Le temps d'une semaine, des amis me prêtent leur maison de granite dans les Côtes-d'Armor qu'il y a peu encore les PTT appelaient Côtes-du-Nord.
Quand, de Bretagne, arrivait une lettre, mon père me montrait le timbre sur l'enveloppe. J'ai gardé les timbres et mon père. J'ai toujours été du côté du père.
À l'aube, le jardin, un paradis, est sous la neige. Je suis seul et c'est parfait. Dans la vaste bibliothèque, je tombe sur ces poèmes de Paul Verlaine. Bouffée d'école qui remonte. Celui-ci, dans sa simplicité désarmante, que je recopie à l'instant sur mon carnet, talisman du jour :
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu'éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle.
Rien n'a changé. J'ai tout revu : l'humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin...
Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.
Les roses comme avant palpitent; comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,
Chaque alouette qui va et vient m'est connue.
Même j'ai retrouvé debout la Velléda,
Dont le plâtre s'écaille au bout de l'avenue,
- Grêle, parmi l'odeur fade du réséda.
(Après trois ans, Poèmes saturniens, 1866)
Ces vers aussi doux que la laine de mon duffle-coat que j'enfile pour me promener sur les chemins secrets de mon enfance.