14 décembre 2011 3 14 /12 /décembre /2011 07:00

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Le sujet matériel de la gastronomie est tout ce qui peut être mangé...

 

 

Musique, fête, saveurs.

 

J'ai toujours eu un appétit barbare. Seul et en partage.

 

De la malle hivernale, j'extrais ce menu pour les amis encore fluets bientôt repus :

 


 

Caviar frais

 

Consommé à la parisienne

 

Pâté de foie capitoline


Croustades Talleyrand

 

Timbales Lucullus

 

Truites en gelée

 

Dos de rougets à la provençale

 

Buisson d'écrevisses au champagne

 

Cailles aux raisins

 

Suprême de poularde au jus

 

Lièvre à la royale

 

Filet de boeuf financier

 

Noisettes de pré-salé Rossini

 

Chevreuil sauce chasseur

 

Salade russe

 

Plombière glacée

 

Ronde des fromages

 

Délices de Saint Honoré et Paris-Brest

 

Fruits des tropiques


 

Vins fins et liqueurs


(Pommard, Chambertin, Angélus, La Lagune, St John Commandaria, Moët & Chandon, Isle of Jura)


 

 

Plus tard, devant les braises, Mozart au piano, je goûterai de l'eau fraîche à un gobelet de terre cuite...


 

(Jean Anthelme Brillat-Savarin, La Physiologie du goût, Flammarion, 2009)

4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 07:00

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Il n'y a rien de plus agréable que La Haye quand le soleil daigne s'y montrer; on ne voit ici que des prairies, des canaux et des arbres verts ; c'est un paradis terrestre depuis La Haye jusqu'à Amsterdam...


 

Temps : présent.

 

Un café de velours près de Oude Kerk.

 

Sur le canal flottent des quignons de pain.

 

Pagaille chez les mouettes en bataille.

 

Un Indien veut me vendre un cigare.

 

Waar kom je vandaan ?

 

Ding-blong au temple bouddhiste.

 

Je n'ai rien à faire, j'ai tout à faire.

 

Une ligne d'écriture dans le bleu.

 

Le vent s'est levé.

 

Moi aussi.

 

Une marche égale.

 

Des pas sans ego.

 

Rijksmuseum.

 

La femme blonde, la femme brune.

 

L'autre femme.

 

Jeu de dames.

 

Vermeer : 44 x 38,5.

 

C'est signé.

 

Camera quasi obscura.

 

Mandoline en demi-tons.

 

Inflexion. Nuances. Inclination.

 

 

Ik hou van...

27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 07:00

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Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir au son.

Seul si tu peux, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule...


 

Il faisait encore nuit ce matin-là.

 

J'ai marché le long du lac pendant environ une heure.

 

Moi avec moi-même.

 

Nous devions être deux.

 

Ou était-ce le froid ?

 

Le chemin obliquait alors à gauche vers les arbres.

 

J'ai traversé le monde des arbres.

 

Ce n'était pas une illusion.

 

Pourtant loin, pourtant proche, le lac était toujours là.

 

Dans une clairière, le minéral porté par l'eau.

 

Pierres de toutes formes, de toutes densités.

 

De mes mains, une idée d'ordre a jailli du chaos.

 

Ce que je sais d'aujourd'hui, en hâte je l'impose à ta surface, pierre plane, étendue visible et présente.

 

Le monticule, souverain de sa propre nécessité.

 

Puis j'ai rendu les pierres à leur destin et le chemin à ses menées.

 

La passe était franchie.

 

 

(Victor Segalen, Stèles, Crès, 1922 Carl von Linné, Voyage en Laponie, La Différence, 2002) 

6 novembre 2011 7 06 /11 /novembre /2011 07:00

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L’aube, ce jour-là, était froide et grise, très grise et très froide...


 

J'aime le feu. J'en ai besoin, qu'il fasse froid, qu'il fasse chaud. J'en ait fait des feux dans toutes les cheminées du monde ! De tous les bois et de toutes les allumettes. Au cœur des villes. Dans la nature sauvage. Le matin, le soir. L'après-midi, vers l'heure du chien et du loup. Seul. À plusieurs. À deux. Avec les chiens et les loups, pour de vrai.

