19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 07:00

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Rangement dans l'atelier.

 

Ou, à tout bien considéré, installer le désordre dans l'ordre. Et non l'inverse.

 

De la pile, après avoir poussé la petite boîte qui contient des abalones bleutés qu'on appelle aussi oreilles de mer, je finis par mettre la main sur Les Lettres à un jeune poète (Briefe an einen jungen Dichter, 1929) que je cherchais le mois dernier. À l'intérieur, une fleur de coton trouvée à Madras.

 

Édition qui sent le café, et je tombe sur ce passage en bleu profond, reflet sonore de mes quinze ans :

 

(...) Vous demandez si vos vers sont bons. Vous me le demandez à moi. Vous l'avez déjà demandé à d'autres. Vous les envoyez aux revues. Vous les comparez à d'autres poèmes et vous vous alarmez quand certaines rédactions écartent vos essais poétiques. Désormais (puisque vous m'avez permis de vous conseiller), je vous prie de renoncer à tout cela. Votre regard est tourné vers le dehors ; c'est cela surtout que maintenant vous ne devez plus faire. Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne. Il n'est qu'un seul chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s'il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s'il vous était défendu d'écrire ? Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit : « Suis-je vraiment contraint d'écrire ? » Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple : «  Je dois  », alors construisez votre vie selon cette nécessité.

 

(Rainer Maria Rilke, lettre du 17 février 1903, traduction de Bernard Grasset et Rainer Biemel, Grasset, 1937)  

 

 

Cosmopolite amoureux, j'ai autrefois suivi les périples de Rainer à travers l'Europe. Ah, oui, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge. Important.

 

Relier cette retrouvaille à celui qui, les textes écrits, signait Personne...

15 décembre 2010 3 15 /12 /décembre /2010 07:00

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Un polar sur le feu ? Vous cherchez un titre ? Vous êtes en panne ?

 

No problem... 


 

Big friture à Namur

 

Les ventouses de Naplouse

 

Les seins chauds pensent à...

 

L'arrêt au mur, tabasse ton Paul

 

Les pruneaux d'argent au ciel d'Agen

 

Coup de mazout à Knokke-le-Zoute

 

Bons patins de Berlin

 

  À l'assaut de Nassau

 

Tout bon à Toulon

 

Sétif et son shérif

 

Pas de cernes à Lucerne

 

Une couverture pour Vancouver

 

Un bon p'tit gars au Gabon

 

Corrida dans le corridor

 

Must you go to Tobago ?

 

Rixe bannie au Benelux

 

La police perce à Persépolis

 

Les marionnettes de Pantin

 

Jappe au nez du Japonais

 

Bingo for Bongo !

 

Ramdam à Paname

 

Mange ton riz en Mandchourie

 

Dessoudé à Issoudun

 

En chute libre sur Libreville

 

Le marshal des îles

 

A Vienne, qu'il vienne !

 

De pire en pire au Pirée


Balles nourries au bal pourri

 

Les rizières incendiaires

 

Les joujoux de Châteauroux

 

Léger calcul à Calcutta

 

Un muet à mimiques

 

Macache bono au boneto malgache

 

Charivari en Oubangui-Chari

 

Les bibelots de Babylone

 

Trafic noir à Trafalgar

 

Sales pales à Bhopal

 

La mule d'Eckmühl


Saint plomb au Simplon

 

À la cool à Marcoule


Quelle vie à Calvi !

 

C'est bath à Saint-Barth !

 

Tu te moqueras du maquereau

 

Sales draps à Sarlat

 

Le calvaire du vicaire

 

Too nice à Nice

 

Tue bien à Turin

 

Le cougar du cargo

 

Les affranchis d'Helsinki

 

Paul West au pôle Est

 

La souris du Missouri

 

Au formol de Formose

 

Echec aux Tchèques

 

A Ceylan, c'est lent !

 

Coke en stock à Stockholm

 

Le bandeau de Bandoeng

 

Le pacha n'aime pas ça

 

Un gars vole sur la Volga

 

Ne ris pas à Paris !

 

Un direct à Menton

 

Indolent dollar

 

Rouble toujours !

 

Mon topo à Porto

 

La roupie du bon sens...au net !

 

Baillonne à Hendaye !

 

Bosse, bwana, au Bostwana !

 

La tirelire du Rital

 

C'est le boxon à Boston !

 

Pas de kopeck pour les copains

 

Torride Floride

 

Le robot dérobé


Mon pote au poteau

 

Un loubard chez les balourds

 

Plombé, mon plombier !

 

Sur la paille, mais...banzaï !

