3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 06:00

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Y'en a qui tiennent le haut du pavé, moi je tiens le bas du fossé...

 

 

L'observation - focale - d'une image sainte peut vous amener à la sérénité parfaite.

 

Je vais vous faire un aveu : rien ne me plonge autant en une douce léthargie que le spectacle sans heurt d'un balayeur qui passe et repasse son instrument magique dans l'espoir de bien récurer le sol poussiéreux d'une voie.

 

Quand je suis fatigué - c'est le cas ces jours-ci, puisque tout le monde parle et que plus personne n'écoute -, je connais tel passage à Venise, telle avenue de New York, Moscou ou Buenos-Aires, telle rue de Delhi où je peux m'hypnotiser à loisir. Car il s'agit de cela, un changement d'état mental que je m'administre de façon naturelle, c'est stupéfiant de facilité, qui s'apparente, quant au résultat, à certaines formes de jouissance fétichiste. Il faudra que je pose la question à un ami analyste et à un autre ami neurobiologiste. Je tiens que ma petite manie remonte à l'enfance : place nette, un ordre s'installe, une nouvelle couche de poussière arrive, et le cycle repart. Pas besoin d'insister, on aura compris.

 

Je sais pertinemment qu'aucun balai ne viendra jamais à bout de la poussière. Remarquez que je ne pointe pas la saleté. Serait-ce mon vocabulaire ? Non. Dans l'atelier, je passe mon fidèle balai indien, branches de genêt solidement nouées, une fois l'an. Pas davantage. Aquoibonisme de bon aloi.

 

Souvenir : à Jodhpur, or sur bleu, les tas d'ordures que les street sweepers emportaient, inlassablement et sans se plaindre, d'une extrémité de la rue à l'autre. Ils ne font que déplacer le problème, se serait gaussé plus d'un Occidental. C'est vain de le leur dire, bien sûr - ces balayeurs, des femmes en grand nombre et, j'ajoute, opprimées, estiment qu'ainsi leur karma d'intouchables n'est pas offusqué.

 

Dans les archives du temps, cette photographie d'Amérique que je trouve saisissante où l'on voit deux convicts, des prisonniers de droit commun, plutôt dignes, l'un Noir, l'autre Blanc. Selon le point de vue que vous choisissez, ces hommes donnent l'impression soit de tenir le photographe en respect, soit de défier l'objectif, tous les objectifs. Des objecteurs de conscience ? Qui sait ? Ils sont enchaînés à la même tâche, des fois que les boulets se changeraient en décorations de Noël et que les balais se mettraient à voler vers le large...

 

Imaginons à présent une autre scène.

 

Ah ! Celle-ci me plaît beaucoup : matin de Chine sur la place Tian'anmen, une poignée de moineaux saufs, et ce balayeur à sa joie. Un silence de paix céleste.

 

Mon opium - sans illusion d'optique.

16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 06:00

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She starts up slowly, unwillingly. Scottie follows behind her, fighting to keep the impending vertigo under control,

trying to keep his eyes fixed on her back to avoid looking up into space...

 

 

Tout avait commencé par une visite de la Mission Dolores un matin de printemps. Quelque chose de frais et hors d'âge naissait des arbres, si verts, des pelouses lisses et des statues belles comme des jonquilles dans le petit cimetière.

 

J'étais arrivé par le Nord, une fois de plus. En faisant le tour de la chapelle, après avoir garé la voiture sous un coast live oak, un chêne indigène du pays des géants, des psaumes m'ont accueilli. Je suis resté là un bon moment à écouter la musique céleste avant de redescendre de mon nuage et me dire qu'il faudrait marcher vers l'embarcadero et le quartier chinois.

 

Envie immédiate de flâner sur Colombus Avenue. J'ai tourné à gauche - dans ma tête, l'expression on the right and on the left side of the road -, et salué une ou deux connaissances autour d'un café à la librairie des lumières de la ville, City Lights Bookstore. L'endroit tient le coup, c'est sûr, San Francisco aussi, et s'est même offert un ravalement new age.

 

Les posters qui, vers 1969, sur les murs du premier étage, donnaient à voir les portraits, exaltés ou fatigués, d'Allen Ginsberg, de Jack Kerouac et de tant d'autres drifters ont disparu. Odeur de peinture neuve sur un monde ancien. S'adapter, s'acclimater, this is the new slogan. Lawrence Ferlinghetti répond toutefois présent : des lectures de textes en nocturne majeur, son activisme social, yes, Shakespeare & Co in Paris, ah, the good days, des Japonais et des Argentins veulent maintenant renifler le sanctuaire. Bye-bye, see you next !

