19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 07:00

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Rangement dans l'atelier.

 

Ou, à tout bien considéré, installer le désordre dans l'ordre. Et non l'inverse.

 

De la pile, après avoir poussé la petite boîte qui contient des abalones bleutés qu'on appelle aussi oreilles de mer, je finis par mettre la main sur Les Lettres à un jeune poète (Briefe an einen jungen Dichter, 1929) que je cherchais le mois dernier. À l'intérieur, une fleur de coton trouvée à Madras.

 

Édition qui sent le café, et je tombe sur ce passage en bleu profond, reflet sonore de mes quinze ans :

 

(...) Vous demandez si vos vers sont bons. Vous me le demandez à moi. Vous l'avez déjà demandé à d'autres. Vous les envoyez aux revues. Vous les comparez à d'autres poèmes et vous vous alarmez quand certaines rédactions écartent vos essais poétiques. Désormais (puisque vous m'avez permis de vous conseiller), je vous prie de renoncer à tout cela. Votre regard est tourné vers le dehors ; c'est cela surtout que maintenant vous ne devez plus faire. Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne. Il n'est qu'un seul chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s'il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s'il vous était défendu d'écrire ? Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit : « Suis-je vraiment contraint d'écrire ? » Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple : «  Je dois  », alors construisez votre vie selon cette nécessité.

 

(Rainer Maria Rilke, lettre du 17 février 1903, traduction de Bernard Grasset et Rainer Biemel, Grasset, 1937)  

 

 

Cosmopolite amoureux, j'ai autrefois suivi les périples de Rainer à travers l'Europe. Ah, oui, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge. Important.

 

Relier cette retrouvaille à celui qui, les textes écrits, signait Personne...

17 décembre 2010 5 17 /12 /décembre /2010 07:00

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Je suis né avec le jazz et partirai avec.

 

Noté, très vite, ici, à New York, dans la sensualité frénétique de la ville et la voix chaloupée de Sarah Vaughan.

 

J'écris : si le piano me vient plutôt facilement, je me débrouille, jamais je ne pourrais faire semblant de rivaliser avec Erroll Garner, Thelonious Monk ou Oscar Peterson dont les métissages musicaux en noir et blanc renaissent sans cesse sous leurs doigts en déferlantes pulsations imbriquées.

 

Les jazzmen, les grands, dans leur course-poursuite au nouvel idiome, je les ai vus de près, leurs disques de vinyle demeurent intègres, toujours sur la bonne portée. Alcools précis, came raffinée. Je les entends chaque jour et peux les écouter des nuits entières en boucle, chacun d'entre eux, solo ou ensemble : concentration, expansion, nouvelle concentration - énergie tenace dans la courbure dilatée du temps. 

 

Le son absolu que j'aime est celui qui sort de la trompette narquoise de Miles Davis. So What, 1959. Le monde peut bien s'écrouler, ces 9'23'' de métal en fusion liquide augmentent encore ma sensation de vie.

 

Blue majeur : c'est mon tempo.

 

 

  • Erroll Garner, Concert by the Sea, Columbia,1955
  • Sarah Vaughan, With Clifford Brown, Emarcy, 1954
  • Thelonious Sphere Monk, With John Coltrane, Riverside, 1958
  • John Coltrane, My Favorite Things, 1960, Atlantic Records
  • Miles Davis, Kind of Blue, Columbia, 1959
16 décembre 2010 4 16 /12 /décembre /2010 07:00

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Entendez : je suis un visiteur des paysages bibliques.

 

Ainsi, et c'est de propos délibéré que je commence par cet aspect des choses, les descriptions scripturaires de ce l'on appelle communément la géographie de la Terre sainte sont, pour moi, un enchantement.

 

Conférence à Paris. Public a priori avisé. Des universitaires dans les rangs. On m'avait prévenu, du sérieux, du lourd...

 

Incise au cours de laquelle je glisse, si besoin, que les élévations naturelles (collines, monts et montagnes) sont vagues de la terre et autres réflexions du même acabit, c'est-à-dire, de mon point de vue, riches de développements potentiels. Silence dans la salle. Nous n'en étions pas encore aux saints. Bref coup de sonde (Galilée, mont Thabor, Guethsémani, quésaco ?) : un auditeur sur dix, guère plus, a ouvert une bible dans son existence - et un atlas d'école primaire ! Et ça (ce troupeau en déshérence ce soir-là) se permet, en d'autres circonstances, de vous donner des leçons de savoir-vivre ! You must be joking !

