Plus d'une fois, notre ami Rimbe aura traversé cette forêt des Ardennes en direction de la Semois, rivière belge sur les berges de laquelle poussaient des plants de chanvrier aux vertus mirifiques pour les uns, méphitiques pour les autres.
Le chanvre d'Arthur a disparu au profit, dit-on, de l'herbe à Nicot. Reste, si je puis dire, ce texte envoûtant de mai 1872 dont les critiques sont loin d'avoir épuisé les sens :
La Rivière de Cassis roule ignorée
En des vaux étranges :
La voix de cent corbeaux l’accompagne, vraie
Et bonne voix d’anges :
Avec les grands mouvements des sapinaies
Quand plusieurs vents plongent.
Tout roule avec des mystères révoltants
De campagnes d’anciens temps ;
De donjons visités, de parcs importants :
C’est en ces bords qu’on entend
Les passions mortes des chevaliers errants :
Mais que salubre est le vent !
Que le piéton regarde à ces claires-voies :
Il ira plus courageux.
Soldats des forêts que le Seigneur envoie,
Chers corbeaux délicieux !
Faites fuir d’ici le paysan matois
Qui trinque d’un moignon vieux.
À lire et à relire : entendez bien les deux premiers vers...
(Arthur Rimbaud, La Rivière de Cassis, Derniers vers, 1872)