28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 19:00

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- Mais puisque je te le dis !

 

- Non, ce n'est pas possible !

 

- Mais si !

 

- Mais non !

 

- Écoute-moi !

 

- Je ne fais que ça depuis une heure, t'écouter !

 

- Je te dis que c'est comme ça

 

- Ça ne tient pas debout

 

- Et pourtant si

 

- Où as-tu vu ça ?

 

- Je l'ai entendu

 

- Tu racontes des histoires

 

- Mais, enfin !

 

- Non, non !

 

- Si, si...

 

Etc.

 

De la Grèce (antique) et ses îles, avec les olives et le vin résiné, nous est venu l'art oratoire de distinguer le vrai d'avec le faux. Mais on ne s'en sort pas. La belle et grande clarté persiste à être hors d'atteinte comme Délos quand la tempête se lève.

 

Chacun sa vérité, là-bas et ici.

 

25 novembre 2010 4 25 /11 /novembre /2010 17:30

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Le temps d'une semaine, des amis me prêtent leur maison de granite dans les Côtes-d'Armor qu'il y a peu encore les PTT appelaient Côtes-du-Nord.

 

Quand, de Bretagne, arrivait une lettre, mon père me montrait le timbre sur l'enveloppe. J'ai gardé les timbres et mon père. J'ai toujours été du côté du père.

 

À l'aube, le jardin, un paradis, est sous la neige. Je suis seul et c'est parfait. Dans la vaste bibliothèque, je tombe sur ces poèmes de Paul Verlaine. Bouffée d'école qui remonte. Celui-ci, dans sa simplicité désarmante, que je recopie à l'instant sur mon carnet, talisman du jour :

 

 

Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu'éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle.

Rien n'a changé. J'ai tout revu : l'humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin...
Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.

Les roses comme avant palpitent; comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,
Chaque alouette qui va et vient m'est connue.

Même j'ai retrouvé debout la Velléda,
Dont le plâtre s'écaille au bout de l'avenue,
- Grêle, parmi l'odeur fade du réséda.

 

(Après trois ans, Poèmes saturniens, 1866)

 

 

 

Ces vers aussi doux que la laine de mon duffle-coat que j'enfile pour me promener sur les chemins secrets de mon enfance.

 

24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 13:00

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Autrefois, j'ai vécu en Irlande.

 

Une ancienne cabane de pêcheur de murs bleus au toit de chaume agrémentée d'un point d'eau qu'il nous fallait régulièrement réamorcer matin et soir - la bonne fortune voulut que je loue cette thatched cabin, cet abri des heures intemporelles, pendant la belle saison, comme on dit, et non au cœur de l'hiver.

 

Je dis nous car la femme qui m'accompagnait alors n'est plus. Irlandaise, elle était intelligente, elle était folle, je le savais, ce fut une belle saison quand même.

 

À quelques encablures de Galway, de la pièce principale  - au juste, il n'y en avait que deux et un garde-manger, cabinet de toilette, resserre à tout faire -, nous nous régalions de la vue sur la baie de Letter More (quel nom prédestiné !), la lande verte, les genêts jaunes, les poneys et les mouettes dans la diversité de leur nomenclature scientifique.

 

Un isolat écologique imbattable et un isolement érotique à deux dans une discrétion sans pareille.

 

J'étudiais, j'écrivais, alternativement. Ou bien je ne faisais rien, ce qui était déjà en soi beaucoup.

 

À la nuit tombée (la nuit tombe-t-elle vraiment ?), cette tranquillité soyeuse était parfois troublée par la présence musicale d'un farfadet qu'on appelle là-bas leprechaun, vous entendez ?, un lutin espiègle, qui se mettait en tête de jouer des airs folkloriques à l'aide d'un fifre de bois flotté qui était tout sauf un...fifrelin. Son cirque pouvait durer des heures : nous avions bien tenté d'établir le contact, la langue de la raison lui était inconnue.

