Signes sauvages...
J'ai toujours aimé les dictionnaires et les encyclopédies.
D'ailleurs, depuis des années, je reconstruis l'Encyclopédie à ma façon.
De passage à Londres, Charing Cross Road, je tombe sur cette déclaration du cher Émile :
« Rien ne m’avait préparé particulièrement à une entreprise de ce genre… Rien ? Et les travaux consignés dans le présent volume et ceux, plus considérables, que contient l’Histoire de la langue française ? Sans doute ; mais cela qui me qualifia amplement lors des transformations de mon premier et vague projet, y est postérieur ; et je répète en toute vérité rien ne m’avait préparé à une entreprise de ce genre. J’avais dépassé quarante ans ; la médecine grecque m’occupait entièrement, sauf quelques excursions littéraires qu’accueillaient des journaux quotidiens et des revues. Je donnais chez M. J.-B. Baillière une édition d’Hippocrate, texte grec avec la collation de tous les manuscrits que je pus me procurer, notes et commentaires ; édition dont le premier volume me valut le suffrage de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et dont le dixième et dernier ne parut qu’en l’année 1860. C’était bien assez de besogne. La Fontaine dit de son homme déjà pourvu d’un gibier suffisant :
Tout modeste chasseur en eût été content.
Son chasseur n’était pas modeste, et le fabuliste ajoute aussitôt :
Mais quoi ! rien ne remplit
Les vastes appétits d’un faiseur de conquêtes.
Entendons-nous pourtant sur mes vastes appétits. Je suis de ces esprits inquiets ou charmés qui voudraient parcourir les champs divers du savoir et obtenir, suivant la belle expression de Molière, des clartés de tout... »
Les champs sensibles et multiformes du savoir...