 

Vous n'avez rien à faire ? Commencez par l'un des commencements. Par exemple, les Évangiles, le Cantique des Cantiques. Ou le Paradis. Pas les rites et les rituels, les textes. Parfums, enveloppements, douceurs.

 

Laissez-vous porter par le mouvement des choses et les intentions de la langue : les deux pieds sur terre vous retrouverez. 

15 décembre 2010 3 15 /12 /décembre /2010 07:00

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Un polar sur le feu ? Vous cherchez un titre ? Vous êtes en panne ?

 

No problem... 


 

Big friture à Namur

 

Les ventouses de Naplouse

 

Les seins chauds pensent à...

 

L'arrêt au mur, tabasse ton Paul

 

Les pruneaux d'argent au ciel d'Agen

 

Coup de mazout à Knokke-le-Zoute

 

Bons patins de Berlin

 

  À l'assaut de Nassau

 

Tout bon à Toulon

 

Sétif et son shérif

 

Pas de cernes à Lucerne

 

Une couverture pour Vancouver

 

Un bon p'tit gars au Gabon

 

Corrida dans le corridor

 

Must you go to Tobago ?

 

Rixe bannie au Benelux

 

La police perce à Persépolis

 

Les marionnettes de Pantin

 

Jappe au nez du Japonais

 

Bingo for Bongo !

 

Ramdam à Paname

 

Mange ton riz en Mandchourie

 

Dessoudé à Issoudun

 

En chute libre sur Libreville

 

Le marshal des îles

 

A Vienne, qu'il vienne !

 

De pire en pire au Pirée


Balles nourries au bal pourri

 

Les rizières incendiaires

 

Les joujoux de Châteauroux

 

Léger calcul à Calcutta

 

Un muet à mimiques

 

Macache bono au boneto malgache

 

Charivari en Oubangui-Chari

 

Les bibelots de Babylone

 

Trafic noir à Trafalgar

 

Sales pales à Bhopal

 

La mule d'Eckmühl


Saint plomb au Simplon

 

À la cool à Marcoule


Quelle vie à Calvi !

 

C'est bath à Saint-Barth !

 

Tu te moqueras du maquereau

 

Sales draps à Sarlat

 

Le calvaire du vicaire

 

Too nice à Nice

 

Tue bien à Turin

 

Le cougar du cargo

 

Les affranchis d'Helsinki

 

Paul West au pôle Est

 

La souris du Missouri

 

Au formol de Formose

 

Echec aux Tchèques

 

A Ceylan, c'est lent !

 

Coke en stock à Stockholm

 

Le bandeau de Bandoeng

 

Le pacha n'aime pas ça

 

Un gars vole sur la Volga

 

Ne ris pas à Paris !

 

Un direct à Menton

 

Indolent dollar

 

Rouble toujours !

 

Mon topo à Porto

 

La roupie du bon sens...au net !

 

Baillonne à Hendaye !

 

Bosse, bwana, au Bostwana !

 

La tirelire du Rital

 

C'est le boxon à Boston !

 

Pas de kopeck pour les copains

 

Torride Floride

 

Le robot dérobé


Mon pote au poteau

 

Un loubard chez les balourds

 

Plombé, mon plombier !

 

Sur la paille, mais...banzaï !

 

Raque, et vite, en Amérique !

 

Le matelot de Saint-Marin

 

En voiture, le jaguar !

 

Le double jeu du doge

 

Du jaja dans la java

 

Coup de surin au bord du Rhin

 

Suce pence in England

 

Ami-ami à Miami

 

La rançon du sang rance

 

Le tirailleur se tire ailleurs

 

Bondis sur la chérie à Pondichéry !

 

La chignole perce la caisse

 

Le condé du prince

 

Zizanie à Zanzibar

 

L'hidalgo de l'Idaho

 

Qui becquette à Québec ?

