« On n'éclaire pas sans brûler. »
Un colosse fragile dont la course effrénée à la vie s'achève dans une chute sans filet sous le soleil d'Antibes en 1955.
Mon père avait un peu connu ce Staël von Holstein (blason d'argent à huit tourteaux de gueules posés en orle : la palette prémonitoire du futur peintre...) que l'on appelait simplement Nicolas.
Les yeux fermés, si je puis dire, je reconnais son style instantanément : il crée en traitant la matière comme le ferait un tailleur de pierre longiligne. Une densité et des couleurs inconnues jusque-là. Des formats hors des proportions communes : Le Concert, de 1955 justement, 350 x 600, musée Picasso, Antibes - une immense flaque rouge pour un désaccord final.
J'ai une tendresse infinie pour quelques toiles en particulier, réalisées dans un temps contraint, autant de balises sûres dans un océan de nullités plastiques contemporaines :
Les Musiciens, souvenir de Sidney Bechet, 1953
Les Toits, 1952
Les Mouettes, 1955
Agrigente, 1953
Sicile, 1954
À l'initiale, voyez ces Bateaux bourlingueurs qui tanguent dans le bleu vers un cap incertain, 1955.
Pour René Char (lisez la correspondance Char-Staël, éditions des Busclats, 2010), Nicolas de Staël est un allié substantiel.
Pour nous, c'est l'ami Nicolas par-delà le temps inhumain.