5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 06:00

File:Arearea, by Paul Gauguin.jpg

 

 

Au bois d'amour...

 

 

Le lagon frais et une lecture : 

 

« Des formes féminines, nues ; dorées, bronzées, de colorations à la fois sombres et ardentes. Le soleil les a brulées, mais il les a pénétrées aussi. Il les habite, il rayonne d'elles, et ces formes de ténèbres recèlent la plus intense des chaleurs lumineuses. À cette clarté, l'âme, d'abord, te semble transparente de créatures promptes au rire, au plaisir, hardies, agiles, vigoureuses, amoureuses, comme autour d'elles les grandes fleurs aux enlacements audacieux, — de ces filles indolentes  et turbulentes, aimantes et légères, entêtées et changeantes, gaies le matin et tout le jour, attristées, tremblantes des la fin de soir et tout la nuit : or, la lumière éblouit comme elle éclaire. Le soleil dévoile tous les secrets, excepté les siens. Ces obscurs foyers vivants de rayons, les Maories, sous des dehors de franchise, d'évidence, gardent peut-être aussi, dans leurs âmes, des secrets. »

 

Polarités à définir...

24 juin 2015 3 24 /06 /juin /2015 06:00

 

 

Force de la nature...

 

 

J'écoute La Tempête de Beethoven à l'abrupt de l'été. Largo-allegro, adagio, allegretto. Daniel Barenboïm au clavier.


Shakespeare se joint à moi. Le temps est aboli. Cette existence incandescente.

 

J'ouvre une autre partition :

 

« De sa nature, elle est généralement régulière, soumise à de grands mouvements uniformes, périodiques. Les tempêtes sont des violences passagères que lui font les vents, les forces électriques ou certaines crises violentes d’évaporation. Ce sont des accidents qui se passent à la surface, et qui ne révèlent nullement la vraie, la mystérieuse personnalité de la mer.

Juger d’un tempérament humain sur quelques accès de fièvre, ce serait chose insensée. Combien plus de juger la mer sur ces mouvements momentanés,  extérieurs, qui paraissent n’affecter que des couches de quelques centaines de pieds ?

Partout où la mer est profonde, sa vie continue équilibrée, parfaitement balancée, calme et féconde, toute à ses enfantements. Elle ne s’aperçoit pas de ces petits accidents qui ne se passent qu’en haut. Les grandes légions de ses enfants qui vivent (quoi qu’on ait dit) au fond de sa paisible nuit et ne remontent tout au plus qu’une fois par an vers la lumière et les tempêtes doivent aimer leur grande nourrice comme l’harmonie elle-même.

Quoi qu’il en soit, ces accidents intéressent trop la vie de l’homme pour qu’il ne mette pas tous ses soins à les observer. Cela ne lui est pas facile. Il y garde peu son sang-froid. Les descriptions les plus sérieuses donnent des traits vagues et généraux, fort peu ce qui fait pour chaque tempête son originalité, ce qui l’individualise comme résultante imprévue de mille circonstances obscures, impossible à démêler. L’observateur en sûreté qui regarde du rivage voit mieux sans doute, n’étant pas occupé de son péril. Mais peut-il juger de l’ensemble autant que celui qui est au centre du tourbillon et qui jouit de tous côtés du terrible panorama ? »

 

In & out.

6 mai 2015 3 06 /05 /mai /2015 06:00

File:Ferruccio Busoni, Vienna, 1877.jpg

 

 

Dante et Michelangelo parmi ses prénoms...

 

 

Élargir la palette, comme on dit, du piano. La palette sonore.

 

J'aime cette photo de Ferruccio Busoni vers la fin de sa trajectoire, une cape sur le dos, un gros toutou des montagnes à ses pieds. Et cette autre photo, à l'orée des chemins, la chevelure en bataille.

 

Un pédagogue hors pair. Un ange dansant veille aujourd'hui sur lui à Schöneberg, un quartier très historique de Berlin.

 

Esquisse pour une nouvelle esthétique musicale. Sans parler de son travail explorateur à partir de Bach. S'attaque au fétichisme formaliste et s'intéresse à la possibilité d'instruments capables de faire entendre – pas simplement reproduire – les sons de la terre.

 

Pense en termes existentiels de programmes, motifs et motivations. Voit clair, loin et juste.

 

Dans le grand appartement dont les baies donnent ce soir sur la Spree, je vais réécouter sa Fantasia contrappuntistica en guise de pied de nez à toutes les éducations délibérément frileuses.

22 avril 2015 3 22 /04 /avril /2015 06:00

 

 

Nous cherchons partout l'absolu, mais nous ne trouvons que des choses...

 

 

Zone géographique des Laurentides. Lac des Écorces. Parc des Deux-Montagnes. Mirabel Equivalent Territory.

 

Il se passe beaucoup de choses.

 

L'absolu dans le détail. Et quelquefois dans le général.

 

Bivouac à trois.

 

Constellations.