 

Il fait chaud. Il fait bon. Marcher encore et encore on the sunny side of the street

 

Dans un de ces restaurants asiatiques, suis ensuite allé manger un chaudron de la mer bien fumant, bien épicé, tous les poissons de la création dans mon bol. Une des serveuses, fille sans doute de la patronne, assise près de la fenêtre, les yeux rivés sur ses cours de business economics. Contraste entre la finesse de son visage et la grossièreté de son évangile modern times posé parfaitement à plat sur la table.

 

Saveurs, savoir. Qu'ai-je appris dans le cours - tumultueux - de mon existence ? J'ai beaucoup vu, beaucoup entendu, énormément vécu.

 

Plus loin, sur Haight-Ashbury, j'ai croisé quelqu'un qui avait mes contours. C'est impossible, n'est-ce pas ? Mon fantôme ?

 

Me voici de retour dans le jardin de la Mission. Présence allégorique. Était-ce tout à l'heure ? Déjà ? Le poète-libraire défend les bons livres, le réalisateur de films, anglais catholique, prend le parti d'un individu innocent dans un monde de coupables et sur le vitrail de la chapelle San Francisco montre un visage heureux.

 

Tableaux d'oblats.

 

Montrer un peu de beauté et indiquer le sens d'une cohérence terrestre : il y a pire destin, non ?

 

 

 

 
9 septembre 2012 7 09 /09 /septembre /2012 06:00

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L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux...

 

 

Quand, au milieu des années 1980, les trains à grande vitesse ont permis de relier, d'une traite, les points cardinaux des nations, puis des continents, je me suis dit que c'était sans doute très bien pour les gens pressés mais que pour ceux qui l'étaient nettement moins, c'était le début de la fin...Très difficile de lire à bord de ces fusées sur roues. Manque d'air. Manque de place. Manque majuscule. Avons-nous vraiment gagné ?

 

Je voyage beaucoup à travers le monde grâce au train, moyen de transport pour moi idéal. Je ne m'étendrai pas sur la "poésie du rail" : il s'en trouve des kilomètres dans n'importe quel manuel de littérature pour les classes des premier et second degrés. Je ne citerai pas davantage, pour faire chic, ce roman plutôt réussi de Maurice Dekobra, grand reporter, La Madone des sleepings, vous savez, celui qui a aussi écrit Macao, enfer du jeu. Non, je préfère penser à telle ou telle machine en particulier, telle ou telle ligne, tel ou tel paysage de l'esprit que le trajet a pu faire naître progressivement chez moi.

 

Invité ce matin à une causerie dans les locaux spacieux de l'université de la belle ville d'Aix-en-Provence, comme s'il pouvait y avoir d'autres Aix ailleurs, il me faut emprunter à nouveau un de ces fameux super express au départ de la gare de Lyon à Paris. Le propre des individus qui pensent et que l'on appelle intellectuels est de ne pas être à un paradoxe près. L'omnibus d'hier et encore d'aujourd'hui, notamment en milieu rural, peut être vite lassant, j'en conviens. Mais je ne néglige rien de ce qui fait le charme des haltes interminables dans la fière campagne de France ou d'Angleterre.

 

Une fois la gare quittée, je reconnais instantanément, dans le sens descendant comme ascendant, chaque portion de la voie, chaque jeu de signal, chaque nuance du ballast : ici la gare de triage de Villeneuve-Saint-Georges, le gravissement du bassin parisien, la plaine jusqu'à Auxerre, les collines du Mâconnais, là le couloir rhodanien, les Cévennes à gauche, les Alpes à droite, l'ancienne route nationale 7, et le mistral que je devine soufflant fort sur les vergers à l'approche d'Avignon.

 

Jeune, j'avais une prédilection pour la Flèche d'or, splendide locomotive à vapeur, qui, jusqu'au début des années 1970, dans un raffinement de bon aloi, m'emportait de la gare du Nord vers la divine Albion. Et je revois tous ces trains, tous ces compartiments qui ont gardé la preuve de ma présence passagère : le Paris-Venise, le shinkansen Tokyo-Osaka, l'InterCity Londres-Édimbourg, le Petersbourg-Moscou, le Washington-Boston, et tant d'autres encore, prestigieux ou ordinaires.

 

Je pourrais me les énumérer tous, raconter, au passage, les moments de cocasserie chaleureuse dans le Транссиб, l'inénarrable Transsibérien, ou dans le train coloré de la Sierra, Lima-Huancayo. Je garde plutôt le souvenir particulier, arrivant à présent à Marseille, de trois trains qui me sont chers pour une foultitude de raisons : le train de la Côte Bleue, estaque, ce mot du Sud, la ligne Inverness-Kyle of Lochalsh, brume, brume, ciels changeants, et le Toy Train des grands enfants qui va de New Jalpaiguri, bourgade surnommée "le trou du cul du monde" par les vrais routards, à Darjeeling, face à l'Himalaya.

