10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 06:00

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C'est un bar qui ne ferme pour autant dire jamais. Le blanc s'y enlace avec le noir.

 

Paris dort encore ou fait semblant, et je savoure un verre de Pomerol.

 

Je rentre à présent dans ma nuit éveillée à moi. Je suis seul entouré par beaucoup de fantômes très vivants.

 

Sur le mur, de l'autre côté de la rue, en grosses lettres majuscules : Nique ta lope.

 

Une forme d'érotisme nocturne ?

 

 

 

6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 06:00

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All great things are simple, and many can be expressed in single words : freedom, justice, honor, duty, mercy, hope...

 

 

En ce jour anniversaire, le facteur dépose deux cartes postales dans la boîte qui accueille des lettres la plupart du temps.

 

Elles ont été envoyées le même jour du Texas. Une amie les a choisies avec soin. La reproduction d'un tableau et une photographie. Dallas Museum of Art. Savoir-faire précis de l'un. Vivacité de la puissance d'évocation de l'autre.

 

Ces oiseaux de papier me parlent.

 

La première carte, Renard dans la neige, Gustave Courbet, 1860. J'aime les renards. Ce roux renard n'est pourtant pas un renard du désert.

 

La deuxième, ammiccare, la mallette aux couleurs de Winston Churchill.

 

Aux beaux jours de la villa La Pausa, Roquebrune-Cap-Martin, où se sont croisés Picasso et Visconti, le lin tendu sur le chevalet, une palette de pinceaux à la main, à quoi donc, embusqué dans le buis odorant, pouvait bien songer le vieux lion ?

 

 

(Winston Churchill, Memoirs Of The Second World War, Houghton Mifflin, 1996 / François Kersaudy, Winston Churchill : Le pouvoir de l'imagination, Tallandier, 2009)

30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 06:00

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Psychopathologie de la vie quotidienne...

 

 

Deux jeunes femmes faussement bourgeoises sortent d'une confiserie proche le jardin du Luxembourg.

 

L'une d'elles, voix rêche, gestuelle brusque, lance à l'autre : Tu as vu, c'est un mendiant, noir et lait.

 

J'entends aussitôt : laid et noir.

 

Interloqué, je dévisage les péronnelles.

 

Puis cherche des yeux ce mendiant sur le trottoir et ne le trouve pas.

 

Mon oreille me jouerait-elle un tour ?

 

Cherchez l'erreur...

20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 06:00

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J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques...

 

 

Le temps d'une rencontre internationale, je retrouve le printemps de Bordeaux avec bonheur.

 

Une promenade au cœur de la ville gironde, cours de l'Intendance, rue Voltaire, place du Grand-Théâtre.

 

Et, rue Vital-Carles, la librairie de toujours, la librairie Mollat à l'enseigne des arts et des lettres, prolonge mon plaisir.

 

Les heures prennent alors une tout autre densité.

 

Je bois un verre de Saint-Émilion dans le quartier et Montaigne vient me rejoindre.

 

Cela peut être et cela peut ne pas être.

 

Michel, raconte-moi encore ton voyage en Chine...

 

Réjoui, je veux maintenant aller au musée des beaux-arts. Une ou deux choses à vérifier.

 

Non, une seule.

 

Voici : il se dresse devant moi, ce tableau. Taille humaine. Delacroix,1826. Eugène l'a signé à gauche.

 

La Grèce sur les ruines de Missolonghi.

 

Les deux mains féminines écartées qui ne retiennent plus grand'chose.

 

Tout ça pour en arriver là. Allégorique, n'est-ce pas ?

 

Héautontimorouménos.

 

Messianité historique en retournement négatif total. 

 

Les peuples somnolaient, mais le Destin prit soin qu'ils ne s'endormissent point, et l'on vit surgir le fils terrible et inexorable de la nature, l'antique esprit d'Inquiétude. Il s'agita tel le feu qui couve au cœur de la terre et secoue les antiques cités...

 

Je vous en précise la représentation scénique, actuelle et factuelle ?

 

À la faveur d'un ciel anglais, c'est à grandes enjambées que je file vers les jardins, vers les quais, vers le fleuve paisible qui m'appelle et m'emporte vers le large.

 

 

 

6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 06:00

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Ce pourrait être le titre d'un tableau de Fragonard ou de Watteau... 

 

 

Étourdissement, s. m. (Médecine) :  C’est le premier degré du vertige : ceux qui en sont affectés, se sentent la tête lourde, pesante ; semblent voir tourner pour quelques moments les objets ambiants, & sont un peu chancelants sur leurs pieds : symptômes qui se dissipent promptement, mais qui peuvent être plus ou moins fréquents.