 

Des années plus tard, un ami me parle des farfadets. Connaissez-vous cet individu au nom à rallonge : Alexis Vincent Charles Berbiguier de Terre-Neuve du Thym ? Non ? What a pity ! Il est l'auteur d'un engin littéraire extravagant (qui sort des ornières...) intitulé Les Farfadets ou Tous les démons ne sont pas de l'autre monde publié en 1821 sur ses propres deniers. À le lire, l'œuvre d'un fou. Mais ce n'est pas aussi simple.

 

Je sais aujourd'hui que notre lutin d'Eire se nomme Puck. Il est le fantôme qui fabrique, from time to time, l'étoffe dont sont faits mes songes éveillés.

 

21 novembre 2010 7 21 /11 /novembre /2010 17:00

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Une petite piaule sous un auvent de zinc.


La rue défoncée, les ribambelles de singes qui se poursuivent et des vaches en vadrouille.


Il pleut depuis l'aube.


Tag, ploc, tag, ploc, bling, bling, dlong, ploc : c'est le raga de la pluie sur tous les toits du monde.

 

I feel good : je suis ici et nulle part à la fois.

 

Suis-je ?

 

18 novembre 2010 4 18 /11 /novembre /2010 13:00

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Autrefois, l'un de mes plaisirs de grand enfant était de ramasser toutes sortes d'expressions naturelles sur mes chemins de promeneur solitaire ou à deux, autour de la maison et plus loin sur cette planète, dans la campagne, à la montagne et au bord des eaux les plus diverses.

 

J'affectionnais particulièrement les pierres (agate du Canada, jaspe de Bretagne, aventurine d'Inde), ces fragments de roches, leur pouvoir magnétique, les feuilles et certaines écorces d'arbres (Redwood de l'Oregon, bouleau de Sibérie, chêne de l'Allier, acacia provençal) que je gardais sans réel classement dans un herbier devenu au fil du temps doublon de ma propre mémoire.

 

Herbier, vocable magique ! Temps dans le temps. Une fois qui devient toujours...

 

Si je continue à prélever une pierre du hasard pour sa beauté intrinsèque et ensuite la contempler dans mon atelier, cela fait un moment que je laisse herbes, fleurs et feuilles vivre leur vie. Et je me dis qu'il faudrait aussi, tant qu'à faire, que je laisse les pierres en place puisque bien souvent elles abritent, même la plus légère d'entre elles, de fragiles organismes vivants.

 

J'ai une admiration pour les musiciens et les biologistes, surtout ceux qu'en langue anglaise on appelle field biologists, les biologistes de terrain, qui travaillent à augmenter notre savoir sur les êtres vivants et les relations sophistiquées qu'ils entretiennent entre eux et avec leur environnement.

 

Ces deux activités, la musique et la science de la vie, vont parfois de pair et donnent des humains beaux à voir.

 

J'admire aussi, parmi les biologistes ou ceux qui ont étudié la biologie de près, les médecins : comment de pas penser à des parents proches ?

 

Je suis les travaux des uns et des autres avec attention : leur pronostic sur la santé physique et psychique de la Terre n'est guère rassurant qui est présentement connu des consciences politiques éveillées. A force d'avoir cherché à maîtriser la Nature, comme on dit, l'humanité reçoit aujourd'hui le retour de manivelle en pleine...poire. La génétique et ses manipulations sont, à l'évidence, chaque jour davantage, une gène éthique. Ses formes amorphes, le monde est devenu, en certains lieux, passablement immonde. Le constat a été fait, inutile d'épiloguer.

 

Botanique, zoologie, sciences naturelles, dites-moi, d'où venons-nous, que sommes-nous ? où allons-nous ?

 

17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 14:30

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Noël approche à grandes enjambées, vos amis aussi et vous ne savez, au fond, si ce sera la joie ou la corvée des retrouvailles.

 

Quel cadeau lui offrir au pied du beau sapin ?, se demande-t-on en épluchant le tombereau de catalogues qui remplace ces jours-ci le précédent dans la boîte aux lettres.