 

La correspondance pour Montréal avait du retard. La neige tombait à gros flocons sur l'aéroport. Le temps d'une flambée peut équivaloir au temps d'une vie humaine. Si, si ! Je l'ai vérifié. Je m'en suis ouvert un jour à l'un de nos amis, P.A., obnubilé comme je le suis par le temps qui file. Jamais, jamais assez de temps. Tempus irreparabile fugit. Tant de choses à faire. Et toutes les bonnes choses du vieux monde qui s'évanouissent.

 

Heureusement que dans mon bagage j'avais emporté ce compendium des œuves de Jack London. À force de le manipuler, le livre s'ouvre de lui-même à la section des nouvelles et parmi elles :To build a fire. Une histoire, bien vécue, simple et complexe à la fois, comme je les aime :

 

L’homme allait toujours, d’un pas régulier. Son cerveau ne remuait pas de réflexions inutiles ; il ne pensait à rien, sinon au déjeuner dont l’instant approchait, et qu’à six heures du soir il aurait retrouvé ses camarades. Il ne disait rien non plus, pour la raison majeure qu’il n’y avait personne avec qui engager la conversation. Et d’ailleurs, eût-il voulu parler qu’il ne l’aurait pu, par l’effet de cette muselière de glace qui lui fermait la bouche. Il se contentait de mâcher uniformément son tabac et d’allonger ainsi sa barbe d’ambre.

 

Que de bonnes bouteilles éclusées devant le feu ! Que de mondes refaits !

 

Faire un feu, c'est un art. 

 

L'avion fut enfin annoncé. Une autre aventure commençait. En dessous, le Saint-Laurent, immense.

 

L’homme s’assoupit alors, en un sommeil qui lui parut être le meilleur qu’il eût jamais connu.

 

 

(Jack London, Construire un feu, Actes Sud, 1999 / Paul Auster, Dans le scriptorium, Actes Sud, 2008)

21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 06:00

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Sirocco britonnique.

 

Lueur du jour. Le train qui vient de traverser l'élégante cité d'Oxford fonce maintenant vers la côte. La locomotive a la volonté manifeste de rivaliser avec la vitesse du vent qui balaie tout sur son passage. J'aurais pu descendre à cet arrêt, car j'aime bien la ville-université où l'on peut encore croiser Duns Scot ou Thomas Stearns Eliot dans les jardins de Merton College. J'y ai de bons souvenirs. Par exemple, du côté de la Bodleian Library. Ou du côté de la Turf Tavern, Bath Place. Ce sera pour une autre fois. J'ai l'intention de séjourner un ou deux jours, trois au plus, dans la petite station balnéaire de Weymouth située dans le Dorset. Pour mener ce projet à bien, il m'a fallu des préparatifs et des changements d'itinéraires. Ce n'est pourtant pas éloigné de mon point de départ, mais ce n'est pas rien et, au fond, cela m'amuse.

 

La gare, terminus de la South Western Line qui relie Bristol à Londres, a été, me dit la plaque commémorative, entièrement reconstruite dans les années 1980. L'ancien édifice, ne pouvant plus accueillir le flot continu des touristes, méritait sans doute un lifting digne des temps modernes. Je savais que Weymouth avait, depuis belle lurette, un authentique pouvoir d'attraction : John Constable qui est loin d'être un mauvais peintre a souvent arpenté le coin. Ses exquises esquisses, ses croquis sur le vif et ses toiles nous donnent à voir des paysages côtiers plutôt tourmentés en gris et bistres grotesques, au sens premier, qui contrastent avec l'apparente tranquillité du rivage très aménagé d'aujourd'hui.

 

Mais ce n'est pas tant à Constable que je pense ce matin tandis que je me dirige au gré des rafales vers un café à la devanture bleue pour prendre mes marques. Non, j'ai devant les yeux, mentalement parlant, les premières pages de Weymouth Sands :

 

The sea lost nothing of the swallowing identity of its great outer mass of waters in the emphatic, individual character of each particular wave...

 

(La mer ne laissait pas entamer son individualité : de toute l'énorme masse visible de ses eaux, elle restait la mer, entité triomphale, gouffre insatiable en dépit de la fougue que les vagues mettaient à imposer leur caractère individuel...)

