23 décembre 2015 3 23 /12 /décembre /2015 07:00

Schnee1.jpg

 

Une blancheur extrême...

 

 

Chalet sur les hauteurs de Lucerne. Du cristal partout.

 

La radio diffuse Sleigh Ride, cette entraînante pièce intemporelle menée grelot battant par Leroy Anderson.

 

Du coup, je vais mettre le nez dehors.

 

9 décembre 2015 3 09 /12 /décembre /2015 07:00

Joseph Conrad, Fotografie von George Charles Beresford, 1904.jpg

 

Un frère de la côte...

 

Sur une des poutres de l'atelier, cet autre portrait élégant.

 

Suivi autrefois sa trace en Armorique.

 

De la bibliothèque mondiale, ce fluide pour l'hiver qui s'enclenche :

 

« Cette année-là, je passai les deux plus beaux mois de la saison sèche sur l’un des domaines, – sur le principal domaine, devrais-je dire –, d’une célèbre société de fabrication d’extrait de viande.

B. 0. S. BOS. Yous avez lu les trois lettres magiques sur les pages de réclame des journaux et des revues, à la devanture des marchands de comestibles et dans les calendriers de l’année à venir que la poste vous apporte au mois de novembre. Vous avez lu ces brochures rédigées en plusieurs langues, en un style d’un pâle enthousiasme, et dont les statistiques de massacre et de sang ont de quoi faire pâlir un Turc. La partie « artistique », destinée à illustrer cette « littérature », représente, en couleurs brutales et luisantes, un énorme taureau noir qui piétine furieusement un serpent jaune convulsé d’agonie dans une herbe vert émeraude : le tout se détache sur un ciel de cobalt. C’est atroce et allégorique. Le serpent représente la maladie, la faiblesse, peut-être simplement la faim, cette maladie chronique de la plus grande partie de l’humanité. Naturellement, tout le monde connaît la B. 0. S. Co Ltd, avec ses produits sans rivaux. Vinibos, Jellybos, et la suprême, l’inégalable perfection, le Tribos, dont les vertus nutritives, non contentes de se présenter sous un haut degré de concentration, se targuent d’une digestion à demi achevée déjà. Tel est apparemment l’amour que la Compagnie Limited porte à ses contemporains, amour pareil à celui des père et mère pingouins pour leurs rejetons affamés. Évidemment, il faut bien employer de façon convenable les capitaux d’un pays, et je n’ai rien à dire contre la Compagnie. Mais, étant moi-même animé de sentiments affectifs pour mes frères en humanité, je suis attristé par les excès de la réclame moderne. Malgré tout ce qu’elle peut attester d’énergie, d’ingéniosité, de trouvailles et d’impudence chez certains individus, elle trahit surtout, à mon sens, la triste prédominance de cette forme de dégradation mentale qui s’appelle crédulité. »

 

Harpon dans la nuit...

25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 09:33

1895 Dictionary - Castle.png

 

Signes sauvages...

 

 

J'ai toujours aimé les dictionnaires et les encyclopédies.

 

D'ailleurs, depuis des années, je reconstruis l'Encyclopédie à ma façon.

 

De passage à Londres, Charing Cross Road, je tombe sur cette déclaration du cher Émile :

 

 

« Rien ne m’avait préparé particulièrement à une entreprise de ce genre… Rien ? Et les travaux consignés dans le présent volume et ceux, plus considérables, que contient l’Histoire de la langue française ? Sans doute ; mais cela qui me qualifia amplement lors des transformations de mon premier et vague projet, y est postérieur ; et je répète en toute vérité rien ne m’avait préparé à une entreprise de ce genre. J’avais dépassé quarante ans ; la médecine grecque m’occupait entièrement, sauf quelques excursions littéraires qu’accueillaient des journaux quotidiens et des revues. Je donnais chez M. J.-B. Baillière une édition d’Hippocrate, texte grec avec la collation de tous les manuscrits que je pus me procurer, notes et commentaires ; édition dont le premier volume me valut le suffrage de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et dont le dixième et dernier ne parut qu’en l’année 1860. C’était bien assez de besogne. La Fontaine dit de son homme déjà pourvu d’un gibier suffisant :

 

Tout modeste chasseur en eût été content.