 

Demain, faisant le chemin inverse, je m'offrirai, c'est juré, le petit luxe d'une heure au Train bleu, le célèbre restaurant de la gare de Lyon, et, devant un flacon de Graves, j'accomplirai, une fois n'est pas coutume, un inoubliable voyage ferroviaire immobile.

 

 

 

5 août 2012 7 05 /08 /août /2012 06:00

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Altiplano, Altiplano...

 

 

Au Café Mirador (si, si, je n'invente rien...), sur les hauteurs de la ville, un peu de calme et de soleil avant de me replonger dans les beautés de Sucre, la belle baroque.

 

Dans le sac, ce texte au-delà des mers, offert par un ami :

 

Los tres caballos, que me acosaban en el sueño, saltaron de las nubes y cayeron en la pradera, cerca de un lago en cuyas aguas se reflejaba la luna. Los miré a lo lejos, pero al verlos venir a mi encuentro, me eché a correr atravesando montes, ríos y quebradas, hasta que de pronto me escabullí en un huerto de árboles frutales.


Caminé escuchando el retumbar de los cascos. Atravesé un arco iris y aparecí ante una inmensa llanura. En el horizonte se hundía el sol con su rosado resplandor, mientras una bandada de pájaros se dispersaba en el cielo.

Aunque estaba en otro tiempo y lugar, seguía corriendo como empujado por el viento. Di un traspié y caí en redondo. Me levanté de un brinco y seguí corriendo sin volver la mirada.


Los caballos avanzaban al galope. Ninguno llevaba jinete, salvo un cuerno en la frente. Parecían caballos domados, pero no tenían amos. Lucían alas en las patas y en el lomo; eran blancos, fuertes y briosos.


Aunque los tenía cerca, muy cerca, seguía apretando el paso, mientras mis energías se me iban por las piernas. No pensaba sino en ganar distancia. Mas como mis piernas no respondían al ritmo impuesto por mi instinto de sobrevivencia, me dejé caer rendido.


Los caballos me cruzaron. Se detuvieron en seco. Se alzaron sobre sus patas traseras y relincharon lanzando llamas como dragones alados. Los miré desde abajo, lleno de pasmo y espanto. Ellos se acercaron al trote, haciendo crujir los dientes y dando coces en el aire. Me bañaron con una lluvia de babas, mientras me hablaban en un idioma desconocido, con inflexiones de dialectos pretéritos.


—¿Qué quieren? —les dije.


Los caballos se levantaron sobre sus patas traseras, aletearon el colmo de la velocidad y se elevaron al cielo, las alas desplegadas y las crines tendidas al viento.


Al despertar, escuché desplomarse la puerta en medio de una polvareda que se disipó en el ámbito. Mi madre entró en el cuarto, me lanzó una mirada furtiva y dijo :


—¿Dónde están los caballos? 


Me restregué los ojos y limpié el sudor de mi frente.


—¿Qué caballos? —pregunté.

—Los caballos que te perseguían en el sueño —contestó.

 

 

Cette histoire en vaut bien une autre...

 

 

(Victor Montoya, Los caballos, Microzoologias, 2010)

 

 

 

1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 06:00

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À l'Inde, il faut un peu se donner pour ne pas risquer de glisser en elle sans la saisir...

 

 

Bleu océan sur le front de mer.

 

Logé chez des amis dans ce quartier de la petite France où j'ai mes habitudes, à deux pas de la rue Romain-Rolland, entre les rues, je devrais dire les venelles, Dumas et Suffren, je me lève juste avant l'animation du jour pour flânocher au milieu des chats qui s'étirent sur les toits encore chauds des belles demeures ancestrales de Pondy.

 

Si j'aime infiniment Cochin et Goa, cités par excellence du métissage, une cure de Pondichéry me remet d'aplomb. Les villes indiennes, ce n'est un secret pour personne, sont, en général, bruyantes. Mais ici, le tintamarre, comme à l'écart de lui-même par inspiration divine, se met aussitôt à votre diapason. Question d'oreille.

 

Ce matin miniature, aucun être humain en vue. Sur le pavé inégal, je flotte, je crois, aussi soyeusement que les félins parmi les couleurs déjà odorantes d'œillet, de jasmin, de rose - rosa indica - de plumbago, de crossandra, de bougainvillée. La rose, oui, dont je m'approche et que je ne cueille pas : elle vivra son destin.

 

Karma fondu en nirvāṇa.

 

Une centaine de mètres dans l'air neuf et j'ai la sensation d'avoir franchi une distance épique. La veille, j'ai assisté à un spectacle de kathakali par une troupe de comédiens ambulants originaires de Trivandrum. Le ramdam était sur la scène. L'histoire se joue encore de moi, c'est évident. Pourquoi aller plus loin ? Tout est là. Tout est dit. Assis en tailleur sur la chaussée, je carpédiémise.