 

Ce roman hyperbolique, mon cher John Cowper Powys l'a écrit à des milliers de kilomètres d'ici, dans l'agitation new-yorkaise. Nous sommes en 1934 et John commence à en avoir assez de son existence outre-Atlantique au point de vouloir revenir, en deux temps trois mouvements, au pays - haut en couleur ! - de Galles. À cause de John, j'avais le désir de voir d'assez près à quoi ressemble Weymouth et ses environs.

 

Après le café qui avait un goût de thé, l'air redevenu doux aidant, j'ai marché jusqu'au bout de l'Esplanade -The Esplanade, s'il vous plaît. Je suis resté là un moment à regarder la manœuvre de l'unique ferry qui se portait au mouillage. À quelques encablures, plus au Sud, la presqu'île de Portland dans un nuage d'oiseaux. Activités des uns, activités des autres. Rebroussant chemin - je ne pouvais aller plus loin au risque de tomber directement dans l'eau -, je suis passé devant un gîte géorgien de luxe, a guest house, qui porte le titre exact du roman de Powys. J'entre et me fait donner certains renseignements par une dame qui portait non pas une jupe, mais carrément une robe à motifs écossais. L'endroit ne manquait pas de charme, mais je préfère l'hôtel légèrement en retrait où j'ai réservé une chambre. En effet, parcourant un prospectus à la gare avant d'entrer en ville, comme quoi il faut toujours avoir l'oeil actif, j'avais remarqué toutes sortes de festivités qui, d'après le calendrier, devaient se produire au cours de la semaine dans les parages de la guest house, notamment au Game Zone-Laser Zone. Je craignais déjà le pire. Mon choix était donc le bon.

 

Soir de brume dans ma chambre à l'hôtel.

 

Je fume un cigare Hamlet. Finalement, ,j'aurais déambulé dans la ville toute la journée et vu tout ce que je voulais y voir, empruntant le dédale de ses rues pittoresques derrière le port : Maiden Street, Market Street, Saint Nicholas et Saint thomas Streets, une East Street mais pas de West Street, une Franchise Street et une belle Helen Street. Chez un libraire-antiquaire - la boutique, matières sur matières, était la convergence en un point focal de tout ce qui a été manufacturé en Angleterre depuis au moins un siècle -, je n'ai pas trouvé le moindre bouquin digne d'intérêt. Ce n'était que de la fiction en tombereaux d'éditions bon marché. Mais, au milieu de ce fatras, j'ai déniché un petit lion de bronze de bon poids que je me suis offert et que je placerai au retour sur les feuillets épars dans l'atelier.

 

J'avais faim et suis reparti, guidé par le hasard. Dans un restaurant propret tenu par un ancien de la Royal Navy, une assiette de fruits de mer et un honnête vin blanc portugais ont composé mon repas. Après le dîner et un whisky offert par le patron en souvenir du Débarquement, j'étais heureux de mon sort. Malgré le vent qui n'avait pas cessé de souffler depuis l'aube et les bancs de brouillard de plus en plus compacts, je ne voulais pas rentrer tout de suite. Sur le pavé, canettes de bière à la main, des groupes de jeunes tapageurs se dirigeaient vers la zone de jeux. J'oblique vers une rue plongée dans une étrange lumière jaune et verte. Une bonne surprise m'attendait : un cinéma. À l'affiche, The Ghost and Mrs Muir, un de mes films préférés et la séance allait débuter. Good ! Je ne pouvais trouver mieux ! Pendant une heure et demie, le vent dehors, le vent sur l'écran, j'étais tantôt Captain Gregg (magistral Rex Harrison), tantôt Lucy Muir (touchante Gene Tierney). Et je n'oublie pas la jeune Nathalie Wood et le délicat George Sanders. Sait-on qu'ils étaient, l'un et l'autre, d'origine russe ? Le Gull Cottage de Mrs Muir me plaît beaucoup dans son retirement à la fois simple et raffiné. Vu les conditions atmosphériques, les scènes de bourrasques, quant à elles, auraient pu être filmées ici, à Weymouth. Sauf que, si ma mémoire est bonne, elles le furent sur la côte de l'océan Pacifique, au Nord de Carmel, en Californie.