Cette affection est souvent le commencement du vertige complet ; elle est quelquefois l’avant-coureur de l’apoplexie, de l’épilepsie : elle est aussi très communément un symptôme de l’affection hypocondriaque, hystérique, des vapeurs. Voyez en son lieu l’article de chacune de ces maladies. 

 

Et donc :

 

Étourdi, adj. (Morale) : Celui qui agit sans considérer les suites de son action ; ainsi l’étourdi est souvent exposé à tenir des discours inconsidérés.


Il se dit aussi au physique, de la perte momentanée de la réflexion, par quelque coup reçu à la tête : il tomba étourdi de ce coup. On le transporte par métaphore à une impression subitement faite, qui ôte pour un moment à l’âme l’usage de ses facultés : il fut étourdi de cette nouvelle, de ce discours.


 

L'un : Vraiment ? Avons-nous fait d'un défaut perfection ? Je parle à mon bonnet, bien entendu...Enfin...Vous êtes sûr ? Alors, tout est bien qui commence...bien !


 

L'autre : Oui, savourons sans barguignier cet élixir du temps présent ! Si terre en vue, embarquons-nous ! Que les transports nous soient agréables !

 

 

 

(Denis Diderot et Jean Le Rond d'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1751)

 

 

 

25 avril 2012 3 25 /04 /avril /2012 06:00

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Words, words, words...


 

 

Frimas d'avril dans la forêt.

 

La yeuse exécute un zapatéado en agitant ses feuilles piolées.

 

C'est dit : les maries-salopes de la côte ne seront pas nées de ton bois.

 

Les dévoirants n'ont qu'à bien se tenir : à blanc-étoc ils seront.

 

Printemps approche.

 

Toutes terres bientôt exondées.

 

Le douzil fendu qui annonce le vin frais.

 

Bejannies et quolibets fuseront.

 

Empan allongé des jours.

 

De plein air, la manécanterie.

 

Oblations, oblations, oblations...

 

Un rouan se joint à la fête.

 

En tapinois, une Suzon nargue son amant.

 

Vartigué ! Tu es une drôlesse !

 

Les trivelinades des fripons n'ont plus cours.

 

La statère du peuple est juste.

 

Tournez casaque vaguemestres !

 

Bêtes aumailles, faites bombance !

 

Blondins et aujoulets s'amusent enfin.

 

Une rouffle encore pour cet odieux attrape-minon.

 

Le quidam durchéant n'en peut mais.

 

Triades symboliques, ennéades magiques.

 

Escamanc !

 

Hale-boulines : déguerpissez !

 

Lagrimoso, Messire Josse rend les bijoux du temps.

 

Que Maufait t'accompagne !

 

Foulons aujourd'hui le rain giboyeux.

 

Salignons négines dans la bouche.

 

Bals et popines et toute la rocambole !

 

Cette pierre smaragdine dans ta main.

 

Turlututaines nouvelles.

 

La venette s'en est allée : ocieuses les heures.

 

Amour pancreste des cimes.

 

Vois mon tarbouch ! Vois mon calicot !

 

Adamantins, nous resterons !

 

Josteor, mon grimoire vanant est rempli.

 

 

 

Ab hoc et ab hâc, ce conte ?

22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 06:00

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Cette exaspération générale des esprits...


 

Le beau joujou est cassé.

 

Allons, à quoi rime de trépigner comme ça à ton âge ?

 

Le peuple de la terre des arts, des armes et des lois n'en peut plus.

 

Il est irrité, congestif, crispé, rompu. Et violent dans l'adversité.

 

Un bon coup de balai et que chante derechef Du Bellay.

 

Zou ! Que l'on tourne tout de go l'odieuse page !

 

 

 

11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 06:00

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S'orientant grâce aux étoiles, la plupart des oiseaux migrent la nuit...

 

 

Dans l'anse de Reine, cette aube-là, le froid mordait encore un peu.

 

Mais pour rien au monde, je ne voulais manquer l'arrivée des oies migratrices en provenance directe de l'Orient extrême. Vol faisant, certaines s'offrent même une halte sur l'humus tout neuf de la taïga sibérienne. Histoire de dire bonjour aux ami(e)s sylvestres et de reprendre des forces.

 

En avril, dans la géographie majestueuse de cette partie des îles Lofoten - la pente aiguë des pics noirs me faisait penser aux Southern Alps dans la région d'Otago -, les schplouf, schplouf produits à intervalles réguliers par ces grands volatiles qui amerrissent sept par sept sur les eaux cristallines sont le signe sûr que l'on glisse à nouveau vers la belle saison. Haru higan.

 

Tout est en suspens. À l'aplomb du promontoire, guettant les premières manœuvres mobiles.

