19 janvier 2011 3 19 /01 /janvier /2011 07:00

780px-Nova_et_Accuratissima_Terrarum_Orbis_Tabula_-J.Blaeu-.jpg

 

 

Bleu roi sur la mer d'Iroise. De la fenêtre à meneaux, odeur de terre mouillée qui monte du parc. Tilleul magnifique. Vue dégagée sur les bosquets de pins maritimes, à l'Ouest, en direction de la plage. Oui, oui, tout à l'heure, sur le sable, se serrer l'un contre l'autre, dire bonjour aux canards sauvages, refaire le monde, once more.

 

Ce qu'il y a de bien avec la noria des manoirs réfractaires sur la ligne des Côtes-d'Armor, entre Trégor, Léon et marches de Cornouaille, c'est qu'ils sont habilement cachés, affaire entendue, mais que l'on y jouit d'une paix incroyable dans le bruit imposé, le brouillage à tous les étages et l'affaissement neurologique revendiqué.

 

Les jours de cette heureuse quinzaine ne se comptent plus, temps indien propice à la méditation que nous offrent mes amis hors d'âge. La femme qui m'accompagne aujourd'hui est italienne et pianiste. Ou devrais-je d'abord dire pianiste ? Dilemme -ses  mains sont expertes dans toutes les expressions de l'art de vivre au suprême.  Je ne connais qu'une seule pianiste française capable de telles prouesses, mais elle est si peu française. Ou alors, si, dans la respiration d'autrefois. Comprenne qui pourra.

 

Feu immense dans la cheminée et bibliothèque de rêve. Sur les étagères de celle-ci, aimable désordre de coquillages -chaque coquillage incrusté dans la grotte où nous nous aimâmes a sa particularité-, d'objets de marine et de photos, quelques-unes en couleurs, mais foultitude en noir et blanc.

 

Tenez, là, des portraits actifs d'Olivier de Kersauson, croisé deux ou trois fois, il a ma sympathie, des voiliers dans des anses brésiliennes, années 1930, une photo de Claude Lévi-Strauss sur l'Orénoque, une autre de Busoni - Ferruccio Busoni- longue cape noire, avec, à ses pieds, un gros toutou des montagnes, une autre de Camille Claudel, du plâtre sur le visage, une autre d'un danseur du Kerala en costume très coloré, puis des groupes d'enfants et Deux ans de vacances, cette belle aventure écrite par Jules Verne, et à côté Corto Maltese en fusain original de la main d'Hugo Pratt, et là, ah !, oui, Blaise Cendrars, le port de Villefranche en arrière-plan - il faudra qu'un jour je dise tout le bien que je pense de mon cher ami Cendrars -, plus loin des hommes en hauts-de-forme et des femmes à voilettes, ducs, duchesses, champs de course, champagne, Marcel Proust revisited.

 

Soudain, mon oeil est arrêté net par la photo de Kropotkine (Пётр Алексеевич Кропоткин), grand aristocrate russe et prince des anarchistes, géographe subtil à l'instar des frères Reclus, Élisée et Onésime, Élisée surtout dont la Géographie universelle (près d'une vingtaine de volumes chez l'éditeur Hachette à partir de 1876) me tend ses cartes en floraison, là, sur la gauche des rayonnages. Je ne pouvais pas mieux trouver de bon matin, adéquation psychique parfaite.

 

J'aime les cartes géographiques comme les cartes marines, les simples et les complexes. Les heures éveillées au British Museum à les contempler ou à Amsterdam chez des collectionneurs avertis (par exemple, ces portulans des maîtres cartographes de Dieppe, 1550 - quel savoir-faire !). Chacune d'entre elles est pour moi tel un mandala dont je n'ai jamais fini d'explorer les arcanes même si ces cartes me renseignent sur beaucoup de choses (j'aime apprendre...) dans un énorme souci de précision scientifique et de bienveillante clarté pédagogique.

 

Mes préférées ne sont pas celles de territoires dits imaginaires -le vocable imagination, en contrepoint romantico-dépressif, si je puis dire, étant mis à toutes les sauces depuis le XIXe siècle. Non, les cartes que j'aime par-dessus tout ont la force esthétique des limites en pointillé lorsque l'eau et la terre se mettent à jouer une nouvelle partie...