 

Raque, et vite, en Amérique !

 

Le matelot de Saint-Marin

 

En voiture, le jaguar !

 

Le double jeu du doge

 

Du jaja dans la java

 

Coup de surin au bord du Rhin

 

Suce pence in England

 

Ami-ami à Miami

 

La rançon du sang rance

 

Le tirailleur se tire ailleurs

 

Bondis sur la chérie à Pondichéry !

 

La chignole perce la caisse

 

Le condé du prince

 

Zizanie à Zanzibar

 

L'hidalgo de l'Idaho

 

Qui becquette à Québec ?

 

Mondanités à la Mondaine

 

Les moufles du moufteur

 

Cha-cha-cha chez les minets

 

L'autocar des anticaires

 

HV

 

Sale temps pour le sultan

 

La pince de mon saigneur

 

Le grisbi du grizzly

 

Un doulos à Doullens

 

Arnaque au tarmac

 

La joncaille d'Hawaï

 

Brames à Brême

 

Pas de deux et pied-de-biche

 

Accrochage à Anchorage

 

Tu me toises sur l'Iroise ?

 

Canasta au Canada

 

A quand le bal dans les Balkans ?

 

Épines aux Philippines

 

Nos reines à Reno

 

Sévices à Séville

 

Mécanos et l'hôte camé

 

Trop laide à Tolède

 

Exquis maux en Alaska

 

Un mâle à Malé

 

Coup de gong à Hong Kong

 

Ma guitoune chez les Pachtounes

 

Pires manies en Birmanie

 

Illico à Pimlico

 

Ça sent le roussi à L'ïle-Rousse

 

Les teignes d'Athènes

 

Coup de savate à Mascate

 

Quittée trop tôt à Quito

 

Méchant ouah ouah à Ottawa

 

Ça se dégrade à Belgrade

 

Route de la baie à Beyrouth

 

Face à face à Belfast

 

Castré à Castries

 

Des lassos à Oslo

 

Danger à Tanger

 

Il lorgne au bar à Barcelone

 

Bons baisers de Bombay

 

Allumé à Lima

 

Ça glisse à Tunis

 

Montez vider l'eau à Paramaribo !

 

Chagrin à Nankin

 

Un Russe à Vilnius

 

Peureux, le baveux

 

Hara-kiri mon gros Kiki

 

Le mitard à mi-temps

 

Les poudrés de Sablé

 

Un rencard pour le tocard

 

Limé au Mali

 

Quadrille à Manille

 

Razzia à Brazza

 

Zéro aviso à Valparaiso

 

Le destin a déteint

 

Un mouchard chez les Afars

 

Poil au nez au Polonais

 

Coup de machette à La Valette

 

Du flouze à Vaduz

 

Qui est cuit à Dhaka ?

 

Chapeau bas à Bamako

 

Attentat à Atlanta

 

Coup de grisou à Moscou

 

L'express se prélasse

 

Ce gosse de Lagos

 

Du rififi à Nicosie

 

Les requins collent au radeau

 

Bagarre au bazar

 

Coup de dague à Prague

 

Scoumoune à Rangoon

 

Un crime à Mobile

 

Ultimatum atome !

 

Poker au Caire

 

Beaux dégâts à Bogota

 

Des gnons en Avignon

 

Abattu à Rabat

 

Le zébu du Buzet

 

Trop poli à Tripoli

 

Un coq à Bangkok

 

Le maboul de Kaboul

 

Pas de délit à Delhi !

 

Banjo à Banjul

 

Deux tatoués à Tahiti

 

Clan des blattes au Bataclan

 

Tous saouls à Séoul

 

En berne à Berne

 

Interpol à Tiraspol

 

Un malabar à Malabo

 

Le financier se mange froid

 

Too short à Nouakchott

 

Apaisé à Pise

 

Eau de rose à Roseau

 

Jeu de masques à Minsk

 

Banco for Coban

 

Un caïd à Port-Saïd

 

Léthal à Natal

 

  Grabuge à Bruges

 

Les déveines de la sirène

 

Cogne fort dans le Bosphore !

 

Wassingue sanglante

 

Le cheval du chenal

 

Accro à Accra

 

Haie d'honneur à La Haye

 

Allons donc à London !

 

Un canif pour le khalife

 

La glace clôt à Glasgow

 

Allégé à Alger

 

Coup bas à Bakou

 

Bang bang à Bangui !

 

Bananes à Vientiane

 

Trop bonne à Lisbonne...

 

Amasse à Damas !

