Ce sont, nous dit le commandant Marguet, les astronomes, les artistes et les navigateurs qui ont dessiné les contours du monde...
C'est un jour pluvieux comme je les aime. Une pluie régulière tombe sur le jardin, ni trop forte ni trop fine, une pluie d'enfance qui invite au songe.
Dans la bibliothèque, musardant, j'ai puisé, ce matin du bel automne, le présent ouvrage, remarquable, pour moi, du début à la fin, la Géographie générale des mers rédigé dans le temps d'avant par Camille Vallaux (au patronyme prédestiné, si je peux dire...), géographe sensible de la Bretagne, enseignant et examinateur honoraire d'admission à l'École navale.
Toutes les eaux marines y sont scrupuleusement détaillées : l'Océan Austral (les marées dans le quadrant pacifique et le relevé des lignes cotidales, les bancs d'algues flottantes d'après la Deutsche Seewarte), l'Océan Pacifique (la carte indiquant la jonction du courant de Floride et du courant des Antilles de mars à mai), l'Océan Indien (le chapitre sur la navigation en pirogue et en jonque, très intéressant), l'Océan Atlantique (aurait-il ma préférence ?), les mers glacées et les mers secondaires (les guirlandes insulaires et l'Extrême-Orient, par exemple).
À la fin de son analyse (élégance du style, rythme exquis, précision des termes), l'auteur se lance dans un long développement sur la mer comme milieu cosmique qui retient une nouvelle fois mon attention.
Et ces dernières lignes comme une bouteille à la mer (nous sommes dans les années 1930) : Ainsi tend à disparaître, chez les marins, le pli professionnel des grandes navigations et des longs séjours à la mer. Ce genre de vie avait ses grands inconvénients physiques et moraux : maladies comme le scorbut, insouciance, fatalisme, rudesse des mœurs. Mais aussi il faisait éclore de hautes valeurs morales d'abnégation, de désintéressement, de persévérance et d'héroïsme. Si ces valeurs disparaissent un jour, notre civilisation en souffrira : elle ne retrouvera pas ailleurs ce que la fin de l'accoutumance à la mer lui aura fait perdre...
Ces gouttes d'eau sur mon visage, où vont-elles ?
(Camille Vallaux : Géographie générale des mers, Félix Alcan, 1933)