12 janvier 2011 3 12 /01 /janvier /2011 07:00

The_Lady_and_the_unicorn_Smell._det3.jpg

 

Lichtenberg dit justement : il y a très peu de choses que nous pouvons goûter avec les cinq sens à la fois.

 

Matin de fournaise azurée. Sept heures et déjà trente degrés sur le patio qui surplombe l'anse aux eucalyptus. Des pétales de roses se courbent sur les dalles chaudes - petits bateaux blancs sur la terre sèche. Liao, dont le nom chinois signifie doux refuge, dort d'un sommeil d'ange sur le vaste lit en bois de cade.

 

Temps gratuit. Personne ne peut jeter le grappin sur nous. Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur d'aller là-bas vivre ensemble !  De vivre, intensément, ici ! Jours tranquilles le temps de la dérobade. Nocturnes de satin pour une aubade.

 

À l'Ouest, vue sur la crique de la pièce aux murs de chaux blanche. Table polie par les ans et bibliothèque portative essentielle : Homère (Greek-English version), Hésiode, un Plutarque d'une époque intermédiaire, des poèmes de Georges Séféris et des essais de Nikos Kazantzákis dont la très belle Lettre au Greco (1961). Sur la page de garde de ses souvenirs - senteur de thym qui monte des feuilles -, tracée d'une élégante écriture au crayon par la main du maître des lieux, cette épitaphe « Je n'espère rien, je ne crains rien, je suis libre. »

 

De H à K. Kálos graphein de ces deux lettres. HK : Home Keys. Les clés du logis. Les clés du registre. On peut désormais jouer la partition.

 

Espadrilles, pantalon et chemise de lin clair. Je quitte notre pavillon des parfums réunis pour quelques heures. Flâné dans le marché de Symi au pied de la Kali Strata, sons, formes, senteurs uniques, puis sur le port, ses chantiers perpétuels en plein air, bavardé avec les épandeurs de goudron, les gamins aux cheveux hirsutes, les pêcheurs indolents, et retour à l'ombre des trompettes de Jéricho qui, formant de leurs touffes buissonnantes un velum naturel, épargnent aux fidèles du café central la brûlure du soleil. Kaliméra...Né...Efkaristo poli...

 

Cette île de la mer Égée a tout pour me plaire. On raconte qu'Euphrosyne, Aglaé et Thalie y ont vu le jour. Le charme, la beauté, l'intelligence créatrice. Mais aussi l'esprit de la danse, de la farandole, des bacchanales. Le plaisir. La joie. Décidément, pour qui sait vivre, la mythologie a du bon.

 

Vingt-cinq ans entre Liao et moi -on s'en fout. Entente cordiale. Ulysse l'habile marin voyage ce temps-ci en compagnie de Clarté lumineuse. Sofa oriental-occidental pour un brigand et une diva. Je, elle, nous deux, deux nous. Cela fait du monde, mais on s'en sort. On s'en sort toujours.

 

Dans Harold et Maud, le film d'Hal Ashby (1971, encore une belle année...), j'aime cette idée des boîtes à odeurs, les odeurs de tous les jours, celles qui risquent de disparaître, celles que l'on a oubliées, celles qui ne sont plus.

 

 

(...) II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.


 

Vous vous souvenez, Baudelaire ? Correspondance des sensibilités et des sensations. Mais que sait-on au juste de Jeanne Duval ?

 

Amour en acte, tout est là : les cinq sens plus un. Cinq et la peau.

1 janvier 2011 6 01 /01 /janvier /2011 07:00

9gpicassojuin052.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Matin bleu-blanc limpide.

 

Mise au net dans l'atelier avant de m'envoler overthere.

 

Page froissée d'un vieux journal -je la garde pour que la bonne fasse les vitres avec pendant mon absence :

 

(...) Le peuple français s'est exprimé. Il a choisi de rompre avec les idées, les habitudes et les comportements du passé. Je veux réhabiliter le travail, l'autorité, la morale, le respect, le mérite. Je veux remettre à l'honneur la nation et l'identité nationale. Je veux rendre aux Français la fierté d'être Français. Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres.

