ou de Simonov :

 

 

Si tu m'attends, je reviendrai,
Mais attends-moi très fort.
Attends, quand la pluie jaune
Apporte la tristesse,
Attends quand la neige tournoie,
Attends quand triomphe l'été
Attends quand le passé s'oublie
Et qu'on attend plus les autres.
Attends quand des pays lointains
Il ne viendra plus de courrier,
Attends, lorsque seront lassés
Ceux qui avec toi attendaient....

 

 


Et on passera des disques d'autrefois et on écoutera, encore et encore, la voix râpeuse de Vladimir Vyssotski :

 

 

C'est la chasse aux loups, c'est la chasse sans pitié !
Aux carnassiers gris, aux adultes et aux nourrissons !
Les rabatteurs crient et les chiens aboient jusqu'à la nausée.
Le sang sur la neige et les taches rouges des fanions...

 

 

 

Et on se dira, encore et encore, à la lueur des bougies, qu'on aura essayé de ne pas nuire ni de subir.

 

Une belle vie, encore et encore...

21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 07:00

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Intérêts privés, intérêt général et au-delà...

 

Le manque de solidarité dans les intérêts est tel que les classes en sont arrivées à désirer le malheur les unes des autres afin d'en profiter pour leurs petits avantages respectifs...

 

 

J'aime bien la presse helvétique qui est, sauf exception, informée grâce à des sources fiables, de qualité. Et, comme Jean-Jacques, il peut m'arriver de me sentir citoyen de Genève à mon tour.

 

Justement, un journaliste local et moi avions rendez-vous l'autre semaine dans l'un de ces cafés de la vieille ville où l'on peut prendre le temps du recul sur l'actualité.

 

(...)

 

- Que pensez-vous du Mouvement des Indignés ?

 

- Disons que je peux manifester de la sympathie à son endroit quand, lucidement, j'observe la marche bancale du monde depuis une trentaine d'années. C'est dans ce contexte, le mensonge généralisé, l'amnésie historique, les malversations financières, l'étendue de la duplicité, la corruption qui monte, telle politique oublieuse de l'intérêt général, la pauvreté galopante, pas que matérielle, certaines formes de résignation et le reste, que peut s'expliquer le succès, très réel en terme d'édition, en France et dans toute l'Europe, du texte de Stéphane Hessel. Au passage, avez-vous remarqué que cet essai est sorti à Montpellier, au sud des Cévennes, en terre protestante ?

 

- Ce phénomène pourrait-il s'amplifier ? Prendre d'autres formes ?

 

- Je comprends très bien les motifs et motivations à l'œuvre chez une partie de la jeunesse et des individus matures qui disposent des outils intellectuels pour analyser la situation. J'observe que celles et ceux qui disposent pas de ces atouts, d'une éducation minimale et d'un sens critique, ont tendance à se raccrocher à la branche politique la plus outrancièrement populiste, si je peux dire, ce qui, de mon point de vue, est préoccupant.

 

- En matière d'éducation et d'accès à l'éducation, certains pays européens sont cités en exemples, comme la Finlande. Ailleurs, les politiques sont à géométrie variable...


- D'où, une fois encore, l'énorme question de la qualité de l'éducation. Dans notre pays, vous le savez, en dehors d'un certain nombre d'îlots pédagogiques qui s'autoprotègent ou que l'État préserve pour des raisons strictement électoralistes, la situation, en poussant à peine, vu le saccage moral et matériel, résultat actuel d'une certaine orientation politique depuis plusieurs années, frise le degré zéro absolu. Nous sommes loin d'une éducation élevée de l'enfant vers l'homme. Pour revenir à votre question, en effet, trop, c'est trop, et ces indignés le ressentent fortement.

 

- N'y aurait-il pas des arrière-pensées chez quelques-uns d'entre eux ? À New York, en se rendant jusqu'aux marches de Wall Street, ne demandaient-ils pas à avoir, eux aussi, issus en majorité de la classe moyenne, une part du gâteau ou, pour le dire autrement, à profiter des fruits du capital ? En le combattant, ne renforceraient-ils pas l'ordre bourgeois auquel, finalement, certains de ces indignés aspirent ? 