 

Des battements d'ailes soudain et une cacophonie comme jamais.

 

Puis plus rien dans l'éveil du jour.

 

Passage nordique : à la surface du fjord, un bon millier de plumes ont alors composé une estampe muette en or et blanc - mon secret.

 

Oie, oie sauvage,

tu l'as fait à quel âge

ton premier voyage ?

8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 06:00

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O the stale old dogs who pretend to guard the morals of the masses...

 

 

Au fond du trou à Taos.

 

Un bar borgne au bout de la rue.

 

This is any somewhere.

 

D. H. Lawrence, Kiowa Ranch.

 

Agaves bleus sur adobe jaune.

 

Georgia a kiffé les couleurs jaillies du désert.

 

Deux sacrés tempéraments.

 

Reconnaissance par-dessus l'époque rance.

 

Apocalypse : révélation.

 

Prends soin de toi.

 

Chihuahua and Sonora.

 

Le soleil, la chaleur -de la tequila.

 

Une chambre nue à la verticale du printemps.

 

Les carnets lovés au creux des nattes.

 

Une femme brune qui fume un cigarillo.

 

Eine kleine Frühlingsweise, nimmt mein Herz mit auf die Reise...

 

Du gramophone, une fantaisie de Dvořák s'invite soudain au bal.

 

 

 

18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 07:00

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J'aime l'âne si doux marchant le long des houx...


 

Dans le beau pays de Francis Jammes, le Pays des Basques, on trouve encore des ânes.

 

Comme les hommes, ils ont les yeux tournés vers la montagne et vers la mer. Le refuge et l'échappée.

 

On trouve aussi des ânes en Provence, dans le Berry et en Vendée poitevine.

 

Toujours soyeuses, leurs longues oreilles à l'écoute du monde.

 

Depuis quelques temps, à bien les regarder, les ânes, mes amis, sont de plus en plus dubitatifs.

 

Ce matin, sur les hauteurs de Nonza, Cap Corse, près de la tour médiévale, je lis une grande interrogation métaphysique dans les globes de ce beau et brave baudet qui se tient au milieu du raidillon.

 

- Te souviens-tu de ce qui est arrivé à un cheval de la ville de Schilda ?, me demande l'âne tandis que je m'éponge le front.

 

- Bonjour âne !  Je ne suis pas du tout étonné qu'un âne m'adresse la parole. Schilda ?, dis-tu.

 

- Nous, les ânes, disposons d'un réseau de communication sensible, fiable et discret. Nous savons plein de choses que vous ne voyez plus. De vous voir ne plus vous en rendre compte finit par nous rendre malades...

 

Sur ce, l'animal tourne casaque et lâche un crottin sur le sentier soudain doublement odorant.

 

Dans l'air frais du large, ça me revient : 

 

Voici enfin la troisième des conclusions possibles du traitement psychanalytique : il est légitime qu’un certain nombre des tendances libidinales refoulées soient directement satisfaites et que cette satisfaction soit obtenue par les moyens ordinaires. Notre civilisation, qui prétend à une autre culture, rend en réalité la vie trop difficile à la plupart des individus et, par l’effroi de la réalité, provoque des névroses sans qu’elle ait rien à gagner à cet excès de refoulement sexuel. Ne négligeons pas tout à fait ce qu’il y a d’animal dans notre nature. Notre idéal de civilisation n’exige pas qu’on renonce à la satisfaction de l’individu. Sans doute, il est tentant de transfigurer les éléments de la sexualité par le moyen d’une sublimation toujours plus étendue, pour le plus grand bien de la société. Mais, de même que dans une machine on ne peut transformer en travail mécanique utilisable la totalité de la chaleur dépensée, de même on ne peut espérer transmuer intégralement l’énergie provenant de l’instinct sexuel. Cela est impossible. Et en privant l’instinct sexuel de son aliment naturel, on provoque des conséquences fâcheuses.


Rappelez-vous l’histoire du cheval de Schilda. Les habitants de cette petite ville possédaient un cheval dont la force faisait leur admiration. Malheureusement, l’entretien de la bête coûtait fort cher; on résolut donc, pour l’habituer à se passer de nourriture, de diminuer chaque jour d’un grain sa ration d’avoine. Ainsi fut fait ; mais, lorsque le dernier grain fut supprimé, le cheval était mort. Les gens de Schilda ne surent jamais pourquoi.


Quant à moi, j’incline à croire qu’il est mort de faim, et qu’aucune bête n’est capable de travailler si on ne lui fournit sa ration d’avoine.

 

 

À la source de la vie, nunc est bibendum !

 

 

 

 

 

 

(Sigmund Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse, Payot, 2010 / Francis Jammes, De l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir, Gallimard, 1971)