 

Son chasseur n’était pas modeste, et le fabuliste ajoute aussitôt :

 

Mais quoi ! rien ne remplit
Les vastes appétits d’un faiseur de conquêtes.

 

Entendons-nous pourtant sur mes vastes appétits. Je suis de ces esprits inquiets ou charmés qui voudraient parcourir les champs divers du savoir et obtenir, suivant la belle expression de Molière, des clartés de tout... »

 

Les champs sensibles et multiformes du savoir...

11 novembre 2015 3 11 /11 /novembre /2015 07:00

'A Scene from the Tempest, Prospero and Ariel' by Joseph Severn.jpg

 

Le bruit du temps...

 

Tandis que la tempête fait rage dehors, je me cale bien au chaud dans un pub fumant :

 

« Vous êtes trois hommes de crime. La destinée qui régit ce bas monde et tout ce qu’il enserre a voulu que la mer insatiable vous rejetât de son sein dans cette île inhabitée ; car vous êtes indignes de vivre au milieu des hommes. {Alonzo, Sébastien et tous les autres tirent leurs épées.) Vous voilà maintenant en fureur ; mais que me fait toute cette vaillance ? c’est le courage des gens qui se pendent ou se noient. Insensés ! mes compagnons et moi nous sommes les ministres du Destin ; l’acier dont vos glaives sont forgés ne saurait entamer une seule de mes plumes ; c’est comme s’ils frappaient les vents qui mugissent ou l’onde qui se referme sous leurs coups ; mes compagnons sont pareillement invulnérables : lors même qu’ils pourraient nous blesser, vos glaives sont maintenant trop pesants pour votre faiblesse, et vous n’avez pas la force de les soulever. Mais rappelez-vous, car c’est le motif qui m’amène, que vous trois, vous avez dépouillé le vertueux Prospéro de son duché de Milan ; que vous l’avez exposé, lui et sa fille innocente, à la merci de l’Océan, qui vous l’a bien rendu. Pour punir ce forfait, l’éternelle puissance, ajournant sa vengeance, mais ne l’oubliant pas, a soulevé contre vous et la mer et la terre et toutes les créatures. Toi, Alonzo, elle t’a privé de ton fils ; elle t’annonce par ma voix que des malheurs persévérants, plus terribles qu’une mort immédiate, s’attacheront à toi et à tes actes ; sa fureur, dans cette île désolée, ne saurait manquer de t’atteindre, et tu ne peux la conjurer que par un cœur contrit et une vie irréprochable. »

 

Si William l'écrit, c'est que ça doit être vrai...

28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 07:00

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Dans l'ouvert...

 

Trois jours sur l'île de Man. Les eaux grises et mon songe.

 

J'ouvre le livre :

 

« Les traits de la surface planétaire indiquent l’effet des actions cosmiques auxquelles le globe a été soumis pendant la série des temps.

Les continents et les îles qui surgirent des profondeurs de la mer et l’Océan lui-même, avec ses golfes, les lacs et les fleuves, toutes les individualités géographiques de la Terre en leur variété infinie de nature, de phénomènes et d’aspect portent les marques du travail incessant des forces toujours à l’œuvre pour les modifier. À son tour, chacune de ces formes terrestres est devenue, dès son apparition, et continue d’être, dans tout le cours de son existence, la cause secondaire des changements qui se produisent dans la vie des êtres nés de la Terre. Une histoire, infinie par la suite des vicissitudes, s’est ainsi déroulée d’âge en âge sous l’influence des deux milieux, céleste et terrestre, pour tous les groupes d’organismes, végétaux et animaux, que font germer la mer et le sol nourricier. Quand l’homme naquit, après le cycle immense d’autres espèces, son développement se trouvait déjà projeté dans l’avenir par la forme et le relief des contrées dans lesquelles ses ancêtres animaux avaient vécu.

