3 juillet 2011 7 03 /07 /juillet /2011 06:00

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Ce voyage, imaginaire d'abord, est devenu un fait, avec son départ et l'hypothèse mouvante.


(Victor Segalen, Équipée: voyage au pays du réel, Gallimard, 1983)


 

 

Les Chinois n’emploient pas et n’ont jamais employé le nom que les Occidentaux donnent à la Chine, et la dynastie des Tsin, à laquelle l’appellation hindoue de Tchina a été probablement empruntée, a cessé, depuis plus de quatorze siècles et demi, de régner sur les plaines du Hoang ho et du Yangtze kiang comme dans les vallées des Tsing ling et des Nan ling.


Les Chinois ont en effet ou avaient l’habitude de nommer leur patrie d’après la famille régnante, comme si la France, par exemple, s’était successivement appelée la Mérovingie, la Carolingie, la Capétie, la Bourbonie et, il y a trente ou quarante ans, la Napoléonie.


Cette dynastie des Tsin avait d’ailleurs quelques droits à donner son nom au pays, car c’est elle qui en réalisa l’unité un quart de millénaire environ avant notre ère, à peu près quand Rome et Carthage entrèrent en lutte. La Chine était divisée auparavant en un certain nombre de principautés et royaumes féodaux : l’un d’eux finit par prévaloir, comme chez nous l’Ile-de-France sur Normandie, Bourgogne, Aquitaine et Languedoc. Ce royaume conquérant et centralisateur fut justement celui que gouvernait la famille des Tsin, sur le moyen Hoang ho, là où s’étend aujourd’hui le Kansou; il empiéta d’abord sur ce qui est aujourd’hui le Chensi, et peu à peu il devint la Chine.


Pas plus que le nom de Chine, les Chinois ne connaissent l’épithète de « Céleste » que nous attribuons bénévolement à leur empire : les mots de Tien hia ou « Sous le ciel », dont se sont servis leurs poètes, s’appliquent au monde « sublunaire » en général, aussi bien qu’à la Chine en particulier.


Dans la langue courante, les Chinois appellent leur patrie Tchoung kouo, c’est-à-dire le « Royaume du Milieu » ou « l’Empire Central », dénomination qui provient peut-être de la prépondérance que prirent peu à peu les plaines centrales sur les États environnants, sinon de l’ère, contemporaine du siège de Troie, où la dynastie des Tchéou avait le siège de sa puissance dans le Honan, pays en effet central dont la masse est au midi du Fleuve Jaune. Mais peut-être aussi ce nom vient-il de cette idée, commune à tous les peuples du monde, que leur pays est vraiment le milieu des terres habitables. Les Chinois ne se bornent pas, comme les nations de l’Occident, à compter les quatre points cardinaux de l’horizon : ils y ajoutent un cinquième, le milieu, et ce milieu, c’est la Chine.

 

(Élisée et Onésime Reclus, L'Empire du Milieu, le climat, le sol, les races,les richesses de la Chine, Librairie Hachette, 1902)

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