 

Le lendemain, préparant mon paquetage, la tête encore pleine de gentils fantômes, je me dis, jetant par la fenêtre un dernier coup d'œil à la ligne d'horizon, que je ferai bien de monter en bus vers le Nord, vers le pays de Galles, vers un ailleurs à revisiter...           

 

 

(Joseph Leo Mankiewicz, The Ghost and Mrs Muir, 1947 / John Cowper Powys, Weymouth Sands, The Overlook Press, 1934, Les Sables de la mer, traduction de Marie Canavaggia, préface de Jean Wahl, Plon, 1959)

7 septembre 2011 3 07 /09 /septembre /2011 06:00

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Bête au vin !

 

Mea maxima culpa.

 

Je ne peux résister à ce jeu de mots d'un goût...douteux. Ludwig m'en voudra-t-il par-delà les siècles ?

 

Langsame Heimkher - lent retour vers Berlin-feuilles-au-vent où je vais m'entretenir de Richard Brautigan avec un groupe d'étudiants. La pêche à la truite : roman d'apprentissage. Du cours d'eau local au fleuve souvent incertain de l'histoire américaine. L'Amérique avant les États-Unis, pour ainsi dire. Grand écart humoristique.

 

Le train va à son rythme, les voitures sur l'Autobahn au leur : deux conceptions du monde en raccourci.

 

De toutes les symphonies de Beethoven, la 6ème, dite Pastorale, est ma favorite. Le passage où l'orage se déchaîne, surtout. Il peut, il va se passer quelque chose.

 

Dieu sait que cette symphonie a été enregistrée de toutes les façons !

 

Plus tard à l'université, dans la vaste galerie, tous ces bustes de marbre au temps immémorial.

 

Qu'est-ce que je cherche ? Une symphonie ? Une harmonie ?

 

Trouve tantôt l'une, tantôt l'autre.

 

Je travaille pour que le champ soit le plus hautement magnétique. Je le sais.

 

Allons nous occuper de cette pastorale américaine.

 

 

(Beethoven, symphonie n° 6, Pastorale, dans l'interprétation d'Arturo Toscanini, NBC Symphony Orchestra, 1939 / Richard Brautigan, Trout Fishing In America, Four Seasons Foundation, 1967)

12 août 2011 5 12 /08 /août /2011 06:00

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Je suis chez...ça !

 

Thèse : quand une mère dit à son fils (surtout si c'est son unique fils) : Vas-y !, c'est qu'il a (déjà)  gagné.

 

Il fait beau. Luxe, calme et volupté alentour.

 

Debout à six heures, toilette, thé, contemplation du monde tel qu'il va.

 

Matinée dans les mots.

 

Dictionnaires, encyclopédies, galop du rythme sur les pages du carnet.

 

Je suis un œil multiplié par deux, une oreille par quatre.

 

Un merle sur la terrasse.

 

Je ne me suis jamais senti aussi bien : aujourd'hui vaut toujours (magie de l'enfance à jamais renouvelée).

 

Bonjour gentil merle.

 

Miidi, soleil en fusion.

 

L'oiseau me tient compagnie.

 

L'encre bleue.

 

Jusqu'à 19 heures, plages dans le temps intime.

 

Whisky - on en trouve ici et même du très bon.

 

Dîner léger.

 

Les Tiger Prawns, quel régal !

 

Nuit profonde.

 

Lecture des feuillets dans l'abscisse chronologique inversée.

 

Ready for tomorrow.

 

Et ça recommence.

 

Je suis bien chez moi.

19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 06:00

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Je préfère peindre des yeux humains plutôt que des cathédrales.

L’âme d’un être humain - même les yeux d’un pitoyable gueux ou d’une fille du trottoir-, sont plus intéressants à mes yeux.

 

 

Pendant le colloque, j'ai dit ce que j'avais à dire, et maintenant j'avance dans le frais soleil. Avenue d'Edimbourg, je m'offre un bon café, vérifie les horaires des trains et me dis que j'ai bien le temps, cette fois, d'aller visiter le musée des beaux-arts, puis de flâner sur les quais : Quai de la Londe, Quai de Vendeuvre, Quai Caffarelli. Ce dernier, raconte le guide de la Normandie que j'ai emporté, en l'honneur de Charles Ambroise de Caffarelli du Falga, 1758-1826, ancien préfet de l'Ardèche, du Calvados et de l'Aube sous le Premier Empire. Tour de France administratif, tour de la France gastronomique...J'espère qu'il en a eu de la joie.