 

Bamboula à Kinshasa

 

Flagrant délit à New Delhi

 

Roudoudou à Katmandou

 

Aïe, aïe, aïe à Shanghai !

 

Mon doublon à Dublin

 

Atchoum à Khartoum

 

Complot à Colombo

 

As-tu lutté à Tallinn ?

 

Campe pas là à Kampala

 

Kif kif à Kiev

 

Tamanrasset, tramez en 7

 

Méli-mélo à Lomé

 

Sac à lignes à Sakhaline

 

Embouti à Djibouti

 

Hamster des dames à Amsterdam

 

Le taon a tout le temps

 

Signe de nez à Sidney

 

Massicot à Mexico

 

L'as des as à Caracas

 

Il tonne sur Kingstown

 

Acquitté à Kyoto

 

Flingues au bastringue

 

Pas de chichi à Karachi

 

Baraka à Jakarta

 

Sarbacane à Lausanne

 

Dum dum à Phnom Penh

 

Luxe en bourg au Luxembourg

 

Le radar de Dakar

 

Boude la peste à Budapest !

 

Viva la vie à Varsovie !

 

Coup de boule à Istanbul

 

Rodéo à Bornéo

 

  Estocade à Grenade

 

Vas-y voir à Peshawar !

 

Coup de bambou à Tombouctou


 

Etc. Etc. Etc.

 

 

Ça vous va comme ça ? Oui ? Parfait.

 

(P.S. Toute ressemblance avec un lieu, une situation ou un personnage réel ne serait, bien entendu, que pure vue de l'esprit...)

 

 

 

 

6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 06:00

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Ars poetica.

 

In literature it is only the wild that attracts us. Dullness is only another name for tameness. It is the untamed, uncivilized, free, and wild thinking in Hamlet, in the Iliad, and in all the scriptures and mythologies that delights us -not learned in schools, not refined and polished by art. A truly good book is something as widly natural and primitive, mysterious and marvellous, ambrosial and fertile, as a fungus or a lichen.

 

(Henry David Thoreau, Journals, November 16th, 1850, Houghton Mifflin Company, 1927)

 

 

En littérature, ce qui est sauvage seul nous attire. Sagesse et douceur sont synonymes d'ennui. Ce qui nous ravit dans Hamlet, dans l'Iliade, dans les livres sacrés et les mythologies, c'est le non familier, le non civilisé, la pensée libre et vagabonde, ce qui n'a pas été appris à l'école, ni raffiné, ni poli par l'art.


Un vrai bon livre est quelque chose d'aussi naturel, primitif, sauvage, d'aussi mystérieux et merveilleux, d'aussi ambrosiaque, d'aussi prolifique qu'un lichen ou un champignon.

 

(Henry David Thoreau, Journal 1837-1861, extraits choisis et traduits par R. Michaud et S. David, présentation - lumineuse - de Kenneth White, Les Presses d'aujourd'hui, 1981)

 

 

Credo.

 

Croyance ? Croissance...

 

3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 17:00

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I remember : je remembre la mémoire.

 

L'atelier est sous la neige : suspension du temps alentour.

 

Un soir des années 70, alors que j'étais ivre de fatigue après des jours dans les mots, Jean-Pierre Vernant, pédagogue habituellement adroit et sensible, me tire cette fois-là de ma torpeur d'une frappe sonore sur la table de notre séminaire au Collège de France. Nous nous regardons aussi surpris l'un que l'autre, et éclatons de rire !

 

Je me souviens de tout : les lettres grecques tracées sur le cahier d'écolier, les règles de l'accentuation (paroxyton, proparoxyton...), et les cours de grec ancien que, comble suprême de la clownerie, je donnais à mes cadets. Quand j'y pense ! Non, je ne regrette rien. La vie était belle. Elle l'est toujours.

 

Brusque désir de reprendre Sophocle ce matin en repensant à tout ça.Une œuvre essentielle qui me sert toujours, un jour ou l'autre. Vous ne connaissez pas ? En livre de poche, je vous dis, et vous aurez une critique générale du Spectacle qui n'a pas pris une ride.

 

Délivrance : la voix du réveil dans la nuit éternelle vaut à jamais toutes les huiles essentielles.

29 novembre 2010 1 29 /11 /novembre /2010 07:30

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  Rien n'égale en longueur les boiteuses journées,
    Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
    L'ennui, fruit de la morne incuriosité,
    Prend les proportions de l'immortalité.
    - Désormais tu n'es plus, ô matière vivante !
    Qu'un granit entouré d'une vague épouvante,
    Assoupi dans le fond d'un Sahara brumeux ;
    Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
    Oublié sur la carte, et dont l'humeur farouche
    Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche.


(Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, LXXVI. Spleen, édition de 1861)

 

 

Yes, low tide.

 

Le maestro du spleen doit se retourner dans sa tombe : l'ennui massif est désormais partout, une corrosion sans nuance de tous les bonheurs minuscules.

 

Je devrais écouter un peu plus les sages de la sagesse chinoise et me dire que la roue du temps pourrait repartir dans le bon sens.

 

Vraiment ?

 

28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 15:00

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Tu te souviens, cette grange abandonnée aux oiseaux, là-bas, dans l'état de l'Oregon, un soir d'été, et ton ami Gary Snyder lisant Riprap (Origin Press, 1959) ?

 

Oui, oui, c'était il y a des années, c'était hier.

 

 

   Lay down these words
Before your mind like rocks.
          placed solid, by hands
In choice of place, set
Before the body of the mind
          in space and time :
Solidity of bark, leaf, or wall
          riprap of things :
Cobble of milky way.
          straying planets,
These poems, people,
          lost ponies with
Dragging saddles -
          and rocky sure-foot trails.
The worlds like an endless
          four-dimensional
Game of Go.
          ants and pebbles
In the thin loam, each rock a word
          a creek-washed stone
Granite : ingrained
          with torment of fire and weight
Crystal and sediment linked hot
          all change, in thoughts,
As well as things.


 

 

Lay down these words before your mind like rocks...

 

Nouveau départ. Nouvelles directions.

 

28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 14:00

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J’étais dans une sorte d’extase, par l’idée d’être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux-Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber.


 

La contemplation active, dans un temps compressé, d'une surabondance d'œuvres artistiques peut, on le sait, provoquer des états seconds chez n'importe quel humain pas encore trop abruti : excitation de tout l'appareil nerveux, vertige vagal,  voire perte temporaire d'identité...

 

Vous venez de le lire, Marie-Henri Beyle, Stendhal pour les happy few, en fit l'expérience soudaine qu'il a relatée dans son Rome, Naples et Florence, publié en 1826 (éditions Gallimard, 1987).

 

À l'attention des cinéphiles,  je leur signale la prestation hallucinée d'Asia Argento dans le film réalisé en 1996 par son père, Daria Argento, intitulé Le Syndrome de Stendhal (La Sindrome di Stendhal). 

 

Avant de regagner la mia camera  que me prêtent des amis italiens - et son comodino de feuilles éparses à l'encre bleue -, je m'arrête quelques instants pour regarder le roulement sans fin de l'activité marchande sur la lagune et lire au soleil d'hiver. Si je trouve un banc de pierre un peu retiré de la chiennerie touristique. Je finis par en trouver un juste sous les cloches muettes d'une église. C'est par charité chrétienne que je mentionne ce film avec l'espoir secret que ceux qui estiment, bien à tort selon moi, que l'œuvre de Stendhal appartient désormais à un temps révolu, voient monter l'urgence de s'y rafraîchir un peu les neurones. Soyez curieux et relisez La Chartreuse de Parme, Lucien Leuwen ou Les Mémoires d'un touriste : autant d'approches introspectives qui sauront élargir votre horizon quotidien en raccourcissant les degrés vers l'intelligence sensible.

 

Ah !, mariage fortuné des sens et de la raison : un homme passionné voit toutes les perfections dans ce qu'il aime...

24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 17:30

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À Vancouver, tôt le matin, je flâne du côté de Connaught Park, les pins gigantesques et odorants, une véritable rain forest, et le tumulte du port, là, sur la droite, un peu plus bas.

 

Je connais d'autres Connaught Parks, Squares ou Places dans le monde, mais je n'y ai vu que laideur bétonnée.

 

Dans l'avion qui me dépose sur les rives du Pacifique, j'ai emporté Les Derniers rois de Thulé dans une édition de poche et la belle biographie que Jan Borm consacre à Jean Malaurie (Jean Malaurie : Un homme singulier, éditions du Chêne, 2005). J'ai très envie de voir les totems du parc Stanley même si je sais qu'ils y ont été installés vers 1920 dans un aménagement confortable pour le touriste en goguette. C'est mieux que rien, certains de ces totems remontent d'ailleurs au XIXe siècle, donc relativement anciens, en provenance d'Alert Bay située sur Cormorant Island en Colombie-Britannique où le potlatch, banni un temps par les autorités, est à nouveau en pleine vigueur. De toute façon, si je veux voyager plus au Nord, un équipement ad hoc s'imposerait comme me le conseille mon capitaine-ange gardien.

