L'une de mes configurations géographiques préférées à Paris.
Soleil, pluie, vent, neige, la fontaine de Carpeaux, édifiée en 1874 et que l'on trouve dans le prolongement du jardin du Luxembourg, exerce encore et toujours sur moi sa polarisation magnétique. Que je remonte le boulevard Saint-Michel, que je vienne de Montparnasse ou de Port-Royal, ses dauphins-dragons en vert-de-gris, ses huit chevaux odysséens dans un élancement redoublé et le diamant liquide qui jaillit de la gueule de ses tortues volantes me font signe : c'est aussitôt l'enfance retrouvée à volonté.
Il y a bien les touristes, mais l'endroit est calme la plupart du temps. Europe, Asie, Amérique et Afrique, vos quatre incarnations métalliques (regardez la Chinoise et l'Indienne) offrent au flâneur de toutes les rives un voyage global très mobile dans l'immobilité.
La nuit, l'été, enchantement immédiat. Jeux de lumières jaunes et blanches, buissons, pelouses, feuillages, mystères, baisers irisés.
La plus belle vue est au Sud l'après-midi, dans les heures glissées vers l'autre versant du jour. Le matin, marchant au Nord vers la Seine (la scène humaine ?), c'est un axe orbital différent sur la fontaine, laquelle se dérobe presque au regard, lorsqu'il m'arrive de traverser les allées des grands explorateurs, d'abord le jardin Marco Polo (bonjour soieries, épices, textes sacrés !), puis le square Cavelier de La Salle (René Robert Cavelier de La Salle, 1643-1687, découvreur de la Nouvelle-France à la Louisiane ).
Me reposant à l'occasion de ne rien faire, je viens tôt le matin et mon œil de grand enfant écoute intensément les murmures planétaires.