 

Ce musée de Caen (en 1945, la ville jaillissant des ruines) est une réussite en termes d'œuvres présentées et de politique de large ouverture au public des usagers. Quand c'est bien, il convient de le faire savoir -un travers bien français étant, on le constate pour un oui pour un non, le dénigrement systématique et concerté. Après un tour, je reviens vers Le Pérugin (Saint Jérôme dans le désert), Paul Véronèse (La Tentation de saint Antoine), Nicolas Poussin (Vénus pleurant Adonis), Philippe de Champaigne ( La Samaritaine), Willem Drost (L’Écaillère) et Gustave Courbet (La Mer, 1872).

 

Bord de mer, sans doute à Etretat, toile de commande (docteur Jacquette, médecin à Caen) me dit la notice. L'irruption de la Commune a eu lieu. Courbet a, lui, payé chèrement son goût pour la République (détention, amende, mise à l'index). Que reste-t-il de la grève, I mean, sur la grève ? Un ponton délabré, une barque ensablée, un immense ciel pommelé qui surplombe toute la scène. C'est peu ? C'est beaucoup ! Les éléments ont effacé l'Homme (majuscule) ou plutôt il s'est effacé de lui-même. On peut passer à autre chose. Le XXe siècle est en marche. Deux pas en avant, trois en arrière...

 

Plus tard sur les quais, le carillon de cent clochers au soleil comme aux plus beaux jours de la Libération.

8 mai 2011 7 08 /05 /mai /2011 06:00

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New York, altitude : blanc sur or liquide.

 

Ce n'est pas encore le temps de la récolte, mais la moisson picturale est fabuleuse ce matin au Metropolitan Museum of Art.

 

Pieter Bruegel, dit l'Ancien, est un régal comme aux plus beaux jours.

 

The Harvest, la moisson, 1565, pour moi seul loin du tumulte de la rue.

 

Été profond, travail accompli, paix des pâtis, langueur ombrée.

 

Je revois aussitôt cette autre toile à Vienne en renversement paradoxal, Heimkehr der Jäger, le retour des chasseurs, et pense à W.C.W. :

 

The over-all picture is winter
icy mountains
in the background the return

from the hunt it is toward evening
from the left
sturdy hunters lead in

their pack the inn-sign
hanging from a
broken hinge is a stag a crucifix

between his antlers the cold
inn yard is
deserted but for a huge bonfire

that flares wind-driven tended by
women who cluster
about it to the right beyond

the hill is a pattern of skaters
Brueghel the painter
concerned with it all has chosen

a winter-struck bush for his
foreground to
complete the picture


 

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Espiègle, espiègle, ce Pieter...

 

 

(Robert-Johns Philip, Pierre Bruegel l'ancien, Flammarion, 1998 / William Carlos Williams, Pictures from Brueghel and Other Poems, New Directions Books, 1967)

3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 06:00

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April in Paris, chestnuts in blossom, holiday tables under the trees, doux vent bleu.

 

Debout à six heures. Studio et jardin en éveil. Douche. Café. Tempo.

 

La radio diffuse des complaintes blues chantonnées, et parfois, psalmodiées, par les journaliers noirs au travail dans les plantations cotonnières du grand Sud.

 

J'entends encore la belle voix grave de Paul Robeson, Ol' Man River, Song of Freedom : les bateliers de la Volga sur les rives du Mississippi... 

 

On quitte soudain les années 30 pour foncer vers le milieu des années 50 : bascule du temps, changement de rythme, Ella Fitzgerald, le swing de ses improvisations vocales, les premières paroles humaines, c'était sans doute comme ça, un jazz naturel, des voyelles improbables placées dans une gestuelle pour qu'on les entende, frappe des mains dans l'air, frappe des pieds sur la terre.

 

Et aujourd'hui, frappe des touches du clavier musical en écriture.

 

It don't mean a thing if I ain't got that swing...