 

- Oui, on ne peut écarter cette hypothèse. Les slogans américains parlent de global revolution. On a vu où les révolutions, de fer comme de velours, ont mené. D'une certaine façon, on est encore dans une vision dix-neuvièmiste de la lutte entre les classes sociales. Et ce n'est pas entièrement faux. Que je sache, la lutte des classes, selon le vocabulaire consacré, perdure. Slogan pour slogan, j'ai envie de dire : lâchez tout ! Indignation, bien, mais ça reste, si vous me permettez et sans rien enlever de la nécessité de ne pas se laisser faire quand on constate ou on subit des injustices multiformes dans nos sociétés modernes par certains aspects délitées, l'expression d'un sentiment de colère. Une fois la colère passée, que fait-on ? Dans quelles perspectives ? Et comment ? Il y aura sans doute une amplification de cette onde avant, je le crains, soit récupération médiatique, soit carrément mise en coupe réglée au nom ou en vertu du tout économique. La réforme commence ici, maintenant, sur soi-même. Il faut donc aller plus loin et poser, se poser, les questions vraiment radicales en faisant la part des choses et, comme toujours, avec le sens des nuances.

 

- Les turbulences du monde économique touchent et affectent la vie du citoyen au plus près tous les jours. Il paraît difficile d'y échapper...

 

- Ce serait présomptueux. Avec une bonne dose d'humour, ce n'est pas donné à tout le monde, certes, on peut commencer par résister. On peut aussi résister d'abord, se révolter ensuite. On peut faire l'éloge de la fuite : je m'abstiens et largue les amarres. Si cette échappée volontaire hors du monde commun devient définitive, ce sont alors les conditions d'existence singulières de l'érémitisme. Pourquoi pas ? Le désert minéral n'est pas aussi vide qu'on le pense. Les géographes, les biologistes, les botanistes savent de quoi je parle. Il est possible d'imaginer d'autres façons du vivre social. Pour ma part, depuis longtemps, je pratique le un tiers dedans, deux tiers dehors. Image nietzschéenne : je descends de la montagne vers le marché et j'y remonte. C'est mon équilibre vital. Pour ce qui est du monde économique, comme vous dites, réduit le plus souvent aux seules fluctuations des bourses internationales, encore faut-il que le citoyen saisisse clairement ce qui est en train de se passer. Or, il n'y comprend plus rien et ce ne sont certainement pas les spécialistes de la science économique, les fameux experts, tant publics que privés, qui vont apporter à ce citoyen une aide honnête afin qu'il gagne en clairvoyance. Encore moins les hommes providentiels qui tentent de s'imposer un peu partout comme toujours en temps de crise et de détresse humaine. À tout prendre, ce citoyen qui, je le souhaite, n'est pas frappé de paresse intellectuelle serait bien inspiré de lire ou de relire l'ouvrage magistral d'Adam Smith, La Richesse des nations. Il pourrait aussi prendre connaissance du plus articulé des chapitres du Walden de Thoreau intitulé précisément Économie. Il y trouverait sans doute une foultitude de réflexions tout à fait valables quant à notre situation politico-économico-culturelle présente.

 

(...)

 

- Que vous inspire la fin de la dictature en Libye ?

 

- Que les régimes dictatoriaux, de façon générale, reculent et finissent par disparaître, je m'en réjouis. Mais...Mais, en lucidité, quand j'apprends que la vie, le comportement quotidien du citoyen -et de la citoyenne !-, vont être désormais dictés selon une normalisation d'essence religieuse, je me dis : tout ça pour ça ? Qu'en sera-t-il des relations hommes-femmes, par exemple ? Où s'exprimera la laïcité dans un tel contexte ? Laïcité qui, il faut le souligner sans rien absoudre, existait il y a peu encore dans ce pays, largement nourrie de ce qui légalement prévaut ici, en Europe. Pour ce qui est de ce pays et d'autres, l'Occident, selon moi, a toutes les chances, par défaut de sens éthique et agencement concerté de petits calculs, de se réveiller bientôt avec une drôle de gueule de bois...

 

(...)

 

- Puisque nous terminons cet entretien, et pour détendre un peu l'atmosphère, j'aimerais vous proposer la lecture de ce texte à la teneur hautement idéaliste, écrit au siècle dernier, et qui vaut son pesant d'or. Je pense l'utiliser dans le cadre d'un séminaire rien que pour le plaisir d'entendre la réaction de l'auditoire qui aura la gentillesse de m'écouter lors de cette occasion. Tenez, en voici deux larges extraits :

 

N'ai-je de relations qu'avec des individus isolés ?

J'ai des relations non seulement avec des individus isolés, mais aussi avec divers groupes sociaux et, d'une façon générale, avec la société.

Qu'est-ce que la société ?

La société est la réunion des individus pour une oeuvre commune.

Une oeuvre commune peut-elle être bonne ?

Une oeuvre commune peut être bonne, à de certaines conditions.

A quelles conditions ?