Le peuple français a choisi le changement. Ce changement je le mettrai en oeuvre parce que c'est le mandat que j'ai reçu du peuple et parce que la France en a besoin. Mais je le ferai avec tous les Français. Je le ferai dans un esprit d'union et de fraternité. Je le ferai sans que personne n'ait le sentiment d'être exclu, d'être laissé pour compte. Je le ferai avec la volonté que chacun puisse trouver sa place dans notre République, que chacun s'y sente reconnu et respecté dans sa dignité de citoyen et dans sa dignité d'homme. Tous ceux que la vie a brisés, ceux que la vie a usés doivent savoir qu'ils ne seront pas abandonnés, qu'ils seront aidés, qu'ils seront secourus. Ceux qui ont le sentiment que quoi qu'ils fassent ils ne pourront pas s'en sortir doivent être sûrs qu'ils ne seront pas laissés de côté et qu'ils auront les mêmes chances que les autres. (...)

 

Voix d'autrefois. Voix d'aujourd'hui. On croit rêver... 

 

À la radio, dans le taxi :

 

- Tu as déjà vu un pont comme ça ?

- Non.

- Mais si ! Quand on a pris le RER pour arriver au musée. (Sinuosité hystérique de vieille fille)

- Dans cette oeuvre picturale (jargon), il faut comprendre (j'adore cette injonction...) que Claude Monet abaisse le champ visuel (abaisse ? non sans blague !, c'est trop beau !)

- Et tu as déjà vu des saules pleureurs comme ceux-là ?

- Non.

- Mais si, à côté de l'école dans la cité ! (si ce n'est pas de l'acharnement éducatif...)

- Madame, c'était la guerre, il a eu une maladie et après ses yeux sont devenus flous.

- C'est les meules...

 

Monet, s'échappant du salon philistin, aurait donc eu le regard meulé devant tant de beautés naturelles ? 

 

Poètes en temps de détresse, à quoi bon ? Et Hölderlin écrit aussitôt : Qui a pensé le plus profond aime le plus vivant et comprend la haute jeunesse.

 

Encore un peu plus de chômage. Qu'en pensent les chômeurs ?

 

Question d'angoisse compassée : faut-il quitter l'Euro ?

 

Publicité pour des appareils numériques dernier cri lessivée dans le brouhaha du trafic. Allô, Roubaix ? Ici Tourcoing...

 

Arrivée à l'aéroport : Beethoven, trio dit des Esprits

 

Éditorial du temps récapitulatif : l'âme du monde (ouh là, peut-être un peu plus de physique dans la métaphysique, non ?)

 

Salle d'embarquement. Animal Babel.

 

Cette année, petite ?, grande, moyenne ? va pour grande à mon endroit, de nouvelles espèces sont découvertes en Indonésie dont une étonnante chimère, en gris poudré des profondeurs sur la photo, proche parente des requins. Vive joie qui monte de l'enfance.

 

 

Ne pas chercher à s'expliquer. Écouter son bon plaisir.

 

 

Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs.

Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.

Assez connu. Les arrêts de la vie. - Ô Rumeurs et Visions !

Départ dans l'affection et le bruit neufs !

 

(Arthur Rimbaud, Départ, Illuminations, 1873)

 

 

 

Bonne année quand même chère petite planète ! 

25 décembre 2010 6 25 /12 /décembre /2010 07:00

450px-The_Writings_of_Charles_Dickens_v4_p414_-engraving-.jpg

 

 

 

(...)

La revanche des orages
A fait de la maison
Un tendre paysage
Pour les petits garçons
Qui brûlent d'impatience
Deux jours avant Noël
Et, sans aucune méfiance,
Acceptent tout, pêle-mêle :
La vie, la mort, les squares
Et les trains électriques,
Les larmes dans les gares,
Guignol et les coups de triques,
Les becs d'acétylène
Aux enfants assistés
Et le sourire d'Hélène
Par un beau soir d'été.

(...)