Vue de haut, dans ses rapports avec l’Homme, la Géographie n’est autre chose que l’Histoire dans l’espace, de même que l’Histoire est la Géographie dans le temps. Herder, parlant de la physiologie, ne nous a-t-il pas déjà dit qu’elle est l’anatomie agissante ? Ne peut-on dire également que l’Homme est la Nature prenant conscience d’elle-même ? »

 

Sur le parapet, un folâtre fou de Bassan.

 

14 octobre 2015 3 14 /10 /octobre /2015 06:00

File:La nature etaloit a nos yeux toute sa magnificence LACMA 31.21.167.jpg

 

Pluie silencieuse sur l'atelier...

 

Je tombe sur un vieux texte d'avant-guerre. Pas la dernière grande, mais l'autre :

 

« Le grand problème de l’éducation, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, se pose de la façon suivante dans toute son ampleur :

Étant donné un être humain venu au monde, développer harmonieusement, toutes ses facultés, de manière à porter au maximum son activité, dans une direction utile à lui-même et à ses semblables.

Cet énoncé indique le but vers lequel on doit toujours tendre, sans avoir la prétention de jamais l’atteindre définitivement ; il comprend le développement intégral de l’être humain, au point de vue physique, intellectuel, moral et social.

Je ne m’occuperai pas, ici, de l’éducation physique, qui mériterait à elle seule une étude détaillée. Il me suffira de dire une fois pour toutes que c’est folie de vouloir développer une intelligence robuste dans un corps débile. L’être chétif, affaibli par manque d’exercice ou par la privation que lui impose la fatalité de son état social, ne développera jamais son cerveau normalement, sauf de très rares exceptions.

Non seulement, dans l’état présent des choses, le problème, impossible à résoudre absolument, n’est pas résolu relativement ; mais à peu près partout, dans le monde soi-disant civilisé, on tourne le dos au but qu’il s’agit d’atteindre. Pour préciser, c’est surtout de la France que nous parlerons ; à peu de chose près, il en est de même dans les autres pays. »

 

On pourrait en tirer quelque chose...

 

30 septembre 2015 3 30 /09 /septembre /2015 06:00

Bois coupé dans le hangar.JPG

 

La forêt liquide au bord du lac...

 

Un après-midi méditatif les pieds dans l'herbe mouillée :

« Dans le pays de Song, à King-cheu, les arbres poussent en masse. Les tout petits sont coupés, pour en faire des cages aux singes. Les moyens sont coupés, pour faire des maisons aux hommes. Les gros sont coupés, pour faire des cercueils aux morts. Tous périssent, par la hache, avant le temps, parce qu’ils peuvent servir. S’ils étaient sans usage, ils vieilliraient à l’aise. Le traité sur les victimes déclare que les bœufs à tête blanche, les porcs au groin retroussé, les hommes atteints de fistules, ne peuvent pas être sacrifiés au Génie du Fleuve ; car, disent les aruspices, ces êtres-là sont néfastes. Les hommes transcendants pensent que c’est faste pour eux, puisque cela leur sauve la vie. »

La servitude : une question de degré ou de nature ?

16 septembre 2015 3 16 /09 /septembre /2015 06:00

Theodoor Rombouts - Joueurs de cartes.jpg

 

Impair et passe...

 

Loteries, courses hippiques, tombolas, jeux télévisés, matchs (à peine truqués) de football, pronostics météorologiques, ça n'en finit plus. La misère mondialisée est telle, la misère psychique très à l'évidence, que le premier pékin venu, blanc ou noir de peau, parie sur tout et le contraire de tout. Se faire du « fric » par tous les moyens. Beau temps sur la planète.

Pendant ce temps-là, du perron de leurs ministères, les édiles enturbannés pérorent, bougeant à peine le petit doigt, sur le  sort des « migrants » que la décence lexicale la plus élémentaire devrait appeler « exilés ». Ces chemineaux sans foyer, pour autant que leurs destins apatrides ne virent pas au naufrage, livrés la plupart du temps à eux-mêmes, n'ont pas la chance – somme toute relative à la lumière d'une lecture introspective de l'histoire –, de pouvoir disposer, comme hier leurs frères émigrés, d'un passeport Nansen.