L'œuvre commune sera bonne si, par amour mutuel ou par amour de l'œuvre, les ouvriers agissent tous librement, et si leurs efforts se groupent et se soutiennent en une coordination harmonieuse.

En fait, l'œuvre sociale a-t-elle ce caractère de liberté ?

En fait, l'œuvre sociale n'a aucun caractère de liberté. Les ouvriers y sont subordonnés les uns aux autres. Leurs efforts ne sont pas les gestes spontanés et harmonieux de l'amour, mais les gestes grinçants de la contrainte.

Que concluez-vous de ce caractère de l'œuvre sociale ?

J'en conclus que l'œuvre sociale est mauvaise.

Comment le sage considère-t-il la société ?

Le sage considère la société comme une limite. Il se sent social comme il se sent mortel.

Quelle est l'attitude du sage en face des limites ?

Le sage regarde les limites comme des nécessités matérielles et il les subit physiquement avec indifférence.

Que sont les limites pour celui qui est en marche vers la sagesse ?

Pour celui qui est en marche vers la sagesse, les limites constituent des dangers.

Pourquoi ?

Celui qui ne distingue pas encore pratiquement, avec une sûreté inébranlable, les choses qui dépendent de lui et les choses indifférentes, risque de traduire les contraintes matérielles en contraintes morales.

Que doit faire l'individualiste imparfait en face de la contrainte sociale ?

Il doit défendre contre elle sa raison et sa volonté. Il repoussera les préjugés qu'elle impose aux autres hommes, il se défendra de l'aimer ou de la haïr ; il se délivrera progressivement de toute crainte et de tout désir à son égard ; il se dirigera vers la parfaite indifférence, qui est la sagesse en face des choses qui ne dépendent pas de lui.

Le sage espère-t-il une meilleure société ?

Le sage se défend de toute espérance.

 

(...)

 

Qu'est-ce que le bonheur ?

Le bonheur est l'état de l'âme qui se sent parfaitement libre de toutes les servitudes étrangères et en parfait accord avec elle-même.

N'y a-t-il donc bonheur que lorsqu'on n'a plus besoin de faire effort et le bonheur succède-t-il à la vertu ?

Le sage a toujours besoin d'effort et de vertu. Il est toujours attaqué par le dehors. Mais le bonheur n'existe, en effet, que dans l'âme où il n'y a plus de lutte intérieure.

Est-on malheureux dans la poursuite de la sagesse ?

Non. Chaque victoire, en attendant le bonheur, produit de la joie.

Qu'est-ce que la joie ?

La joie est le sentiment du passage d'une perfection moindre à une perfection plus grande. La joie est le sentiment qu'on avance vers le bonheur.

Distinguez par une comparaison la joie et le bonheur.

Un être pacifique, forcé de combattre, remporte une victoire qui le rapproche de la paix : il éprouve de la joie. Il arrive enfin à une paix que rien ne pourra troubler : il est dans le bonheur.

Faut-il essayer d'obtenir le bonheur et la perfection dès le premier jour où l'on comprend ?

Il est rare qu'on puisse tenter sans imprudence la perfection immédiate.

Quel danger courent les impatients ?

Le danger de reculer et de se décourager.

Comment convient-il de se préparer à la perfection ?

Il convient d'aller à Epictète en passant par Epicure.

Que voulez-vous dire ?

Il faut d'abord se placer au point de vue d'Epicure et distinguer les besoins naturels des besoins imaginaires. Quand nous serons capables de mépriser pratiquement tout ce qui n'est pas nécessaire à la vie ; quand nous dédaignerons le luxe et le confortable ; quand nous savourerons la volupté physique qui sort des nourritures et des boissons simples  ; quand notre corps saura aussi bien que notre âme la bonté du pain et de l'eau : nous pourrons avancer davantage.

Quel pas restera-t-il à faire ?

Il restera à sentir que, même privé de pain et d'eau, nous serions heureux ; que, dans la maladie la plus douloureuse et la plus dénuée de secours, nous serions heureux ; que, même en mourant dans les supplices et au milieu des injures de tous, nous serions heureux.

Ce sommet de sagesse est-il abordable à tous ?

Ce sommet est abordable à tout homme de bonne volonté qui se sent un penchant naturel vers l'individualisme.

 

- C'est un peu sentencieux et assez naïf, utopique...