 

La Folle complainte, paroles et musique de Charles Trenet, 1945

 

23 décembre 2010 4 23 /12 /décembre /2010 07:00

800px-Joe_Pass_-jazz-.jpg

 

 

Oui, les Ramblas à Barcelone ont bien changé. Où sont tes marins lascars, tes bars interlopes, tes femmes de joie dans les venelles du plaisir explosé (Picasso saura s'en souvenir), ton temps d'éternité volé au temps du labeur ?

 

Du café Zurich, j'observe les vendeurs à la sauvette. Paquets de pacotille qui scintillent dans les yeux des touristes autocarisés - au bout de l'avenue, Christophe Colomb, gyrovague sur sa colonne, pointe résolument vers le large...

 

Et pourtant, de la clameur matinale montent des notes de guitare comme jamais. Pas du cante jondo, mais un dédoublement virtuose de la ligne mélodique que je reconnais aussitôt : I Cover the Waterfront sous les doigts de Joseph Antony Jacobi Passalaqua, autrement dit Joe Pass.

 

Avec élégance, le jour espagnol s'ouvre à nouveau.

16 décembre 2010 4 16 /12 /décembre /2010 07:00

Mishnah_Torah.jpg

 

 

Entendez : je suis un visiteur des paysages bibliques.

 

Ainsi, et c'est de propos délibéré que je commence par cet aspect des choses, les descriptions scripturaires de ce l'on appelle communément la géographie de la Terre sainte sont, pour moi, un enchantement.

 

Conférence à Paris. Public a priori avisé. Des universitaires dans les rangs. On m'avait prévenu, du sérieux, du lourd...

 

Incise au cours de laquelle je glisse, si besoin, que les élévations naturelles (collines, monts et montagnes) sont vagues de la terre et autres réflexions du même acabit, c'est-à-dire, de mon point de vue, riches de développements potentiels. Silence dans la salle. Nous n'en étions pas encore aux saints. Bref coup de sonde (Galilée, mont Thabor, Guethsémani, quésaco ?) : un auditeur sur dix, guère plus, a ouvert une bible dans son existence - et un atlas d'école primaire ! Et ça (ce troupeau en déshérence ce soir-là) se permet, en d'autres circonstances, de vous donner des leçons de savoir-vivre ! You must be joking !

 

Vous n'avez rien à faire ? Commencez par l'un des commencements. Par exemple, les Évangiles, le Cantique des Cantiques. Ou le Paradis. Pas les rites et les rituels, les textes. Parfums, enveloppements, douceurs.

 

Laissez-vous porter par le mouvement des choses et les intentions de la langue : les deux pieds sur terre vous retrouverez. 

12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 08:00

waop084eiz6.png

 

 

Je viens de prendre un bon breakfast près de St James's Park (ah ! le somptueux petit-déjeuner anglais...Rien que pour ça, je franchis le Channel illico).

 

8h30. Dans le brouillard chaud, une nuée soudaine de mésanges. Je foule le gazon en direction de Portland Place où j'ai mes habitudes. Pall Mall, St Martin-in-the-Fields (Nikolaus Harnoncourt, flûte, hautbois, viole de gambe...), Leicester Square (les cigarettes Senior Service, do you remember ?), Piccadilly Circus, Regent's Street (tweed et flanelle), Oxford Street (Carnaby Street, 1964...), et enfin une rue discrète, une ruelle presque, à deux pas des studios de la vénérable BBC.

 

Aujourd'hui, à cette heure matinale, pendant que là, dehors, le monde s'affaire ou fait semblant de travailler, j'ai pris la décision de monter à bord de la machine magique qui va me permettre de remonter le temps. Just snap it and there we are !

 

La télévision diffuse The Hour that never was (L'Heure perdue, 1965), un épisode de ma série préférée, The Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir). Je connais tous les épisodes de la saison Emma Peel (1965-67) par coeur, je ne m'en lasse pas, comment le pourrais-je ? : charme, humour, élégance naturelle, dialogues (très) intelligents, situations décalées, Angleterre improbable. My kingdom for an hour away with my favourite heroes !