 

तत् त्वम् असि or तत्त्वमसि. Tat tvam asi. Tu es cette fleur.

 

Préparant mon bagage dans l'autre grande ville, j'avais, cette fois, un peu hésité quant au choix d'un livre-compagnon. Était-ce la couverture dont la teinte ocre profond m'est si étrangement familière ? Toujours est-il que l'ouvrage, codex geographicus, apparaît à l'instant hors de mon sac et qu'à voix haute j'en lis des passages au gré des pages. Dans la meilleure tradition orale.

 

Pollen de mantras. En voici quelques-uns, remarquables :

 

L'Hyphase porte sur ses rives des arbres à peu près pareils à ceux des bords de l'Ister et il en coule un parfum dont les Indiens font un onguent nuptial. Les poissons qu'on appelle paons, ce fleur est le seul à s'en nourrir ; on leur a donné le même nom qu'à l'oiseau parce qu'ils ont une crête d'un bleu sombre et des écailles qui se soulèvent et une queue dorée qu'ils remuent à volonté.

 

Le lever du soleil, dans les régions situées au-delà de la Ptolémaïde, se produit, dit-on, d'une façon particulière et étrange. D'abord, il n'y a pas, comme chez nous, cette lumière que nous voyons dès l'aurore pendant un temps assez long avant de voir le soleil se lever ; alors que règne l'obscurité de la nuit, le soleil éclate tout d'un coup, et il ne fait jamais jour là-bas avant que le soleil ne soit visible.

 

Il dit que l'Indus, à la partie la plus étroite de son cours, a quarante stades de largeur et, à la partie la plus large, deux cents. Des Indiens eux-mêmes, il dit qu'ils sont, ou peu s'en faut, les plus nombreux de tous les hommes. Il signale le ver du fleuve, le seul animal qui vive dans ses eaux. Il n'y a pas d'habitat humain au-delà du pays des Indiens.

 

Et celui-ci, pour moi, parfaite synthèse métaphysique très physique :

 

Il dit qu'il ne pleut pas aux Indes, mais que le fleuve irrigue le pays.

 

Repos, à présent, de la parole sur la voie.

 

Puducherry cosmopolite : cerise sur le gâteau, outre le français et l'anglais, on y parle le tamoul et le tĕlugu.

 

Je m'y sens bien. Seri seri.

 

 

(Michel Photios, Les Codices du merveilleux, traduit du grec par René Henry, Anarchasis Éditions, 2002)

 

 

 

27 juin 2012 3 27 /06 /juin /2012 06:00

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Je regrette les temps où la sève du monde,

L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts

Dans les veines de Pan mettaient un univers !

 

 

Ce jardin du Kent : l'été n'est pas totalement advenu.

 

Mais il va venir, je le sais.

 

Flocons de nuages sur les vergers.

 

L'air a des couleurs fraîches.

 

J'ai sept ans. J'ai toujours eu sept ans.

 

Assis sur l'herbe de la pelouse, je suis chez moi dans les pages de cette encyclopédie échappée de la grande ville toute proche.

 

Pendant la guerre, le Spitfire et le Mosquito rivalisaient d'adresse pour chasser du ciel le bourdon vert-de-gris.

 

Et la belle campagne anglaise reprenait alors espoir.

 

Mais il n'y a plus de guerre, n'est-ce pas ?

 

Ces roches, ces fleurs et tous ces petits animaux qui montent aujourd'hui de l'azur en papier, je veux les garder à jamais.

 

Par cœur et avec le cœur, je veux retenir leurs noms.

 

Un nom est un monde.

 

Mon être a besoin de catalogues, de listes, d'énumérations, d'archives, d'index. 

 

À la recherche du beau toujours gagné.

 

Oui, c'est ça, catalogue : qu'en une phrase, le vivant parle de lui-même.


 

Le lis de Malabar.

 

L'effraie des clochers.

 

Le cèpe de Bordeaux.

 

Le tigre de Sumatra.

 

L'astrée hygrométrique.

 

Le lézard à collerette.

 

L'ammonite.

 

Le martin-pêcheur.

 

L'inséparable masqué.

 

Le diaspore.

 

La jarlite.

 

Le borax.

 

La clinoclase.

 

Le porphyre.

 

Le granite.

 

La fougère parapluie.

 

Le muscadier de Californie.

 

Le désespoir des singes.

 

La pruche de l'ouest.

 

Le nénuphar blanc.

 

Le cannelier de Ceylan.

 

Le taro.

 

La plante des sourds-muets.

 

Les sérapias petite langue.

 

Le curcuma.

 

Le balisier des Caraïbes.

 

La cardamome.

 

La bourse-à-pasteur.

 

La queue-de-renard.

 

Le renard roux.

 

Le polypore du pin.