 

- Rétrospectivement, oui, on pourrait sourire et plus. Et dans le même temps...Je retiens, dans cette tension vers une certaine perfection éthique pour soi-même, cette phrase : le sage se défend de toute espérance. Je laisse tomber le sage, la posture du sage est trop apprêtée pour moi, et garde l'idée. Pas d'espoir, donc, logiquement, pas de désespoir. Du travail et du gai savoir, c'est le point de départ et le sens global. À proposer en partage, si les conditions atmosphériques s'y prêtent !, via des livres, des conférences, des séminaires, des rencontres. Voici, pour moi, l'essentiel aujourd'hui !

 

 

(Stéphane Hessel, Indignez-vous !, Editions Indigène, 2010 / Han Ryner, Petit manuel individualiste, Allia, 2010)

18 décembre 2011 7 18 /12 /décembre /2011 07:00

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Il voyageait de compagnie. Son camarade et lui trouvèrent un poteau ayant au haut cet écriteau : « Seigneur aventurier, s'il te prend quelque envie de voir ce que n'a vu nul chevalier errant, tu n'as qu'à passer ce torrent »...

 

 

Ce n'est pas encore Noël que l'on m'offre trois cadeaux venus, mages de choix, des plus divers horizons qui se rejoignent pour le plaisir.

 

Le premier, empli de vignettes colorées, est une invite à la récréation bien méritée. J'ai sept ans et porte une peau de bête pour aller voir là-haut si j'y suis.

 

Le deuxième m'apprend tout ce que je dois savoir pour me confectionner un abri végétal. Je laisse au baron son titre pour garder la branche la plus fière.

 

Le troisième enfin, mais il n'y a jamais de fin, je le lirai quand je n'aurai plus rien à faire dans l'oasis de mon rêve.

 

Aventure : il se passe toujours quelque chose...

 

 

(Sylvain Venayre, Rêves d'aventures, Éditions de La Martinière, 2006 / Antoine Marcel : Traité de la cabane solitaire, Arléa, 2011 / Hermann Hesse, L'Art de l'oisiveté, Le Livre de Poche, 2007)

14 décembre 2011 3 14 /12 /décembre /2011 07:00

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Le sujet matériel de la gastronomie est tout ce qui peut être mangé...

 

 

Musique, fête, saveurs.

 

J'ai toujours eu un appétit barbare. Seul et en partage.

 

De la malle hivernale, j'extrais ce menu pour les amis encore fluets bientôt repus :

 


 

Caviar frais

 

Consommé à la parisienne

 

Pâté de foie capitoline


Croustades Talleyrand

 

Timbales Lucullus

 

Truites en gelée

 

Dos de rougets à la provençale

 

Buisson d'écrevisses au champagne

 

Cailles aux raisins

 

Suprême de poularde au jus

 

Lièvre à la royale

 

Filet de boeuf financier

 

Noisettes de pré-salé Rossini

 

Chevreuil sauce chasseur

 

Salade russe

 

Plombière glacée

 

Ronde des fromages

 

Délices de Saint Honoré et Paris-Brest

 

Fruits des tropiques


 

Vins fins et liqueurs


(Pommard, Chambertin, Angélus, La Lagune, St John Commandaria, Moët & Chandon, Isle of Jura)


 

 

Plus tard, devant les braises, Mozart au piano, je goûterai de l'eau fraîche à un gobelet de terre cuite...


 

(Jean Anthelme Brillat-Savarin, La Physiologie du goût, Flammarion, 2009)

11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 07:00

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The first day :  A Conference betwixt an angler, a falconer, and a hunter, each commending his recreation...


 

A : Alors, t'as été à la pêche ?

 

B : Oui, je m'suis bien marré...J'ai pris les deux lignes...T'sais, la noire et la jaune... Qu'est-ce qui f'sait froid ! J'te raconte pas...Yavait un con qu'avait garé sa bagnole en travers du chemin de halage...Non, mais...J'ai gueulé...L'temps de sortir l'matos qui pleuvait...Tous les zappâts...La combin'...Eul'siège pliable...Et le kil de rouge !

 

A : Mais t'as pêché ?

 

B : Ouais, ouais...T'sais, l'eau était vraiment verte, j'voyais rien d'abord et pi ensuite...Tu vois d'habitude elle est bleue qu'elle était verte l'aut'jour...Les zappâts y zétaient boussillés que j'les ai laissés trop longtemps dans l'sac qui faut les met' au frigo...M'suis pelé dehors...Allez ! un coup pour démarrer que j'me dis...

 

A : Mais qu'est-ce t'as fait ?

 

B : Ben, j'ai pêché, j'ai essayé de pêcher...L'problème que c'est les crabes qui bouffent tout...Les crabes, c'est l'problème quand t'es là-bas...Eur'marque y en a au bord de la mer aussi...Tiens, jeudi j'ai vu mon René qu'était à l'action dans l'aut'coin....Il est malin...L'a pris eud'bons zhameçons chez Pierrot c'tantôt...Rusé l'malin...

