La journaliste canadienne de Montréal est brune, chaleureuse, plutôt futée, et...buveuse de bière.
Il y a celles qui aiment la lager au pub et celles qui apprécient le frascati sous la tonnelle. Ce sont des femmes, mais ce ne sont pas les mêmes.
Bon, celle-ci est vraiment intéressée par mon travail, ça ira.
Pour notre second entretien, en souvenir, qui sait ?, de Virginia Woolf, je lui ai donné rendez-vous à l'entrée de la pagode des Royal Botanic Gardens of Kew que tous les Anglais appellent simplement Kew Gardens depuis 1850, ces jardins d'exception situés au sud de Londres, près de Richmond, sur la Tamise.
- Vous me disiez ce matin que cette place a une signification particulière dans votre biographie.
- Oui, j'y suis venu la première fois il y a longtemps grâce à l'un de mes grands-parents qui avait une véritable passion pour la beauté et l'exactitude des sciences naturelles.Vous avez là sous les yeux sans aucun doute, pour qui voyage, le plus bel herbarium au monde. J'y reviens autant que je le peux. Nous sommes bien en Angleterre et en même temps en pleine jungle ou dans une forêt subtropicale d'Amérique du Sud. Au passage, si vous aimez les arbres, dans le Gloucestershire, vous avez l'arboretum de Westonbirt, une splendeur.
- Et que faisait votre parent avec vous ?
- Comme il avait vite compris que mon énergie d'enfant se déployait vers l'étude au sens large, tant dans les livres que sur le terrain, des gais savoirs et des savoir-faire réjouissants, si vous voulez, ce parent qui était lui-même un esprit à la fois curieux et singulier ne manquait pas une occasion de me faire découvrir toutes sortes de choses qu'ensuite je ne demandais qu'à approfondir. C'est comme ça qu'aujourd'hui je retrouve aisément mes pas dans les magnifiques serres aux palmiers, sur les berges de l'étang aux nénuphars, ou ici dans ce jardin japonais de rocaille, regardez ces cactus étonnants, ces fleurs inouïes. Et il m'arrivait aussi de l'épater du haut de mes dix ans...
- Que voulez-vous dire ?
- Well, de retour à la maison, champêtre dans son urbanité, qui disposait d'une vaste véranda propice au travail et au songe, tout aussi curieux et, à l'évidence, aussi singulier que cet ancêtre, je pouvais sortir des dictionnaires, des encyclopédies de botanique des listes entières de plantes, de fleurs, d'arbres ainsi que les noms des prestigieux explorateurs qui ont introduit cette foison tout à fait remarquable en Europe. Je pense notamment à Linné, bien sûr, le prince en cette matière, mais aussi à Humboldt, son travail énorme dans un sens perspectiviste. J'ai gardé ces listes et certains herbiers qui vont avec que j'ai confectionnés en herborisant à mon tour dans les campagnes avoisinantes. Ce grand-père me contemplait et me faisait comprendre alors : Tu as gagné !
J'entraîne à présent la Canadienne de journaliste vers un gazebo, en français, une gloriette, couvert du nouveau chèvrefeuille odorant.
Noms de personnes, noms de choses, improvisations...
Kidnap dans un jardin anglais ?