Au plus fort du courant...
Sein au bout des terres.
Une vigueur comme jamais.
Je m'y sens bien.
Il me fallait revenir. Sur le quai de la gare à Montparnasse, des Bretons, oriflammes dehors, se sont pris à entonner ce chant qui fit trembler la cage de béton :
« Le renard barbu glapit, glapit, glapit an bois ; malheur aux lapins étrangers ! Ses yeux sont deux lames tranchantes !
Tranchantes sont ses dents, et rapides ses pieds, et ses ongles rougis de sang ; Alain-le-Renard glapit, glapit, glapit : guerre ! guerre !
J’ai vu les Bretons aiguiser leurs armes terribles, non sur la pierre de Bretagne, mais sur la cuirasse des Gaulois.
J’ai vu les Bretons moissonner sur le champ de bataille, non pas avec des faucilles ébréchées, mais avec des épées d’acier ;
Non pas le froment du pays, non pas notre seigle, mais les épis sans barbe du pays des Saxons, et les épis sans barbe du pays des Gaulois.
J’ai vu les Bretons battre le blé dans l’aire foulée, j’ai vu voler la balle arrachée aux épis sans barbe.
Et ce n’est point avec des fléaux de bois que battent les Bretons, mais avec des épieux ferrés et avec les pieds des chevaux.
J’ai entendu un cri de joie, le cri de joie qu’on pousse quand la battue s’achève, retentir depuis le Mont-Saint-Michel jusqu’aux vallées d’Elorn,
Depuis l’abbaye de Saint-Gildas, jusqu’au cap où finit la terre ; qu’aux quatre coins de la Bretagne le renard soit glorifié !
Qu’il soit mille fois glorifié, le renard, d’âge en âge ! qu’on garde la mémoire du chant, mais que l’on plaigne le chanteur !
Celui qui a chanté ce chant pour la première fois n’a jamais chanté depuis ; hélas! le malheureux ! les Gaulois lui ont coupé la langue. Mais, s’il n’a plus de langue , il a toujours un cœur ! un cœur, et une main pour décocher la flèche de la mélodie ».
L'art vocal a-t-il pour seule vocation d'adoucir les mœurs ?