 

C : Au final t'as pris quoi ?

 

B : J'ai lancé c'te ligne la jaune à vingt mètres...Purée y pleuvait ! Les doigts g'lés...Hop ! un p'tit coup pour s'réchauffer et clac ! eu'l'fil qui s'casse ! L'Pierrot y vend du bon fil qui dit...Mon oeil...D'la camelot'...J'ai lancé l'aut'ligne pour voir...Yavait rien...Hop ! un aut'coup pour s'donner d'l'effort...Une 'tite rondelle d'andouille...Et là j'l'ai vu...

 

C : ?

 

B : Comme une sort'd'fantôme qui marchait sur l'eau...Tout couvert d'écailles...Vrai...Il a tourné sa tête vers moi...Oh putain ! qui v'nait vers moi...

 

A : Un fantôme ?!? Et ?

 

B : Ben il disparu com'ça...J'tais chaviré...Pu rien dans l'bouteille d'limonade...C't'un endroit maudit d'chez maudit j't'eul dis...

 

A : Nan mais t'as rien pêché !

 

B : Ben si j'suis allé à la pêche...

 

 

(Izaak Walton, The Complete Angler, Acturus Publishing Limited, 2010)

7 décembre 2011 3 07 /12 /décembre /2011 07:00

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La voie est sous vos pieds...

 

 

Il pleuvait déjà des cordes sur le fort de Jhansi ce matin-là, mais quand j'ai pris la voiture pour me rendre à Sânchi, c'était pire.

 

C'est sûr, je n'avais jusqu'alors rien à craindre derrière les créneaux de grosses pierres : au cours de la fameuse révolte des Cipayes, la forteresse en question avait tenu le choc. Ce n'était pas une mousson et ses tromblons d'altitude qui allaient l'effaroucher. J'aurais pu attendre bien sagement à l'abri que les éléments tropicaux se calment pour entreprendre quelque chose. Mais appel de la route quand tu me tiens...

 

La route ? Quelle route ? Which road ? On ne voyait rien à trois mètres et tout était défoncé. Je commençais à regretter mon banc sous le porche. Pas le choix. Il me fallait avancer. L'essuie-glace est soudain tombé en panne. Suis resté de marbre. Comme dit l'autre, éviter l'erreur et contrecarrer la précipitation. Zèle de Zénon : facile à dire !

 

Au bout de huit heures, huit longues heures à la barre, les cordes de la pluie se sont enroulées sur elles-mêmes. Magie ! Quoi de plus normal en Inde, n'est-ce pas ? Fakirs et autres acrobates célestes, kif-kif.

 

À l'entrée de Sânchi, j'ai laissé la voiture ou ce qu'il en restait dans une énorme flaque d'eau. Après moi, le déluge !

 

Poursuivi à pied ma navigation devenue moins risquée jusqu'au sommet de la colline à la recherche d'un lieu de lumière.

 

Quelques pèlerins bouddhistes, regards tournés vers les portiques du grand stûpa, dessinaient de leurs robes une belle vague jaune-orangé.

 

Sur un autre banc de silence, j'ai laissé le charme du passage s'insinuer dans mon cerveau.  

 

Quand il n'y a rien plus à faire, que faites-vous ? 

 

 

(Jean-François Revel & Matthieu Ricard, Le moine et le philosophe, Nil Éditions, 1997)

4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 07:00

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Il n'y a rien de plus agréable que La Haye quand le soleil daigne s'y montrer; on ne voit ici que des prairies, des canaux et des arbres verts ; c'est un paradis terrestre depuis La Haye jusqu'à Amsterdam...


 

Temps : présent.

 

Un café de velours près de Oude Kerk.

 

Sur le canal flottent des quignons de pain.

 

Pagaille chez les mouettes en bataille.

 

Un Indien veut me vendre un cigare.

 

Waar kom je vandaan ?

 

Ding-blong au temple bouddhiste.

 

Je n'ai rien à faire, j'ai tout à faire.

 

Une ligne d'écriture dans le bleu.

 

Le vent s'est levé.

 

Moi aussi.

 

Une marche égale.

 

Des pas sans ego.

 

Rijksmuseum.

 

La femme blonde, la femme brune.

 

L'autre femme.

 

Jeu de dames.

 

Vermeer : 44 x 38,5.

 

C'est signé.

 

Camera quasi obscura.

 

Mandoline en demi-tons.

 

Inflexion. Nuances. Inclination.

 

 

Ik hou van...