14 septembre 2011 3 14 /09 /septembre /2011 06:00

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Quelle époque !

 

Capitale de la douleur...

 

À la terrasse d'un bistrot, les frimas pour un ordre de bataille incertain, les hommes et les femmes devant mes yeux en claudication heurtée. 

 

Décidément, je n'aurais entendu, vu, perçu un tel amoncellement de bêtise en aussi peu de temps depuis ce printemps charmant.

 

Tilleul, charmille, merle moqueur...

 

Je suis calme, je reste calme, j'essaie de maintenir le calme.

 

- Bonjour docteur !

 

- Comment allez-vous ?

 

- On fait aller.

 

- Courage !

 

Dans le caniveau passe au gré du courant un catalogue de jouets pour enfants.

 

On ne peut se défendre de l’impression que les hommes se trompent généralement dans leurs évaluations. Tandis qu’ils s’efforcent d’acquérir à leur profit la jouissance, le succès ou la richesse, ou qu’ils les admirent chez autrui, ils sous-estiment en revanche les vraies valeurs de la vie. Mais sitôt qu’on porte un jugement d’un ordre aussi général, on s’expose au danger d’oublier la grande diversité que présentent les êtres et les âmes. Une époque peut ne pas se refuser à honorer de grands hommes, bien que leur célébrité soit due à des qualités et des œuvres totalement étrangères aux objectifs et aux idéals de la masse. On admettra volontiers, toutefois, que seule une minorité sait les reconnaître, alors que la grande majorité les ignore. Mais, étant donné que les pensées des hommes ne s’accordent pas avec leurs actes, en raison au surplus de la multiplicité de leurs désirs instinctifs, les choses ne sauraient être aussi simples.

 

(...)

 

La question du sort de l’espèce humaine me semble se poser ainsi : le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle mesure, dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions humaines d’agression et d’autodestruction ? À ce point de vue, l’époque actuelle mérite peut-être une attention toute particulière. Les hommes d’aujourd’hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature qu’avec leur aide il leur est devenu facile de s’exterminer mutuellement jusqu’au dernier. Ils le savent bien, et c’est ce qui explique une bonne part de leur agitation présente, de leur malheur et de leur angoisse. Et maintenant, il y a lieu d’attendre que l’autre des deux « puissances célestes », l’Eros éternel, tente un effort afin de s’affirmer dans la lutte qu’il mène contre son adversaire non moins immortel.

 

 

C'est parce qu'ils savent préserver farouchement leur enfance que baleines et ours blancs parviennent à s'entendre...

 

 

(Quotation again : Sigmund Freud, Das Unbehagen in der Kultur, 1929 / Le Malaise dans la civilisation, traduction Charles Odier) 

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