Par la poste matinale, je reçois une fort jolie carte postale.
À l'époque niaise des réseaux sociaux, mes amis savent que je n'apprécie rien moins que ce rectangle, coloré de teintes bien nettes, porteur de rêves que prolonge la présence des timbres invariablement rangés comme à la parade dans le coin droit de la carte, et qui donnent à méditer oiseaux, arbres, fleurs, héros historiques, citadelles, prouesses, rivières, papillons, montagnes, lunes et soleils. Je reconnais aussitôt l'adorable temple de Banteay Srei niché au sein de la dense arborescence tropicale qui enserre le vastitude architecturale d'Angkor.
Je me souviens, c'était, dans le temps d'avant, l'heure d'une aube brumeuse, affranchi des troupes hétéroclites massifiées aux abords du Bayon, j'empruntai le chemin secret menant à la citadelle sylvestre des femmes longé d'eucalyptus, leurs lambeaux d'écorce blanche, de grenadiers pulpeux, et de tilleuls orientaux géants, dont la puissance rayonnante au fond de la forêt n'avait rien à envier aux célèbres ficus des pagodes et autres fromagers spectaculairement tentaculaires qui font désormais la joie des photographes en herbe à Ta Prohm.
Malraux, on s'en souvient peut-être, s'était fait tirer les oreilles lorsqu'au temple ses manœuvres de pillage des plus fines sculptures furent démasquées. C'était dans le mouvement des Années folles. Aujourd'hui, l'autorité, la presse et les réseaux sociaux s'escrimeraient allègrement à discréditer André sur sa voie royale. C'est qu'elles sont envoûtantes, ces déesses kmères ! Et si peu mères ! Bijoux de grès rose qui vous entraînent dans une sarabande confidentielle en d'étroits corridors. Vous voulez comprendre une société ? Regardez donc comment vivent ses femmes, et tout sera dit.
Sur une planche de l'atelier qui vibre comme jamais, je pose ce clin d'œil postal entre une conque et un épi de blé. Les hommes font les lois, ils s'y emploient ; les femmes forment les mœurs, elles y excellent. Ou non, c'est selon...