Sur un plateau ardéchois, à l'abri, mais très informé en temps réel de ces convulsions jaillies de sombres programmes. D'Aubenas à Mende, rien qu'un ciel somptueux en surplus d'éclaircie. Tome de brebis, pain au levain du levant, vin rubis des neiges. Une chouette par ci, un aigle planant par là. Aux anges.

Dans un repli de rocaille, j'ouvre le livre :

« Au clair de la lune, près de la mer, dans les endroits isolés des campagnes, l’on voit, plongé dans d’amères réflexions, toutes les choses revêtir des formes jaunes, indécises, fantastiques. L’ombre des arbres, tantôt vite, tantôt lentement, court, vient, revient, par diverses formes, en s’aplatissant, en se collant contre la terre. Dans le temps, lorsque j’étais emporté sur les ailes de la jeunesse, cela me faisait rêver, me paraissait étrange ; maintenant, j’y suis habitué. Le vent gémit à travers les feuilles ses notes langoureuses, et le hibou chante sa grave complainte, qui fait dresser les cheveux à ceux qui l’entendent. Alors, les chiens, rendus furieux, brisent leurs chaînes, s’échappent des fermes lointaines ; ils courent dans la campagne, ça et là, en proie à la folie. Tout à coup, ils s’arrêtent, regardent de tous les côtés avec une inquiétude farouche, l’œil en feu ; et, de même que les éléphants, avant de mourir, jettent dans le désert un dernier regard au ciel, élevant désespérément leur trompe, laissant leurs oreilles inertes, de même les chiens laissent leurs oreilles inertes, élèvent la tête, gonflent le cou terrible, et se mettent à aboyer, tour à tour, soit comme un enfant qui crie de faim, soit comme un chat blessé au ventre au-dessus d’un toit, soit comme une femme qui va enfanter, soit comme un moribond atteint de la peste à l’hôpital, soit comme une jeune fille qui chante un air sublime, contre les étoiles au nord, contre les étoiles au sud, contre les étoiles à l’ouest ; contre la lune ; contre les montagnes, semblables au loin à des roches géantes, gisantes dans l’obscurité ; contre l’air froid qu’ils aspirent à pleins poumons, qui rend l’intérieur de leur narine, rouge, brûlant ; contre le silence de la nuit ; contre les chouettes, dont le vol oblique leur rase le museau, emportant un rat ou une grenouille dans le bec, nourriture vivante, douce pour les petits ; contre les lièvres, qui disparaissent en un clin d’œil ; contre le voleur, qui s’enfuit au galop de son cheval après avoir commis un crime ; contre les serpents, remuant les bruyères, qui leur font trembler la peau, grincer les dents ; contre leurs propres aboiements, qui leur font peur à eux-mêmes ; contre les crapauds, qu’ils broient d’un coup sec de mâchoire (pourquoi se sont-ils éloignés du marais ?) ; contre les arbres, dont les feuilles, mollement bercées, sont autant de mystères qu’ils ne comprennent pas, qu’ils veulent découvrir avec leurs yeux fixes, intelligents ; contre les araignées, suspendues entre leurs longues pattes, qui grimpent sur les arbres pour se sauver ; contre les corbeaux, qui n’ont pas trouvé de quoi manger pendant la journée, et qui s’en reviennent au gîte l’aile fatiguée ; contre les rochers du rivage ; contre les feux, qui paraissent aux mâts des navires invisibles ; contre le bruit sourd des vagues ; contre les grands poissons, qui, nageant, montrent leur dos noir, puis s’enfoncent dans l’abîme ; et contre l’homme qui les rend esclaves. Après quoi, ils se mettent de nouveau à courir la campagne, en sautant, de leurs pattes sanglantes par dessus les fossés, les chemins, les champs, les herbes et les pierres escarpées. »

La nature parle à la nature. Un peu d'ordre dans la confusion totale. Enfin, pour qui sait lire...

 

 

 

9 septembre 2015 3 09 /09 /septembre /2015 06:00

File:Gracian-portrait.jpg

 

 

L'envers du décor...