 

Admiration pour ce conteur-né qu'est Jean Malaurie à la voix grave et au format taillé pour l'aventure. Audace de sa part, dans l'immédiate après-guerre, de lancer ce qui allait devenir le pavillon du témoignage vécu, de l'interculturalité et du transdisciplinaire, la collection Terre Humaine aux éditions Plon. Dans la bibliothèque de l'atelier, je m'en  suis aperçu avant le départ, la vie intime de ceux que l'on appelait encore Eskimos de façon péjorative avant que Jean Malaurie n'en révèle les fiers et sensibles aspects dans son livre le plus connu se trouve dans le voisinage immédiat des Immémoriaux de Victor Segalen, autre opus inégalé dans son genre. Quand on pense que Malaurie avait commencé sa carrière (mais est-ce vraiment en ces termes qu'il faut considérer son parcours d'une rare densité ?) par l'exploration des déserts en qualité de géographe...

 

Je demande : savez-vous ce que signifie Inuit ?  Une fois sur deux, silence blanc. Inuit signifie "être humain" - dans tous les sens.

 

Relisez Malaurie, un guide des hautes terres pour ne pas perdre le Nord. 

21 novembre 2010 7 21 /11 /novembre /2010 14:15

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Nous cherchons partout l'absolu, mais nous ne trouvons que des choses.


 

C'est sans doute par esprit de contradiction qu'invité aujourd'hui plein Sud, à Toulouse, autour d'un gigot d'agneau façon bordelaise et d'un flacon de château Angélus (quel nom céleste pour un breuvage divin !), j'ai emporté les meilleures pensées de Friedrich von Hardenberg.

 

J'ai souvent trouvé une ressemblance - et pas que physique quant au visage -, je le lui ait dit, entre HG et ce chimiste, géologue, ingénieur et rêveur opiniâtre d'un savoir humain le plus large et le plus inspirant possible.

 

Un jour, sur l'une des îles Lofoten, dans un rorbu dont le seul confort était la vue sur la mer, je me souviens avoir griffonné  sur un carnet détrempé (c'est-à-dire avoir écrit et esquissé des croquis) des dizaines de notes relatives à Das allgemeine Brouillon (Le Brouillon général, éditions Allia, 2002). Ce volume est lui-même une encyclopédie de notations sur les sujets les plus divers, mais avant tout sur le mouvement général de l'esprit humain. Il a été rédigé par celui qui choisit Novalis comme nom de plume (littéralement, le terrain en jachère, voire le terrain vague d'où une pensée originale pourrait jaillir - quelle belle perspective pour un véritable auteur, n'est-ce pas ?), et figure parmi les astres incandescents que les manuels d'histoire littéraire qui font ce qu'ils peuvent appellent romantiques allemands.

 

Quand, dans une grande librairie de la ville rose, avant nos agapes,  je vois le spectacle consternant de ces piles de non-œuvres  sorties des prix littéraires récents qui s'amoncellent en têtes de gondoles comme boudins à l'ancre chez le charcutier, je glisse à l'oreille de la libraire qui connaît mon humour ce mot prémonitoire de l'auteur des Hymnes à la nuit : l’art d’écrire des livres n’a pas encore été inventé. Mais il est sur le point de l’être...

 

Je quitte la cité des violettes sous le soleil et me dis que ce Brouillon général n'a pas fini de...brouiller les pistes.

 

 

17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 22:00

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Le français est langue royale, il n'y a que foutus baragouins tout autour...


 

Un jour, sur les bords de Loire, au milieu de mille choses, j'ai relevé cette déclaration épicée.

 

(Aïe !, je viens de citer Louis-Ferdinand Céline, je vais encore me faire bien voir. Je ne suis pas à un paradoxe près, c'est mon style).

 

Oui, bien sûr, Bagatelles pour un massacre (1937) est une détestation, son procès a été fait. Mais doit-on, au nom du politically correct décrété par les petits juges, s'interdire de lire Voyage au bout de la nuit (1932) ou Entretiens avec le professeur Y (1955) ? Flagellation toxique.

 

Sur l'une des poutres de mon atelier, ces vers de Jean de La Fontaine, transmis par mon grand-père, perfection limpide de la langue française et invitation à la vie voluptueuse (Les Amours de Psyché et de Cupidon, 1669) :

 

 

J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique,
La ville et la campagne, enfin tout ; il n'est rien
Qui ne me soit souverain bien,
Jusqu'au sombre plaisir d'un cœur mélancolique.  

 


 

Qu'ajouter ? Royal, non ?                    :