Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir au son.
Seul si tu peux, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule...
Il faisait encore nuit ce matin-là.
J'ai marché le long du lac pendant environ une heure.
Moi avec moi-même.
Nous devions être deux.
Ou était-ce le froid ?
Le chemin obliquait alors à gauche vers les arbres.
J'ai traversé le monde des arbres.
Ce n'était pas une illusion.
Pourtant loin, pourtant proche, le lac était toujours là.
Dans une clairière, le minéral porté par l'eau.
Pierres de toutes formes, de toutes densités.
De mes mains, une idée d'ordre a jailli du chaos.
Ce que je sais d'aujourd'hui, en hâte je l'impose à ta surface, pierre plane, étendue visible et présente.
Le monticule, souverain de sa propre nécessité.
Puis j'ai rendu les pierres à leur destin et le chemin à ses menées.
La passe était franchie.
(Victor Segalen, Stèles, Crès, 1922 / Carl von Linné, Voyage en Laponie, La Différence, 2002)