 

Le scarabée funèbre.

 

Le méloé printanier.

 

Le bombyx du mûrier.

 

La grande naïade.

 

L'aurore.

 

Le petit sylvain.

 

La proserpine.

 

Le flambé.

 

Le grand bénitier gaufré.

 

Le pied-de-pélican.

 

La danseuse espagnole.

 

L'escargot des bois.

 

La chimère-éléphant.

 

La murène bijou.

 

La hache d'argent.

 

La lanterne ponctuée.

 

L'omble chevalier.

 

Le grenadier.

 

L'ouette de l'Orénoque.

 

Le cygne trompette.

 

La fuligule morillon.

 

Le fulmar boréal.

 

le plongeon arctique.

 

Le palmiste africain.

 

L'autour des palombes.

 

La mouette de Sabine.

 

La colombine wonga.

 

Le petit duc des montagnes.

 

La ninoxe Boubouk.

 

Le rollier à longs brins.

 

L'indicateur gris.

 

Le cabézon toucan.

 

La grive musicienne.

 

Le péramèle obèse.

 

Le bandicoot épineux.

 

Le lièvre variable.

 

Le saki moine.

 

Le capucin pleureur.

 

Le tamarin aux mains rousses.

 

Le chien viverrin.

 

L'ours à lunettes.

 

Le chat des sables.

 

Le jaguarondi.

 

Le rhinocéros noir.

 

L'onagre.

 

Le sanglier à barbe.

 

Le wapiti.

 

L'orignal.

 

le caribou.

 

L'éléphant de savane.

 

Le narval.

 

Le rorqual bleu.

 

La baleine franche.

 

Et l'arbre du voyageur.

 

 


L'arbre pour le voyageur. Le spécimen solaire au jardin botanique de Pondichéry. Tu te souviens ?

 

Oui, oui.

 

Je me souviens aussi de ce figuier des banians, la placette, Goa.

 

Ses racines, antennes flottantes à l'écoute du monde entier.

 

 

 

(The Natural History Book, Dorking Kindersley Limited, London, 2010 / Histoire naturelle, Flammarion, Paris, 2011)

13 juin 2012 3 13 /06 /juin /2012 06:00

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What am I doing here ?

 

 

Un jour bleu pour faire une promenade dans la belle forêt de La Garde-Freinet.

 

Arrivé hier, tranquillement, par l'autocar de la ligne régionale et régulière. Les autres passagers, des Allemands et des Néerlandais pour la plupart, ont continué jusqu'au sable, jusqu'aux rochers, jusqu'à Saint-Tropez.

 

La maison prêtée par les amis se trouve juste à l'écart de la rue principale. Je suis me suis arrêté devant la fontaine : un peu de sa fraîcheur pour mon visage. Un chat de la campagne m'attendait sur le seuil. J'ai salué le maître de la discrète bastide : Bonjour chat !

 

Sur la table de l'immense cuisine ombragée, du vin rouge des coteaux varois et du rosé de Provence jouaient de leurs robes en guise d'invite. Un mot glissé sous l'une des bouteilles spécifiait que je devais manger toute l'épaule d'agneau déposée à mon intention sur un plat en grès dans le réfrigérateur. Le mot contenait aussi plein d'autres détails qui pouvaient s'avérer utiles pendant mon séjour. Que des fromages de brebis, par exemple, patientaient dans le cellier, à gauche en sortant, et ne demanderaient qu'à être croqués. J'ai lu avec reconnaissance toutes ses précisions. Fiables sans être trop techniques. Agréables sans devenir envahissantes.

 

J'ai fait dormir mon corps sur un lit de coton qui sentait la vraie lavande. Par la fenêtre de la chambre, le balancement, très doux, des branches du figuier.

 

Je note ces premières heures ce matin tout en réfléchissant à ce que je vais emporter pour ma balade.

 

C'est simple : dans le havresac, je glisse du pain, des noisettes, une pomme et des abricots moelleux. De l'eau et une flasque de whisky au cas où. Un carnet, un crayon norvégien et mon exemplaire déjà bien usé de Toute la nature méditerranéenne. En route !

 

D'un relief idéal, je peux voir le village devenu au fil des ans un gros bourg. Marché à l'indienne pendant deux heures dans les broussailles avec par endroits des restes de cabanons, puis traversé une parcelle de maquis bouillonnant de parfums intenses pour arriver au milieu des chênes-lièges qui ont résisté aux sempiternels et stupides incendies estivaux. Pendant un moment, j'ai suivi un tracé ancestral vers la Croix des Maures parmi les pins qui crépitaient étrangement à chacun de mes pas. Mais comme je n'aime pas suivre, j'ai suivi mon propre chemin.