 

Ne cherchez plus, courez chez votre libraire adoré (on me dit qu'il existe encore d'authentiques libraires -pour combien de temps ?) et glissez dans un emballage de circonstance ce présent indémodable : Le Discours de la servitude volontaire rédigé en 1549 par Étienne de La Boétie, la grande amitié de Montaigne.

 

Et, en place des cantiques, entonnez, a cappella si c'est votre désir, ce refrain entraînant : « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »

8 novembre 2010 1 08 /11 /novembre /2010 14:45

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Je ne bois pas le vin : c'est lui qui me boit, me filtre et m'ensortilège (un néologisme de temps à autre ne fait pas de mal et peut même élargir le champ du possible).

 

Bien entendu, pas n'importe quel flacon. Du vin de Bordeaux, entre terre et mer, en compagnie de Montaigne et de Montesquieu.

 

Quand les choses vacillent, remède naturel : revoir cette scène d'anthologie dans Jules et Jim (François Truffaut, 1962) au cours de laquelle Jeanne Moreau déroule une liste de grands crus bordelais et porter dans le même temps à ses lèvres un verre de Chasse-Spleen (majuscules et trait d'union !) : le monde retrouve, à l'instant, son axe.

 

Essayez.

2 novembre 2010 2 02 /11 /novembre /2010 13:15

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Fan. Je suis, je le confesse, un amateur indéfectible de westerns.

 

Une vraie, bonne confession dans les formes s'impose de temps à autre, non ?

 

Le western movie, c'est le monde shakespearien - le monde simplement humain - permanent comme le cinéma du même nom, une scénographie incarnée par des caractères, des tempéraments, des natures, pleine de bruit et de fureur, pendant une heure et demie, au dénouement, en général, à la félicité parfaite.

 

J'aime les Indiens, eux d'abord, leurs couleurs et leur honneur, les paysages de l'Ouest américain ensuite, les cow-boys enfin et leurs inlassables jeux de lassos.

 

Voir et revoir The Big Sky (Howard  Winchester Hawks, 1952 - le titre anglais est d'une splendeur évocatrice alors que  le titre français, La Captive aux yeux clairs, beau titre, certes, affadit cependant le propos),  Rio Bravo (toujours Hawks, 1959), Gun Fight at the O.K. Corral (John Sturges, 1957), Winchester '73 et The Far Country - Je suis un aventurier (Anthony Mann, 1950 et 1954), Colorado Territory - La Fille du désert (Raoul Walsh, 1949) ou encore Jeremiah Johnson (Sydney Pollack, 1972)

 

 

Mais, pour moi, le scénario par excellence, mon préféré, est celui où l'on assiste à l'arrivée d'un cavalier sans identité, car il a connu toutes les identités - la figure du  "Man-With-No-Name" interprétée, entre autres acteurs, par un Clint Eastwood impavide -, venu de nulle part, qui traverse a little town pour régler un compte, une affaire, une dette, un litige et faire triompher le droit tout en créant les conditions d'un nouvel ordre potentiel avant de retourner vers un ailleurs indifférencié : un homme, un lieu et une action.

 

Clap de fin.

30 octobre 2010 6 30 /10 /octobre /2010 14:50

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Voici qui est pour le moins étonnant et, le sens des perspectives en tête, plutôt amusant : en cette saison planétaire d'inculture globalisée et d'aplatissement existentiel généralisé, tout le monde a des idées sur tout et le contraire de tout.

 

Qu'un individu, au cours d'une vie humaine, trouve, aujourd'hui, une, voire deux vraies idées, et l'espace pour les développer est déjà, en soi, remarquable...

 

Contemplatif, pensant à Henry David Thoreau, ce compagnon d'esprit en fidèle fréquentation, au bord de l'étang clair-obscur, je goûte les beautés savoureuses du grand réel et me mets tranquillement au travail.