6 novembre 2011 7 06 /11 /novembre /2011 07:00

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L’aube, ce jour-là, était froide et grise, très grise et très froide...


 

J'aime le feu. J'en ai besoin, qu'il fasse froid, qu'il fasse chaud. J'en ait fait des feux dans toutes les cheminées du monde ! De tous les bois et de toutes les allumettes. Au cœur des villes. Dans la nature sauvage. Le matin, le soir. L'après-midi, vers l'heure du chien et du loup. Seul. À plusieurs. À deux. Avec les chiens et les loups, pour de vrai.

 

La correspondance pour Montréal avait du retard. La neige tombait à gros flocons sur l'aéroport. Le temps d'une flambée peut équivaloir au temps d'une vie humaine. Si, si ! Je l'ai vérifié. Je m'en suis ouvert un jour à l'un de nos amis, P.A., obnubilé comme je le suis par le temps qui file. Jamais, jamais assez de temps. Tempus irreparabile fugit. Tant de choses à faire. Et toutes les bonnes choses du vieux monde qui s'évanouissent.

 

Heureusement que dans mon bagage j'avais emporté ce compendium des œuves de Jack London. À force de le manipuler, le livre s'ouvre de lui-même à la section des nouvelles et parmi elles :To build a fire. Une histoire, bien vécue, simple et complexe à la fois, comme je les aime :

 

L’homme allait toujours, d’un pas régulier. Son cerveau ne remuait pas de réflexions inutiles ; il ne pensait à rien, sinon au déjeuner dont l’instant approchait, et qu’à six heures du soir il aurait retrouvé ses camarades. Il ne disait rien non plus, pour la raison majeure qu’il n’y avait personne avec qui engager la conversation. Et d’ailleurs, eût-il voulu parler qu’il ne l’aurait pu, par l’effet de cette muselière de glace qui lui fermait la bouche. Il se contentait de mâcher uniformément son tabac et d’allonger ainsi sa barbe d’ambre.

 

Que de bonnes bouteilles éclusées devant le feu ! Que de mondes refaits !

 

Faire un feu, c'est un art. 

 

L'avion fut enfin annoncé. Une autre aventure commençait. En dessous, le Saint-Laurent, immense.

 

L’homme s’assoupit alors, en un sommeil qui lui parut être le meilleur qu’il eût jamais connu.

 

 

(Jack London, Construire un feu, Actes Sud, 1999 / Paul Auster, Dans le scriptorium, Actes Sud, 2008)

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