 

À présent, j'ai presque toutes les constructions du Diable et du Bon Dieu dans mon champ visuel. Malgré l'exode rural, La Garde-Freinet était encore un authentique village jusqu'à la fin des années 1960. Depuis, comme partout, les promoteurs immobiliers s'en sont donné à cœur joie. Et la pierre a reculé devant le béton. Je me console, car je sais que dans le vallon un couple ami a vécu là autrefois. L'homme et la femme y étaient heureux.

 

Soudain, un gros bruit de moteur percute mon dos. De la sente en contrebas, à peine suffisant pour le passage de deux ânes et d'un mulet, monte ou plutôt tente de monter lourdement un massif 4x4 noir aux vitres fumées. Le pilote -ou la pilotesse, comment savoir ?-, s'échine à passer la première vitesse, puis la seconde avant d'engager à nouveau la première. La poudre limoneuse du raidillon fait patiner l'embrayage du cafard gravissant. La bête de métal éructe, pète et rote...Qu'est-ce que cette débilité vient faire ici ? Ça beau être un soi-disant summum de technologie, le cafard vitreux n'arrive décidément plus à avancer. Bien fait !

 

- Pouvez pas me donner un coup de main ?

 

Côté conducteur, une tête d'homme d'âge intermédiaire, cramoisie et flasque, surgit. Voix autoritaire, œil menaçant. Rap à donf qui jaillit des entrailles synthétiques et grigris en toc ficelés au rétroviseur. J'aide toujours mon prochain. Mais là...

 

- Vous plaisantez ! 

 

- Non, mais, quoi ! Ta gueule ! J'fé c'k'j'veux ! Et le gars d'appuyer encore plus fort sur la pédale d'accélérateur.

 

Grossier et dangereux, ce primitif. Endroit désert. Rien que nous deux. L'équation infernale. Défilent dans ma tête les plus violentes scènes de Mad Max.

 

Ce qui devait arriver...arrive : le ventre du cafard explose, littéralement, sous mon nez. Ça sent très mauvais. Un mélange d'huile chaude, de vapeurs d'essence, de caoutchouc cramé spirale dans l'air déjà saturé.

 

Les jurons fusent...L'australopithèque sort du monstre et glisse de la station verticale à la reptation horizontale. Chassez le naturel...Le baveux bébé braillard se met à quatre pattes pour essayer de piger ce qui se trame sous la carapace. Je laisse ce bachi-bouzouk à son hochet des temps modernes et grimpe d'un pas dégagé vers le sommet de la colline. Instinct de survie.

 

Il s'en est fallu de peu. J'ai frisé la folie ordinaire. Une fois de plus. Au moins à cette hauteur, en compagnie des lézards, des cistes et du whisky, j'ai la paix. Je me dis que ce que je viens de vivre mérite un petit examen onto-paléologique. Il doit bien y avoir un livre qui traite de l'évolution de l'humanité dans la bibliothèque de mes amis. Il faut que je vérifie certains points. Oui, c'est ça, je vais le trouver, cet opus certum, et il m'instruira tandis qu'à califourchon sur la plus gracile branche du figuier, fromages et vins feront mon régal !


 

 

 

(Paul Sterry, Toute la nature méditerranéenne, collection Le Guide du naturaliste, Delachaux et Niestlé, 2001 / Serge Rezvani, Divagation sentimentale dans les Maures, photographies de Hans Silvester, Hachette, 1979)

25 mars 2012 7 25 /03 /mars /2012 06:00

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Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée...

 

 

Empreintes du printemps.

 

La route bien claire par les vallons.

 

Une escapade du côté du vivant.

 

Joyeux trilles et de drôles de drilles.

 

Saint-Valery sans accent mais avec beaucoup de talents.

 

Une conversation, un café, une décision.

 

Un  fantôme sans relief, cette vieille lune d'Anatole.

 

André t'en a lancé, des banderilles.

 

Une puissance qui jamais ne s'endort, le grand Victor.

 

Allez, cheval au front dégagé : hue ! Go !

 

Tous deux ont, paraît-il, respiré l'air de ce large.

 

Même lieu, inspirations diverses.

 

 

 

Longtemps marché dans ce monde vertical.

 

Au bout des terres, il y a encore un peu de terre.

 

Sur la gauche, au milieu des marais, un fanal rouge, bancal.

 

Une marque en terre.

 

Des sarcelles et des avocettes.

 

Danseuses contre l'inertie.

 

Le ciel, très haut, le sable mouillé, en miettes.

 

 

Une idée d'ordre, somme toute - fragile et singulier.

 

 

 

 
11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 07:00

800px-Venice - Ponte del Paradiso

 

Chaque baiser est un tremblement de terre... 

 

À la table d'écriture devant la fenêtre qui donne sur le canal.

 

Le jour se lève. Voici le printemps et ses plaisirs furtifs.