 

Mondanités à la Mondaine

 

Les moufles du moufteur

 

Cha-cha-cha chez les minets

 

L'autocar des anticaires

 

HV

 

Sale temps pour le sultan

 

La pince de mon saigneur

 

Le grisbi du grizzly

 

Un doulos à Doullens

 

Arnaque au tarmac

 

La joncaille d'Hawaï

 

Brames à Brême

 

Pas de deux et pied-de-biche

 

Accrochage à Anchorage

 

Tu me toises sur l'Iroise ?

 

Canasta au Canada

 

A quand le bal dans les Balkans ?

 

Épines aux Philippines

 

Nos reines à Reno

 

Sévices à Séville

 

Mécanos et l'hôte camé

 

Trop laide à Tolède

 

Exquis maux en Alaska

 

Un mâle à Malé

 

Coup de gong à Hong Kong

 

Ma guitoune chez les Pachtounes

 

Pires manies en Birmanie

 

Illico à Pimlico

 

Ça sent le roussi à L'ïle-Rousse

 

Les teignes d'Athènes

 

Coup de savate à Mascate

 

Quittée trop tôt à Quito

 

Méchant ouah ouah à Ottawa

 

Ça se dégrade à Belgrade

 

Route de la baie à Beyrouth

 

Face à face à Belfast

 

Castré à Castries

 

Des lassos à Oslo

 

Danger à Tanger

 

Il lorgne au bar à Barcelone

 

Bons baisers de Bombay

 

Allumé à Lima

 

Ça glisse à Tunis

 

Montez vider l'eau à Paramaribo !

 

Chagrin à Nankin

 

Un Russe à Vilnius

 

Peureux, le baveux

 

Hara-kiri mon gros Kiki

 

Le mitard à mi-temps

 

Les poudrés de Sablé

 

Un rencard pour le tocard

 

Limé au Mali

 

Quadrille à Manille

 

Razzia à Brazza

 

Zéro aviso à Valparaiso

 

Le destin a déteint

 

Un mouchard chez les Afars

 

Poil au nez au Polonais

 

Coup de machette à La Valette

 

Du flouze à Vaduz

 

Qui est cuit à Dhaka ?

 

Chapeau bas à Bamako

 

Attentat à Atlanta

 

Coup de grisou à Moscou

 

L'express se prélasse

 

Ce gosse de Lagos

 

Du rififi à Nicosie

 

Les requins collent au radeau

 

Bagarre au bazar

 

Coup de dague à Prague

 

Scoumoune à Rangoon

 

Un crime à Mobile

 

Ultimatum atome !

 

Poker au Caire

 

Beaux dégâts à Bogota

 

Des gnons en Avignon

 

Abattu à Rabat

 

Le zébu du Buzet

 

Trop poli à Tripoli

 

Un coq à Bangkok

 

Le maboul de Kaboul

 

Pas de délit à Delhi !

 

Banjo à Banjul

 

Deux tatoués à Tahiti

 

Clan des blattes au Bataclan

 

Tous saouls à Séoul

 

En berne à Berne

 

Interpol à Tiraspol

 

Un malabar à Malabo

 

Le financier se mange froid

 

Too short à Nouakchott

 

Apaisé à Pise

 

Eau de rose à Roseau

 

Jeu de masques à Minsk

 

Banco for Coban

 

Un caïd à Port-Saïd

 

Léthal à Natal

 

  Grabuge à Bruges

 

Les déveines de la sirène

 

Cogne fort dans le Bosphore !

 

Wassingue sanglante

 

Le cheval du chenal

 

Accro à Accra

 

Haie d'honneur à La Haye

 

Allons donc à London !

 

Un canif pour le khalife

 

La glace clôt à Glasgow

 

Allégé à Alger

 

Coup bas à Bakou

 

Bang bang à Bangui !

 

Bananes à Vientiane

 

Trop bonne à Lisbonne...

 

Amasse à Damas !

 

Bamboula à Kinshasa

 

Flagrant délit à New Delhi

 

Roudoudou à Katmandou

 

Aïe, aïe, aïe à Shanghai !

 

Mon doublon à Dublin

 

Atchoum à Khartoum

 

Complot à Colombo

 

As-tu lutté à Tallinn ?

