A - Mais enfin dites-moi, faut-il civiliser l'homme ou l'abandonner à son instinct ?
B - Faut-il vous répondre net ?
A - Sans doute.
B - Si vous vous proposez d'en être le tyran, civilisez-le. Empoisonnez-le de votre mieux d'une morale contraire à la nature; faites-lui des entraves de toute espèce; embarrassez ses mouvements de mille obstacles; attachez lui des fantômes qui l'effrayent; éternisez la guerre dans la caverne, et que l'homme naturel y soit toujours enchaîné sous les pieds de l'homme moral. Le voulez-vous heureux et libre ? Ne vous mêlez pas de ses affaires, assez d'incidents imprévus le conduiront à la lumière et à la dépravation, et demeurez à jamais convaincu que ce n'est pas pour vous, mais pour eux que ces sages législateurs vous ont pétri et maniéré comme vous l'êtes. J'en appelle à toutes les institutions politiques, civiles et religieuses; examinez-les profondément, et je me trompe fort, ou vous y verrez l'espèce humaine pliée de siècle en siècle au joug qu'une poignée de fripons se promettait de lui imposer. Méfiez- vous de celui qui veut mettre de l'ordre; ordonner, c'est toujours se rendre le maître des autres en les gênant (...)
(Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, 1773)
Jardinage d'automne.
Je ramasse autant de feuilles mortes que peut en contenir la brouette et en abandonnerai quelques-unes dans l'allée - il est loisible de laisser un peu d'imperfection dans la perfection, n'est-ce pas ?
Voulant plus tard rabattre les anciennes pousses de la bougainvillée pourpre, une fois de plus, cet arbuste sarmenteux s'est défendu du sécateur grâce à ses épines redoutables.
Du coup, je songe un moment sur la margelle du bassin et Baptiste de jardinier que je suis ce matin me dis qu'un parc tiré au cordeau ne vaudra jamais mon jardin de bedeau...