19 septembre 2018 3 19 /09 /septembre /2018 06:00

 

 

Et parfaitement drôle !

 

Visitant un ami à Aix-en-Provence, celui-ci me demande au coin du feu qui chantonne si je me souviens des dernières pages des Mémoires de Saint-Simon.

 

Les faire revenir, ces pages cauteleuses, pesteuses aurait dit Proust, à la clarté est un jeu d'enfant. Un exemple pour moi au suprême par excellence de la pure fausse modestie : Saint-Simon, au seuil de rédiger son testament, s'imaginait-il faire appel à un nègre de l'intrigante cour ou de l'infâmante basse geôle afin de remettre en forme son ouvrage qu'il jugeait, ce qu'il laisse entendre mot pour mot au lecteur à la toute fin des Mémoires, trop défectueux sur le plan des lettres ?

 

Tandis que l'ami fourrage dans les faisceaux flamboyants de l'âtre, je m'empare du volume :

 

« Dirai-je enfin un mot du style, de sa négligence, de répétitions trop prochaines des mêmes mots, quelquefois de synonymes trop multipliés, surtout de l’obscurité qui naît souvent de la longueur des phrases, peut-être de quelques répétitions ? J’ai senti ces défauts ; je n’ai pu les éviter, emporté toujours par la matière, et peu attentif à la manière de la rendre, sinon pour la bien expliquer. Je ne fus jamais un sujet académique, je n’ai pu me défaire d’écrire rapidement. De rendre mon style plus correct et plus agréable en le corrigeant, ce serait refondre tout l’ouvrage, et ce travail passerait mes forces, il courrait risque d’être ingrat. Pour bien corriger ce qu’on a écrit il faut savoir bien écrire ; on verra aisément ici que je n’ai pas dû m’en piquer. Je n’ai songé qu’à l’exactitude et à la vérité. J’ose dire que l’une et l’autre se trouvent étroitement dans mes Mémoires, qu’ils en sont la loi et l’âme, et que le style mérite en leur faveur une bénigne indulgence. Il en a d’autant plus besoin, que je ne puis le promettre meilleur pour la suite que je me propose. »

 

Qui s'accuse, s'excuse, n'est-ce pas ? Quelle blague !

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