 

Campe pas là à Kampala

 

Kif kif à Kiev

 

Tamanrasset, tramez en 7

 

Méli-mélo à Lomé

 

Sac à lignes à Sakhaline

 

Embouti à Djibouti

 

Hamster des dames à Amsterdam

 

Le taon a tout le temps

 

Signe de nez à Sidney

 

Massicot à Mexico

 

L'as des as à Caracas

 

Il tonne sur Kingstown

 

Acquitté à Kyoto

 

Flingues au bastringue

 

Pas de chichi à Karachi

 

Baraka à Jakarta

 

Sarbacane à Lausanne

 

Dum dum à Phnom Penh

 

Luxe en bourg au Luxembourg

 

Le radar de Dakar

 

Boude la peste à Budapest !

 

Viva la vie à Varsovie !

 

Coup de boule à Istanbul

 

Rodéo à Bornéo

 

  Estocade à Grenade

 

Vas-y voir à Peshawar !

 

Coup de bambou à Tombouctou


 

Etc. Etc. Etc.

 

 

Ça vous va comme ça ? Oui ? Parfait.

 

(P.S. Toute ressemblance avec un lieu, une situation ou un personnage réel ne serait, bien entendu, que pure vue de l'esprit...)

 

 

 

 

14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 07:00

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...bombance !

 

 

J'ai sept ans. Sous la lucarne de la mansarde, une édition américaine d'avant les guerres devant les yeux éblouis, les oiseaux dessinés par Jean-Jacques Audubon vont, je ne le sais pas encore, exercer leur intense pouvoir d'attraction pour les années à venir. Ces oiseaux, racontés, là, dans leur précision scientifique, leur diversité captivante et leur illumination picturale, je vais les retrouver, très loquaces, quelques temps plus tard, dans les volières édifiées par l'un de mes grands-pères à l'imitation des grandes serres de Kew Gardens près Londres. J'écris imitation, mais, chez cet aïeul, la moindre réalisation était, en quelque sorte, œuvre originale.

 

Dans les années 1920, ce grand-père, ayant en tête le fameux poème de Poe, avait apprivoisé une corneille qu'on appelle ordinairement corbeau. L'histoire voulut qu'il se soit agi d'un corbeau, mais palombe ou geai auraient fait l'affaire. Ou un tigre, car j'ai toujours pensé que ce grand-père avait l'âme et le doigté d'un dompteur.

 

D'après le rouleau de croquis, ce volatile de belle envergure était devenu la mascotte du domaine. Il allait et venait à sa guise dans le parc, chaque arbre n'était, au fond, pour lui qu'une résidence temporaire. Un chat ailé, pour ainsi dire, à la géographie territoriale singulière.

 

L'hiver venu -et les hivers du temps d'avant étaient de vrais hivers, très, très froids-, ce grand-père ne manquait pas d'approvisionner ce corbeau en graines, blé, lin, orge, et  pièces de lard fondant. Croa-croa !

 

Désormais, le grand enfant que je suis pourvois au bien-être de tous les passereaux qui enchantent son jardin même lorsqu'ils font semblant d'être repus.   

 

12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 08:00

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Je viens de prendre un bon breakfast près de St James's Park (ah ! le somptueux petit-déjeuner anglais...Rien que pour ça, je franchis le Channel illico).

 

8h30. Dans le brouillard chaud, une nuée soudaine de mésanges. Je foule le gazon en direction de Portland Place où j'ai mes habitudes. Pall Mall, St Martin-in-the-Fields (Nikolaus Harnoncourt, flûte, hautbois, viole de gambe...), Leicester Square (les cigarettes Senior Service, do you remember ?), Piccadilly Circus, Regent's Street (tweed et flanelle), Oxford Street (Carnaby Street, 1964...), et enfin une rue discrète, une ruelle presque, à deux pas des studios de la vénérable BBC.

 

Aujourd'hui, à cette heure matinale, pendant que là, dehors, le monde s'affaire ou fait semblant de travailler, j'ai pris la décision de monter à bord de la machine magique qui va me permettre de remonter le temps. Just snap it and there we are !