 

L'heure et le lieu. J'inverse la citation de Novalis :

 

« Qui, donc, doué de vie et d’intelligence, ne préfère, parmi tous les phénomènes de l’immense espace qui l’entoure, la toute éjouissante lumière, avec ses rayons et ses ondes, ses couleurs et sa douce omniprésence dans le jour ? Comme de la vie l’âme la plus intime, la respire le monde immensurable des astres infatigués, qui se baignent dans son océan d’azur; ici respirent l’étincelante pierre et la coite plante et, des animaux, l’énergie toujours mouvante et multiforme; là respirent les nuages diaprés et les brises, mais, plus qu’eux tous, les divins étrangers aux yeux pleins de pensée, à la démarche légère, à la bouche mélodieuse. Reine de la nature d’ici-bas, elle appelle chaque force à d’innombrables transformations et, par sa seule présence, révèle la prodigieuse splendeur de l’empire terrestre. »

 

Oui, beautés immédiates.

18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 07:00

 

 

Lisons la nature...

 

 

Aix-en Provence.

 

À la table ronde d'un troquet abrité des regards, longue conversation avec HG de passage sur les coursives de son enfance.

 

Nous croquons chacun une pomme et j'allume ma pipe en bois de bruyère trouvée chez un buraliste d'Aberdeen. Le tabac ? Du Balkan Sobranie. Exclusif. Et seulement à Genève.

 

Dans mon sac, des extraits du Journal de Paul Cézanne. Je lui fais la lecture :

 

« Lire la nature, c’est la voir sous le voile de l’interprétation par taches colorées se succédant selon une loi d’harmonie. Ces grandes teintes s’analysent ainsi par les modulations. Peindre c’est enregistrer ses sensations colorées.

Il n’y a pas de ligne, il n’y a pas de modelé, il n’y a que des contrastes. Ces contrastes, ce ne sont pas le noir et le blanc qui les donnent, c’est la sensation colorée. Du rapport exact des tons résulte le modelé. Quand ils sont harmonieusement juxtaposés et qu’ils y sont tous, le tableau se modèle tout seul.

On ne devrait pas dire modeler, on devrait dire moduler. »

 

Et quand pense-t-il, le clavier musical, de la fameuse modulation ?

25 février 2015 3 25 /02 /février /2015 07:00

 

 

Au plus fort du courant...

 

 

Sein au bout des terres.

 

Une vigueur comme jamais.

 

Je m'y sens bien.

 

Il me fallait revenir. Sur le quai de la gare à Montparnasse, des Bretons, oriflammes dehors, se sont pris à entonner ce chant qui fit trembler la cage de béton :

 

« Le renard barbu glapit, glapit, glapit an bois ; malheur aux lapins étrangers ! Ses yeux sont deux lames tranchantes !

Tranchantes sont ses dents, et rapides ses pieds, et ses ongles rougis de sang ; Alain-le-Renard glapit, glapit, glapit : guerre ! guerre !

J’ai vu les Bretons aiguiser leurs armes terribles, non sur la pierre de Bretagne, mais sur la cuirasse des Gaulois.

J’ai vu les Bretons moissonner sur le champ de bataille, non pas avec des faucilles ébréchées, mais avec des épées d’acier ;

Non pas le froment du pays, non pas notre seigle, mais les épis sans barbe du pays des Saxons, et les épis sans barbe du pays des Gaulois.

J’ai vu les Bretons battre le blé dans l’aire foulée, j’ai vu voler la balle arrachée aux épis sans barbe.

Et ce n’est point avec des fléaux de bois que battent les Bretons, mais avec des épieux ferrés et avec les pieds des chevaux.

J’ai entendu un cri de joie, le cri de joie qu’on pousse quand la battue s’achève, retentir depuis le Mont-Saint-Michel jusqu’aux vallées d’Elorn,

Depuis l’abbaye de Saint-Gildas, jusqu’au cap où finit la terre ; qu’aux quatre coins de la Bretagne le renard soit glorifié !

Qu’il soit mille fois glorifié, le renard, d’âge en âge ! qu’on garde la mémoire du chant, mais que l’on plaigne le chanteur !

Celui qui a chanté ce chant pour la première fois n’a jamais chanté depuis ; hélas! le malheureux ! les Gaulois lui ont coupé la langue. Mais, s’il n’a plus de langue , il a toujours un cœur ! un cœur, et une main pour décocher la flèche de la mélodie ».

 

L'art vocal a-t-il pour seule vocation d'adoucir les mœurs ?

28 janvier 2015 3 28 /01 /janvier /2015 07:00

 

 

Du spirituel dans l'art...

 

 

Le bel art moderne au Lenbachhaus Museum.

 

Klee et Macke y dialoguent tandis que tout bouge nerveusement alentour.

 

Le perron, les marches couvertes de mousse, les arbres interrogatifs.

 

Soudain, une trouée de lumière.

 

Le cavalier pictural m'emporte.

10 décembre 2014 3 10 /12 /décembre /2014 07:00

File:Point d interrogation.jpg

 

 

Du nul au néant...