 

De la maison juste en face dont une fenêtre est aussi ouverte monte cet air tout nostalgique cent fois entendu :

 

         Via, via,

               vieni via di qui,

               niente più ti lega

               a questi luoghi,

               neanche questi fiori azzurri.

 

               Via, via,

               neanche questo tempo grigio,

               pieno di musiche,

               e di uomini che ti son piaciuti.

                          

               It's wonderful, it's wonderful,

               it's wonderful,

               good luck my babe, it's wonderful,

               it's wonderful, it's wonderful,

               I dream of you…

 

               Chips, chips, da did da di du, chi bum chi bum bum,

               da di du di du, chi bum chi bum bum,

               da di du di du.

                                             

                Via, via, vieni via con me,

                entra in questo amore buio,

                non perderti per niente al mondo,

                via, via, non perderti

                per niente al mondo

                lo spettacolo d'arte varia,

                di uno innamorato di te.              

 

                It's wonderful, it's wonderful,

                it's wonderful,

                good luck my babe, it's wonderful,

                it's wonderful, it's wonderful,

                I dream of you,

 

                chips, chips, chips, da did da di du, chi bum chi bum bum,

                da di du di du chi bum chi bum bum,

                da di du di du. 

 

                Via, via, vieni via con me,

                entra in questo amore buio,

                pieno di uomini.

                Via, via, entra e fatti un bagno caldo,

                c'è un accappatoio azzurro,

                fuori piove un mondo freddo. 

 

                It's wonderful, it's wonderful,

                it's wonderful,

                good luck my babe, it's wonderful,

                it's wonderful, it's wonderful,

                I dream of you,

                

                chips, chips, chips, da did da di du, chi bum chi bum bum,

                da di du di du, chi bum chi bum bum,

                da di du di du.  

 

 

Traversons le pont du paradis !

 

Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets, les violons vibrant derrière les collines, avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets : oui, oui, encore !

 

Enivrons-nous de tableaux et de musique !

 

Viens avec moi dans la ville liquide...

 

 

 

29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 07:00

 

404px-Cathedrale Nevski Paris-

 

Quel beau métier que d'être un homme sur la terre...

 

Je venais de passer plusieurs jours à relire les nouvelles d'Anton Tchekhov, des textes, parfois très courts, énergiques sur un pied, mélancoliques sur l'autre, d'un humour souvent corrosif, ainsi que la biographie sensible que Sophie Lafitte a consacrée à celui qui fut aussi un médecin des pauvres. L'envie, pour moi saugrenue, m'a alors pris d'aller me promener sur l'autre versant de la grande ville. Ce n'est pas ordinaire, lorsque je séjourne à Paris, que je traverse le fleuve pour aller de l'autre côté. Rive droite ? Rive gauche ? Je demeure, intégralement, le flâneur du même bord : au Sud, toute ! Le Quartier latin dans le compas du regard, toujours ! De dérives en dérives, I am the moujik sudiste de Paname !

 

Des siècles que je n'avais pas remis les pieds dans cette plaine de la place des Ternes. Quel nom ! Quel quartier sinistre ! Quel ennui épais dès la tombée de la lumière ! J'ai l'impression que c'est l'hiver perpétuel. Une Taganrog-sur-Seine, sourde et endormie. Il me revient, toutefois, que, dans mon enfance -la préhistoire vue d'aujourd'hui pour tout dire-, à l'entrée de la bouche du métro, seul égaiement, une fleuriste d'un âge intermédiaire faisait partie de ce théâtre d'éternité : des branches de lilas, des géraniums, des dahlias, rarement des roses, ornaient son léger étal ambulant. Qu'est-elle devenue, si le verbe devenir peut avoir un sens dans ce cas précis ?

 

Je suis, je le sais, à l'approche d'un monde crépusculaire. On quitte le boulevard haussmannien et on se retrouve en petite Russie. J'oblique à gauche dans la rue Daru et la cathédrale orthodoxe Saint-Alexandre-Nevski affiche son front majestueux dans ma direction. Puissance, or et bleu, d'aimantation. душа, душа...Doucha, l'âme des choses, le souvenir...

 

Autrefois, des parents qui avaient, et je les comprends tout en les approuvant, rompu bien des amarres me montraient, quand même, malgré tout, c'est une partie de l'histoire, que veux-tu, c'est comme ça, les prie-Dieu du premier rang aux noms des ancêtres. Dans mon oreille, je croyais qu'il s'agissait des en-sept, une variété slave du jeu des 7 familles.  Mais il y avait belle lurette que plus aucun membre de ce cercle antédiluvien ne venait dans ce lieu béni pratiquer ses dévotions. Que faire ? Laïcs et démocrates, nous sommes devenus, et fiancés de la République : à partir de là, le reste appartient à la maille des légendes que se sont racontées les trains innombrables d'exilés de tous poils à partir de 1905 -ces loqueteux, casse-cou, peigne-cul, fiers-à-bras, mais aussi hobereaux idéalistes ou autres Crésus de la taïga-, blancs et noirs, n'en finissant plus d'écluser, la larme à l'œil, des litres trop pleins de vodka. L'eau-de-feu qui rapproche, éloigne. Le monde est beau. Une seule chose est mauvaise : nous. Ce vieux monde-là, terminado ! Bienvenue dans le nouveau. Sic.

