4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 07:00

 

La Tour de Montaigne vue du parc.

 

Ce ne sont pas les pierres qui bâtissent une maison, mais les hôtes...


 

Enfant, comme je pressentais leur disparition imminente, j'ai photographié les maisons, les appartements et les cabanes où je vivais.

 

Je pensais capter l'éternité. J'ai préservé le passage.

 

L'appareil était un Rolleiflex pour films en noir et blanc. Les lieux étaient pourtant en couleur la plupart des heures. 

 

Cette camera obscura, je l'ai emportée partout, y compris dans les arbres, à califourchon sur les branches les plus hautes, ce qui me donnait une vue cavalière sur tous les angles de mes décors familiers.

 

Il n'y a pas un pan de mur qui ne soit entré dans la boîte.

 

Je ne compte plus les portes, les fenêtres, les pignons, les tourelles, les appentis, les resserres, les lucarnes, les cadrans solaires, les mansardes, les cheminées, les lingeries, les greniers, les bibliothèques, les buanderies, les salons de musique, les offices, les postes de garde, les terrasses, les chambres, toutes les chambres, les cuisines, les vérandas, les lingeries, les salles de jeux, les garages, les voitures aux teintes pastels, les portiques, les coins et les recoins, les serres, les caves, les couloirs secrets, les salles d'eau, les granges, les chats, les chiens qui entrent et sortent, tiens, voilà Siky, les cabinets d'étude, les instruments de médecine, les garde-manger, les salles à manger, les patios, les toits de tuiles, d'ardoises et de jonc, les halls d'entrée, les escaliers, les rampes d'escaliers, les tonnelles, les carrelages, les parquets à chevrons, à point de Hongrie, de Versailles, à l'anglaise, les tomettes, les reflets de la cire, les écuries, les communs, les fumoirs, les celliers, les massifs de fleurs dans la rocaille, les roseraies, les nuées d'oiseaux, le grand lierre, les jardins et les parcs qui se retrouvent, là, aujourd'hui, sous mes yeux. 

 

Il ne faudrait pas grand-chose pour que ces mondes autrefois vivants, aplanis au format de la paume, se remettent à voltiger. 

 

Le temps passe, le temps presse : je ne me suis, je crois, jamais guéri de cette obsession.   


 

 

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