 

La télévision diffuse The Hour that never was (L'Heure perdue, 1965), un épisode de ma série préférée, The Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir). Je connais tous les épisodes de la saison Emma Peel (1965-67) par coeur, je ne m'en lasse pas, comment le pourrais-je ? : charme, humour, élégance naturelle, dialogues (très) intelligents, situations décalées, Angleterre improbable. My kingdom for an hour away with my favourite heroes !

 

Je veux bien vous livrer, in a nutshell, ma liste secrète de ces bijoux cinématographiques (chaque "épisode" est un film en soi de cinquante et quelques minutes) qui, pour ma complexion, gardent intacte, au bout de quarante ans, la force tranquille de l'excellence.

 

La voici. Mais soyez assez aimables de ne pas vendre la mèche : je ne voudrais pas que les diabolical masterminds en aient vent : 

 

to start with, Too Many Christmas Trees (Faites de beaux rêves, 1965), a must ! Au suprême, l'Angleterre que l'on aime.

 

A Touch of Brimstone (Le Club de l'Enfer, 1966) : Emma : "I've come here to appeal to you, Mister Cartney." Cartney : "You certainly do that !" (jeux de mots : compréhension requise de la langue anglaise !)

 

The Gravediggers (Les Fossoyeurs, 1965) : plusieurs films en un.

 

The House that Jack built (L'Héritage diabolique, 1966) : Sixties !

 

Castle De'ath (Le Fantôme du château De'ath, 1965). Cette scène : Emma tombe sur une cornemuse miniature et tandis qu'elle entonne un air traditionnel écossais, Steed hopscotche le scénario.

 

A Surfeit of H2O (Dans sept jours, le déluge, 1965) : biblique !

 

What the Butler saw (Les Espions font le service, 1966) : John Steed (Patrick Macnee) déguisé !

 

The Town of no Return (Voyage sans retour, 1965) : gothique...

 

The Hidden Tiger (Le Tigre caché, 1967) : they are needed !

 

The Joker (Le Joker, 1967) : inquiétant et prenant.

 

Murdersville (Le Village de la mort, 1967) : vous ne connaissez pas Little Storping in the Swuff ? Savourez le dialogue initial des deux péquenots patibulaires.

 

Who's Who ? (Qui suis-je ?, 1967) : swinging swap !

 

Epic (Caméra meurtre, 1967). Réplique d'anthologie -Emma Peel (Diana Rigg) : "Gloat all you like. But just remember... I'm the star of this picture."

 

 

Cette heure n'est pas perdue pour moi. Sur l'écran en noir et blanc, musique atmosphérique, Emma Peel & John Steed traversent maintenant le tarmac de la base aérienne d'Hamelin d'un pas décidé.

 

Je suis sur un petit nuage...

 

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C'est dit : tout le monde n'est pas du même monde. Period !

11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 07:00

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Une chambre du côté de Tübingen. Du pain et du vin. Un bouquet de fleurs aussi, blanches, jaunes et bleues. De la fenêtre, à travers le givre, je parviens à distinguer les rives du Neckar. La neige, le silence.

 

Parti une nouvelle fois à la recherche de H.

 

Me donne à entendre une expression autre la folie créatrice. Préparant mon bagage, j'aurais pu emporter une vaste littérature à son endroit : Hölderlin ou Le Temps d'un poète (Pierre Bertaux, Gallimard, 1983), par exemple, ou encore Approche de Hölderlin (Erläuterungen zu Hölderlins Dichtung, Martin Heidegger, Gallimard, 1962). Non. Pour ces retrouvailles, j'ai voulu avoir sous les yeux l'Œuvre poétique complète et rien qu'elle (édition bilingue, préface et traduction de François Garrigue, La Différence, 2005).

 

Face à moi, la tour et l'espace que Friedrich-Scardanelli a parcouru les trente-six dernières années de son existence, dans la demeure de son hôte, Ernst Zimmer (chambre en allemand...) -une vie entière ! Vous vous rendez compte ?

 

Aucune envie de glose ce jour. Simplement, pour ainsi dire, être là, chérubin-pèlerin dans le jardinet au lierre opiniâtre en froidure et son unique banc de pierre.

 

Glissée dans le carnet cette feuille de lierre rompue du rameau !