 

 

Prado, Madrid, Espagne.

 

L'air est doux, les feuilles rouges virevoltent au vent.

 

Galerie de portraits. De l'autre côté des Pyrénées, la singularité de la « normalitude. »

 

Balzac a poursuivi le travail : on, le lecteur attentif aux signes, voit désormais plus clair aux réseaux de la coulisse.

 

Car avant l'auteur de la Comédie humaine, un certain Balthasar avait vendu la mèche.

 

Mais comme plus personne ne lit, je vais ouvrir pour vous l'opus perforateur. Tenez, cette page où il est question de L'Homme au comble de sa perfection  :

 

« Il ne naît pas tout fait, il se perfectionne de jour en jour dans ses mœurs et dans son emploi, jusqu’à ce qu’il arrive enfin au point de la consommation. Or l’homme consommé se reconnaît à ces marques : au goût fin, au discernement, à la solidité du jugement, à la docilité de la volonté, à la circonspection des paroles et des actions.  Quelques-uns n’arrivent jamais à ce point, il leur manque toujours je ne sais quoi ; et d’autres n’y arrivent que tard. »

 

Vous n'étiez pas au courant ? Ainsi, vous l'êtes.

2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 06:00

File:Ganges Benares.jpg

 

 

Une bonne dose de pantomimes très cocasses...

 

 

Le train qui tournevire des monts séculaires, le bus, puis le train vert de rizière rempli à ras bord.

 

Senteur d'encens, fumet du mouton korma et exhalaison d'excréments.

 

Trois jaïns forment un cercle dans le compartiment.

 

Galaxie parfaite. Mantras murmurés qui œuvrent à l'imminente croissance.

 

Jouir de l'existence, en solitaire méditatif ou en compagnie de l'Indienne qui défit les peintures.

 

À deux aussi, selon l'attirance, il nous arrive de suivre les chemins ascensionnels – une science puissante s'avère nécessaire.

 

Tout est prétexte à spectacle, de jeunesse renouvelée, pour qui sait voir et entendre.

 

Tuk-tuk forcément brinquebalant – Ganesh en décalcomanie, la radio qui hurle, culte du klaxon – et une grosse heure pour m'y retrouver dans le lacis des ruelles jusqu'à la pension lustrée comme un diamant où j'ai mes habitudes. Pourtant, je la connais par cœur et avec le cœur, cette offrande multicolore tournée vers l'eau qui concentre l'humaine nature, le Gange, ses fameux ghats et ses vivaces ombrelles, ses châles indiscrets, hiver compris. 

 

Le bonheur est un point d'organisation : les éléments s'arrangent chacun à leur place, les tablas soutiennent la parcussion du jour, le soleil préconise l'étude.

 

Pose le baluchon sur le carrelage aux motifs composés et ouvre tout de suite la fenêtre. La ramure rythmique du banyan, donneuse de soins, nourrit mon souvenir. J'ouvre le livre : 

 

« Ô Banyan ! qui t’élèves comme un géant à la tête ébouriffée sur le bord de l’étang, as-tu oublié le petit enfant comme tu as oublié les oiseaux qui nichaient dans tes branches et qui t’ont quitté ?

Ne te souviens-tu pas de lui, lorsqu’assis à la fenêtre, il contemplait tes racines plongeant dans le sol et que leur enchevêtrement le faisait rêver ?

Les femmes viennent remplir leurs cruches à l’étang et ton ombre énorme et noire se tord à la surface de l’eau comme le sommeil qui se débat au moment du réveil.

Les rayons du soleil dansent sur l’eau ridée, comme des navettes menues qui tisseraient sans cesse une tapisserie d’or.

Près des bords herbeux, deux canards nagent, et l’enfant assis, pensif et immobile regarde leurs ombres dans l’eau.

Que ne donnerait-il pour être le vent et souffler à travers tes rameaux murmurants, pour être ton ombre et s’allonger sur l’eau avec le jour qui décroît, pour être un oiseau et percher sur ta plus haute branche, pour flotter comme ces canards, parmi les herbes et les ombres ! »

 

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