 

J'allume un cierge. Could be useful, at times. Odeurs d'encens dans les ténèbres. Des chaises à la place des prie-Dieu. Sur le mur, des notices en cyrillique. Des éphémérides aussi, des croix au crayon sur certains jours. Et des croix de bois ciré au-dessus. En sortant, je veux me persuader que les ombres de Picasso et d'Olga Khokhlova, sa première femme, rôdent encore derrière moi dans la nef. On n'a pas demandé à Pablo de laisser un petit croquis dans un coin ? Vraiment ? 

 

À la Ville de Petrograd, de l'autre côté de la rue, pas de Novo Russki. Au moins ça de gagné. Je m'offre un thé brûlant et une vatrouchka. L'alcool, ce sera pour plus tard en compagnie des fantômes. Dans le saint des saints, autre refuge après l'office, je tire de ma poche, oсторожно !, sacrilège ?, cette nouvelle d'Anton et me lis mentalement le début à voix haute :

 

Dans la cour de l’hôpital, perdue dans une véritable forêt de bardanes, d’orties et de chanvre sauvage, s’élève une petite annexe. Le toit en est rouillé, la cheminée à demi écroulée, l’herbe pousse sur les degrés pourris de l’entrée, et des crépissages il ne reste que des vestiges. La façade principale regarde l’hôpital, celle de derrière est tournée vers les champs, dont la sépare, grise et garnie de clous, la barrière de l’hôpital. Ces clous, aux pointes effilées, la barrière et l’annexe elle-même ont cet aspect spécial, triste et rébarbatif que l’on ne voit chez nous qu’aux hôpitaux et aux prisons.

 

Si vous ne craignez pas de vous piquer aux orties, prenez le petit sentier qui conduit à l’annexe et nous jetterons un coup d’œil à l’intérieur. Voici ouverte la première porte ; entrons dans le vestibule. Le long des murs et près du poêle sont entassées de véritables montagnes de vieilles hardes d’hôpital. Des matelas, de vieilles capotes en lambeaux, des pantalons, des chemises à raies bleues, des chaussures usées et ne pouvant servir à qui que ce soit, toute cette friperie amoncelée, chiffonnée, pêle-mêle, pourrit et exhale une odeur suffocante.

 

Sur le tas de hardes est toujours couché, la pipe aux dents, le gardien Nikita, vieux soldat en retraite, aux chevrons fanés. Il a la face dure d’un vieil ivrogne, des sourcils pendants qui lui donnent une expression de chien de la steppe, et le nez rouge. Il est de petite taille, d’aspect maigre et décharné, mais son maintien impose et ses poings sont robustes. Il appartient à cette catégorie d’hommes d’exécution, simples, positifs et bornés, qui aiment l’ordre par-dessus toute chose et sont convaincus qu’il faut cogner. Nikita cogne en pleine poitrine, au visage, au dos, où cela tombe, et assure que sans cela rien ne marcherait à l’annexe.

 

Un peu plus loin, vous entrez dans une vaste pièce qui, défalcation faite du vestibule, occupe à elle seule toute l’annexe. Les murs y sont recouverts d’un enduit bleu sale ; le plafond est enfumé comme celui d’une isba sans cheminée ; il est manifeste que les poêles y fument l’hiver et que l’on n’y respire que vapeur de charbon. Des grilles de fer offusquent les fenêtres ; le plancher est gris et mal raboté. Il traîne une odeur de choux aigres, de mèche fumeuse, de punaises et d’ammoniaque, et l’on croirait entrer dans une ménagerie.

 

Sur des lits, vissés au plancher, des gens sont assis ou couchés, en capotes bleues et en bonnets de nuit, à l’ancienne mode. Ce sont des fous.

 

La ménagère aux tresses blondes ne me dit rien. Il faut que je quitte ce confort de laque pour affronter l'hostilité des frimas et je repars, projectile dans le vent impitoyable de l'Histoire, emporté par ma propre folie russe. 

 

 

(Anton Tchekhov, Nouvelles, traduit du russe par Vladimir Volkoff, Le Livre de Poche, 1993 / Sophie Lafitte, Tchekhov par lui-même, Seuil, 1963 / Ivan Tourguéniev, Pères et fils, Folio Classique, 2008 / Maxime Gorki, Enfance, Folio Classique, 2004)