Au bourg de Monpazier, les pommes baies sont mûres.
Les arcades fleuries à qui j'adresse mes baisers, les bancs de pierre lustrés de lune, les chats curieux s'étirant aux croisées.
J'enfourche la bicyclette que l'on me prête, et l'on me prête beaucoup, et file sur la départementale par vallons et coteaux gorgés de vin vers Beynac-et-Cazenac.
On m'ouvre la porte du château. D'Artagnan et Le Capitan font leur cinéma derrière les tapisseries.
J'ai droit à un brillant feu automnal qui crépite dans l'immense cheminée. Le beau fauteuil troussé de velours m'invite. Une aventure :
« Le plus loin dont il me souvienne, c’est 1815, l’année que les étrangers vinrent à Paris, et où Napoléon, appelé par les messieurs du château de l’Herm « l’ogre de Corse », fut envoyé à Sainte-Hélène, par delà les mers. En ce temps-là, les miens étaient métayers à Combenègre, mauvais domaine du marquis de Nansac, sur la lisière de la Forêt Barade, dans le haut Périgord. C’était le soir de Noël ; assis sur un petit banc dans le coin de l’âtre, j’attendais l’heure de partir pour aller à la messe de minuit dans la chapelle du château, et il me tardait fort qu’il fût temps. Ma mère, qui filait sa quenouille de chanvre devant le feu, me faisait prendre patience à grand’peine en me disant des contes. Elle se leva enfin, alla sur le pas de la porte, regarda les étoiles au ciel et revint aussitôt :
– Il est l’heure, dit-elle, va, mon drole ; laisse-moi arranger le feu pour quand nous reviendrons. »
Je croque la pomme, il en restera toujours quelque chose.