 

Je veux bien vous livrer, in a nutshell, ma liste secrète de ces bijoux cinématographiques (chaque "épisode" est un film en soi de cinquante et quelques minutes) qui, pour ma complexion, gardent intacte, au bout de quarante ans, la force tranquille de l'excellence.

 

La voici. Mais soyez assez aimables de ne pas vendre la mèche : je ne voudrais pas que les diabolical masterminds en aient vent : 

 

to start with, Too Many Christmas Trees (Faites de beaux rêves, 1965), a must ! Au suprême, l'Angleterre que l'on aime.

 

A Touch of Brimstone (Le Club de l'Enfer, 1966) : Emma : "I've come here to appeal to you, Mister Cartney." Cartney : "You certainly do that !" (jeux de mots : compréhension requise de la langue anglaise !)

 

The Gravediggers (Les Fossoyeurs, 1965) : plusieurs films en un.

 

The House that Jack built (L'Héritage diabolique, 1966) : Sixties !

 

Castle De'ath (Le Fantôme du château De'ath, 1965). Cette scène : Emma tombe sur une cornemuse miniature et tandis qu'elle entonne un air traditionnel écossais, Steed hopscotche le scénario.

 

A Surfeit of H2O (Dans sept jours, le déluge, 1965) : biblique !

 

What the Butler saw (Les Espions font le service, 1966) : John Steed (Patrick Macnee) déguisé !

 

The Town of no Return (Voyage sans retour, 1965) : gothique...

 

The Hidden Tiger (Le Tigre caché, 1967) : they are needed !

 

The Joker (Le Joker, 1967) : inquiétant et prenant.

 

Murdersville (Le Village de la mort, 1967) : vous ne connaissez pas Little Storping in the Swuff ? Savourez le dialogue initial des deux péquenots patibulaires.

 

Who's Who ? (Qui suis-je ?, 1967) : swinging swap !

 

Epic (Caméra meurtre, 1967). Réplique d'anthologie -Emma Peel (Diana Rigg) : "Gloat all you like. But just remember... I'm the star of this picture."

 

 

Cette heure n'est pas perdue pour moi. Sur l'écran en noir et blanc, musique atmosphérique, Emma Peel & John Steed traversent maintenant le tarmac de la base aérienne d'Hamelin d'un pas décidé.

 

Je suis sur un petit nuage...

 

top10_exterieurs_3.jpg

 

C'est dit : tout le monde n'est pas du même monde. Period !

10 décembre 2010 5 10 /12 /décembre /2010 07:00

Montaignes_Motto.png

 

 

Dans l'atelier turquoise du jour, je relis ces considérations inactuelles d'une actualité saisissante (Unzeitgemäße Betrachtungen, indeed) : 

 I heartily accept the motto, "That government is best which governs least"; and I should like to see it acted up to more rapidly and systematically. Carried out, it finally amounts to this, which also I believe--"That government is best which governs not at all"; and when men are prepared for it, that will be the kind of government which they will have. 

De grand cœur, j’accepte la devise : « le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins » et j’aimerais la voir suivie de manière plus rapide et plus systématique. Poussée à fond, elle se ramène à ceci auquel je crois également : "que le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout", et lorsque les hommes y seront préparés, ce sera le genre de gouvernement qu’ils auront.

 

(Henry David Thoreau, On the Duty of Civil Disobedience, 1849 / La Désobéissance civile suivi de Plaidoyer pour John Brown, traductions de Micheline Flak, Christine Demorel et Laurence Vernet, préfaces de Louis Simon et Micheline Flak, Jean-Jacques Pauvert, 1977 )

 

 

Un ami me téléphone de la grande ville pour m'annoncer les résultats d'une évaluation internationale, comme on dit, relative, je cite, à « l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire ».

 

Sceptique quant à la formation du citoyen, parlons à peine de l'homme, dans la société spectrale du divertissement généralisé, je l'écoute gentiment comme toujours car je suis un homme gentil, et aussitôt lui livre en retour ma lecture matinale en insistant bien sur ce passage : et lorsque les hommes y seront préparés...