 

Le gardien de ce qui est à présent un musée-sanctuaire (encore un...) doit me prendre pour un fou. Eh oui, voici qu'à la rivière, je lis tout haut des passages de Souvenir (Andenken) ou des extraits de la lettre datée du 4 décembre 1801 à son ami Böhlendorf. Il a raison, ce jovial Gendarme, je suis bel et bien fou d'une ivresse blanche : agitation intérieure, mais imperturbable flegme extérieur. Ou l'envers, qui sait ?, au point où j'en suis. C'est tout un art...

 

 

Der Nordost wehet,
Der liebste unter den Winden
Mir, weil er feurigen Geist
Und gute Fahrt verheißet den Schiffern.
Geh aber nun und grüße
Die schöne Garonne,
Und die Gärten von Bourdeaux
Dort, wo am scharfen Ufer
Hingehet der Steg und in den Strom
Tief fällt der Bach, darüber aber
Hinschauet ein edel Paar
Von Eichen und Silberpappeln;

Noch denket das mir wohl und wie
Die breiten Gipfel neiget
Der Ulmwald, über die Mühl',
Im Hofe aber wächset ein Feigenbaum.
An Feiertagen gehn
Die braunen Frauen daselbst
Auf seidnen Boden,
Zur Märzenzeit,
Wenn gleich ist Nacht und Tag,
Und über langsamen Stegen,
Von goldenen Träumen schwer,
Einwiegende Lüfte ziehen (...)

 

Le vent du Nord-Est se lève,
 De tous les vents mon préféré
Parce qu’il promet aux marins
Haleine ardente et traversée heureuse.
Pars donc et porte mon salut
A la belle Garonne
Et aux jardins de Bordeaux, là-bas
Où le sentier sur la rive abrupte
S’allonge, où le ruisseau profondément
Choit dans le fleuve, mais au-dessus
Regarde au loin un noble couple
De chênes et de trembles d’argent.


Je m’en souviens encore, et je revois
Ces larges cimes que penche
Sur le moulin la forêt d’ormes,
Mais dans la cour, c’est un figuier qui croît.
Là vont aux jours de fête
Les femmes brunes
Sur le sol doux comme une soie,
Au temps de Mars,
Quand la nuit et le jour sont de même longueur,
Quand sur les lents sentiers
Avec son faix léger de rêves,
Brillants, glisse le bercement des brises (...)

 

 

Les femmes brunes sur le sol doux comme une soie : la femme qui m'accompagne aujourd'hui est chinoise, elle sait de quoi il retourne.

10 décembre 2010 5 10 /12 /décembre /2010 07:00

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Dans l'atelier turquoise du jour, je relis ces considérations inactuelles d'une actualité saisissante (Unzeitgemäße Betrachtungen, indeed) : 

 I heartily accept the motto, "That government is best which governs least"; and I should like to see it acted up to more rapidly and systematically. Carried out, it finally amounts to this, which also I believe--"That government is best which governs not at all"; and when men are prepared for it, that will be the kind of government which they will have. 

De grand cœur, j’accepte la devise : « le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins » et j’aimerais la voir suivie de manière plus rapide et plus systématique. Poussée à fond, elle se ramène à ceci auquel je crois également : "que le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout", et lorsque les hommes y seront préparés, ce sera le genre de gouvernement qu’ils auront.

 

(Henry David Thoreau, On the Duty of Civil Disobedience, 1849 / La Désobéissance civile suivi de Plaidoyer pour John Brown, traductions de Micheline Flak, Christine Demorel et Laurence Vernet, préfaces de Louis Simon et Micheline Flak, Jean-Jacques Pauvert, 1977 )

 

 

Un ami me téléphone de la grande ville pour m'annoncer les résultats d'une évaluation internationale, comme on dit, relative, je cite, à « l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire ».

 

Sceptique quant à la formation du citoyen, parlons à peine de l'homme, dans la société spectrale du divertissement généralisé, je l'écoute gentiment comme toujours car je suis un homme gentil, et aussitôt lui livre en retour ma lecture matinale en insistant bien sur ce passage : et lorsque les hommes y seront préparés...