 

 

Carton d'invitation germanopratin pour découvrir les installations de X.

 

Son travail réenchante (sic !) le monde.

 

Je farfouille dans la bibliothèque et lis :

 

« Nous ne ferons point de réflexions moroses, nous nous abstiendrons de toute comparaison chagrine et fâcheuse. Il serait vraiment trop facile d’avancer et de prouver qu’en ce qui concerne les beaux-arts l’exposition universelle de 1878 est inférieure à ses devancières, surtout à celle de 1855, qui a jeté un si vif éclat et laissé un ineffaçable souvenir. Hélas ! les morts vont vite ; on leur succède, mais on ne les remplace pas toujours. Il faut en prendre son parti, jouir de sa destinée et ne pas tout demander. Nous vivons dans le siècle de l’industrie, des inventions et des machines ; notre sort est assez beau. Comme le disait, il y a trois mois, lord Beaconsfield au banquet annuel de la Royal Academy de Londres, « le temps présent est un âge de civilisation avancée, et la civilisation est essentiellement confortable ; sa tendance fatale est de supprimer le sentiment et de s’occuper du réel beaucoup plus que de l’idéal. » Lord Beaconsfield a raison, le confortable et l’idéal sont deux choses absolument différentes, et qui veut l’une doit apprendre à se passer de l’autre. Les mères ont coutume de dire à leurs filles qu’une femme doit savoir souffrir pour être belle. Cet adage est profondément juste, et les peuples qui se piquent d’exceller dans les beaux-arts feraient bien de s’en pénétrer autant que les jeunes filles qui aspirent à briller dans un bal. Quand une société se soucie avant tout de se procurer toutes ses aises, elle ne doit pas s’étonner que son architecture ait peu de style, que ses statues manquent de caractère, que sa peinture d’histoire soit trop souvent insignifiante. Les Grecs du temps de Périclès se résignaient à une foule de privations qui nous seraient insupportables et qu’ils ne sentaient pas. Il est vrai que, presque partout, les gouvernemens s’appliquent avec un zèle et une sollicitude dont ils font gloire à réagir contre les tendances d’une civilisation qui sacrifie tout au confortable. »

 

Mon jardin d'automne hivernal est un enchantement. J'y marche pieds nus au contact de la terre. What else?

5 novembre 2014 3 05 /11 /novembre /2014 07:00

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La chevauchée des steppes...

 

 

 

À l'aéroport de Glasgow, entre deux avions, remontant toujours plus haut vers le Nord, je tombe sur une vieille connaissance (quelques quarante printemps, voix d'ange et chevelure moussante !) qui revient d'une traversée pédestrement épique dans le Caucase géorgien. Échanges rapides, sur le fil du vif. Monts tantôt verdoyants, tantôt obscurs. Glaciers et pins noueux. Bergers, idiomes, villages à la simplicité rendus, conflits au lointain, myriades de peuples, symbiose des religions, le fleuve Tushetis-Alazani, les bordures de la Khevsourétie, la Khakétie, hordes de chevaux, la Chiraquie, errances, transhumances, nomadisme...

 

— Salut !

— À bientôt !

 

Je connais certaines enclaves géographiques écossaises qui me font aussitôt voyager aux confins du Caucase. L'Asie et l'Europe rendent la sensation de s'interpeller. Prenant mes quartiers dans l'hôtel qui surplombe la baie, je consulte l'atlas. J'ai toujours un petit atlas avec moi, de soin solide, qui porte à ma connaissance toutes les indications topographiques nécessaires de façon bien lisible.

 

L'aigle du Caucase... Qui se souvient de Prométhée ? Sur la carte, voici la Touchétie. Qu’es aquò ? Entre la mer Noire et la Caspienne. Volcans et sentes escarpées. Un massif mythologique pour certains. Une abruptitude élémentaire pour moi. Je me verse une rasade de whisky et vois la chevelure caracolant au vent d'hiver...

1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 06:00

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Une existence charmante...

 

 

Du bruit et de la gêne partout.

 

Faut-il ou non revoir le code du travail ?

 

Je vous pose la question.

 

Pendant ce temps-là, Amsterdam m'offre son hospitalité. Le calme – alors que tant d'autres font des singeries.

 

Une douceur sans mélange qui contraste avec la cruelle dévastation alentour.

 

Lecture :

 

Longtemps au pied du perron de
La maison où entra la dame
Que j'avais suivie pendant deux
Bonnes heures à Amsterdam
Mes doigts jetèrent des baisers

Mais le canal était désert
Le quai aussi et nul ne vit
Comment mes baisers retrouvèrent
Celle à qui j'ai donné ma vie
Un jour pendant plus de deux heures

Je la surnommai Rosemonde
Voulant pouvoir me rappeler
Sa bouche fleurie en Hollande
Puis lentement je m'en allai
Pour quêter la Rose du Monde


 

Le brouillard se dissipe. Je m'éveille. La couleur de l'eau soudain s'éclaircit.