 

Éducation. Tout est là. C'est la seule grande vraie question. Mais quand je vois le tableau éducatif affligeant dans la plupart de nos établissements d'enseignement, je me dis qu'il faudrait reprendre tout à la base - d'urgence.

 

À l'évidence, ce n'est pas demain la veille... 

9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 07:00

800px-Starr_030418-0059_Bougainvillea_spectabilis.jpg

 

A - Mais enfin dites-moi, faut-il civiliser l'homme ou l'abandonner à son instinct ?

B - Faut-il vous répondre net ?

A - Sans doute.

B - Si vous vous proposez d'en être le tyran, civilisez-le. Empoisonnez-le de votre mieux d'une morale contraire à la nature; faites-lui des entraves de toute espèce; embarrassez ses mouvements de mille obstacles; attachez lui des fantômes qui l'effrayent; éternisez la guerre dans la caverne, et que l'homme naturel y soit toujours enchaîné sous les pieds de l'homme moral. Le voulez-vous heureux et libre ? Ne vous mêlez pas de ses affaires, assez d'inci­dents imprévus le conduiront à la lumière et à la dépravation, et demeurez à jamais convaincu que ce n'est pas pour vous, mais pour eux que ces sages législateurs vous ont pétri et maniéré comme vous l'êtes. J'en appelle à toutes les institutions politiques, civiles et religieuses; examinez-les profondément, et je me trompe fort, ou vous y verrez l'espèce humaine pliée de siècle en siècle au joug qu'une poignée de fripons se promettait de lui imposer. Méfiez- vous de celui qui veut mettre de l'ordre; ordonner, c'est toujours se rendre le maître des autres en les gênant (...)

 

(Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, 1773)


 

 

Jardinage d'automne.

 

Je ramasse autant de feuilles mortes que peut en contenir la brouette et en abandonnerai quelques-unes dans l'allée - il est loisible de laisser un peu d'imperfection dans la perfection, n'est-ce pas ?

 

Voulant plus tard rabattre les anciennes pousses de la bougainvillée pourpre, une fois de plus, cet arbuste sarmenteux s'est défendu du sécateur grâce à ses épines redoutables.

 

Du coup, je songe un moment sur la margelle du bassin et Baptiste de jardinier que je suis ce matin me dis qu'un parc tiré au cordeau ne vaudra jamais mon jardin de bedeau...

2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 14:30

UlyssesCover.jpg

 

 

 

Chers amis Irlandais,

 

Vous êtes attachés à votre beau pays, à votre belle île - et je vous comprends. Je connais vos soucis, vos tracas, vos ennuis. Le FMI (Farouche Mixeur International) vous trouve à l'instant la solution qui vous convient. L'essayer, c'est l'adopter comme le dit mon tailleur borduro-moldave. Oui, je sais, le froid gagne et la tourbe vient brutalement à manquer. Chin up ! Fortitude ! Songez à la douceur de partir à nouveau en week-end dans le Connemara à deux, à trois, avec toute votre petite famille !

 

On peut aussi déguerpir, tout quitter, fuir. C'est exactement ce que fit James Joyce, votre compatriote, en 1904. Vous vous souvenez ? Il en avait plus qu'assez d'une certaine mentalité insulaire qu'il tentait de noyer dans d'interminables beuveries avant son départ définitif pour le continent.

 

Ah !, je pourrais m'entretenir de Joyce à l'infini avec vous. Une autre fois, for sure. Aujourd'hui, je ne  fais que mentionner ces trois photos (Sainte Trinité...) de l'auteur du Portrait of the Artist as a Young Man. Des icônes pour vous remonter le moral. La première, Joyce jouant de la guitare. La deuxième, Joyce jouant du piano. La troisième enfin, ma préférée, émouvante photo, Gisèle Freund à l'appareil. Nous sommes en mai 1938 dans la librairie Shakespeare & Co d'Adrienne Monnier, bienfaitrice devant l'Eternel,  rue de l'Odéon, à Paris. Il fait beau. Il fait déjà presque tout noir. Et James Joyce de profil - ce sourire...

 

Slan agat !


 

P.S. Aviez-vous remarqué, chers amis, que pour arriver dans le Connemara, on traverse la région de Joyce ?