 

Éducation. Tout est là. C'est la seule grande vraie question. Mais quand je vois le tableau éducatif affligeant dans la plupart de nos établissements d'enseignement, je me dis qu'il faudrait reprendre tout à la base - d'urgence.

 

À l'évidence, ce n'est pas demain la veille... 

9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 07:00

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A - Mais enfin dites-moi, faut-il civiliser l'homme ou l'abandonner à son instinct ?

B - Faut-il vous répondre net ?

A - Sans doute.

B - Si vous vous proposez d'en être le tyran, civilisez-le. Empoisonnez-le de votre mieux d'une morale contraire à la nature; faites-lui des entraves de toute espèce; embarrassez ses mouvements de mille obstacles; attachez lui des fantômes qui l'effrayent; éternisez la guerre dans la caverne, et que l'homme naturel y soit toujours enchaîné sous les pieds de l'homme moral. Le voulez-vous heureux et libre ? Ne vous mêlez pas de ses affaires, assez d'inci­dents imprévus le conduiront à la lumière et à la dépravation, et demeurez à jamais convaincu que ce n'est pas pour vous, mais pour eux que ces sages législateurs vous ont pétri et maniéré comme vous l'êtes. J'en appelle à toutes les institutions politiques, civiles et religieuses; examinez-les profondément, et je me trompe fort, ou vous y verrez l'espèce humaine pliée de siècle en siècle au joug qu'une poignée de fripons se promettait de lui imposer. Méfiez- vous de celui qui veut mettre de l'ordre; ordonner, c'est toujours se rendre le maître des autres en les gênant (...)

 

(Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, 1773)


 

 

Jardinage d'automne.

 

Je ramasse autant de feuilles mortes que peut en contenir la brouette et en abandonnerai quelques-unes dans l'allée - il est loisible de laisser un peu d'imperfection dans la perfection, n'est-ce pas ?

 

Voulant plus tard rabattre les anciennes pousses de la bougainvillée pourpre, une fois de plus, cet arbuste sarmenteux s'est défendu du sécateur grâce à ses épines redoutables.

 

Du coup, je songe un moment sur la margelle du bassin et Baptiste de jardinier que je suis ce matin me dis qu'un parc tiré au cordeau ne vaudra jamais mon jardin de bedeau...

8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 07:00

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Une première pensée apparaît. L’idée de culture, d’intelligence, d’œuvres magistrales est pour nous dans une relation très ancienne, - tellement ancienne que nous remontons rarement jusqu’à elle -, avec l’idée d’Europe. Les autres parties du monde ont eu des civilisations admirables, des poètes du premier ordre, des constructeurs et même des savants. Mais aucune partie du monde n’a possédé cette singulière propriété physique : le plus intense pouvoir émissif uni au plus intense pouvoir absorbant.


Tout est venu à l’Europe et tout en est venu. Ou presque tout.


Or, l’heure actuelle comporte cette question capitale : l’Europe va-t-elle garder sa prééminence dans tous les genres ?


L’Europe deviendra-t-elle ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire : un petit cap du continent asiatique ?


Ou bien l’Europe restera-t-elle ce qu’elle paraît, c’est-à-dire : la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste corps ?

 

(Paul Valéry, La Crise de l'esprit, 1919, in Variété , Nouvelle Revue Française, 1924)



 

J'ai beaucoup voyagé. Je voyage toujours autant et l'un de mes grands plaisirs est d'aller partout où je le peux en Europe. Promenades, excursions, pèlerinages : tout m'est prétexte à admirer ! 

 

Mais...

 

J'observe un désintérêt croissant pour la grande idée d'Europe - et pour cause : le marché, encore et encore !

 

Je constate alentour un esprit de résistance parfois frénétique à la moindre suggestion de découvrir le continent européen dans la vie très concrète de ses expressions culturelles multiformes.


Tenez, connaissez-vous la Crète ? Non ? Vous devriez, c'est une île à la fois originale et originelle.

 

Je m'étonne de l'amnésie française quant à sa propre culture (avons-nous, à ce point, oublié le XVIIIème siècle et son rayonnement ?) - démonstrations quotidiennes, résultats consternants.

 

À la source, Europe signifie grand regard que je traduis aussitôt par avoir le sens des perspectives. Il serait temps.