À la périphérie, je me remémore les combats sanglants et fratricides devant le mur des Fédérés dans ce canton du Père Lachaise que brunit le premier soleil automnal.
Le caboulot pile en face de la sortie me sert un verre de rouge rhodanien qui produit une échancrure joyeuse. Alentour, qui criait hier à la face du monde « Vive la France ! », le peuple, trimard, fatigué comme d'habitude, suit, pour y croire et s'en convaincre, sur le grand écran plat vissé au-dessus du bar qui supporte encore les guirlandes du dernier Noël, le feuilleton du nouvel attentat commis par des terroristes passés sous le radar et les rebondissements politico-judiciaires d'un édile de la Nation mis en examen. Sinon, le peuple s'échange les bons tuyaux pour le meilleur forfait Internet, réfléchit aux moyens de faire plier le patron pour l'obtention des primes annuelles défiscalisées, et médit de son voisin comme de l'étranger, lui, jamais assez catholique. La Commune de Paris avait brûlé la guillotine et ses avatars. On a oublié. Comme on oublie la fine fleur de l'esprit français admiré du monde européen. Bref, au supermarché du venin, la routine.
Mes pas me soulèvent par les rues ruinées des anciens faubourgs jusqu'au Quartier latin. Le réel délibérément obstrué s'éclaircit. Un certain Arthur a vécu dans ces parages. La plaque sur le mur en est la preuve. Là-haut, dans la chambre de bonne, l'épreuve : « Je "travince" : du latin vincere, vaincre. Veni, vidi, vici. Travincer n'est pas travailler. Ça vient tout seul, ou rien. Attention, je travince, ce sera ma vengeance, et elle n'est pas mince... »
On ne s'étonne plus à la vue des façades proprettes, des magasins rutilants et des distributeurs de billets ouverts le jour, la nuit :
« Société, tout est rétabli : – les orgies
Pleurent leur ancien râle aux anciens lupanars :
Et les gaz en délire aux murailles rougies
Flambent sinistrement vers les azurs blafards ! »
Lors de l'échappée belle, Baruch ne me fausse pas compagnie : « J'ai pris grand soin de ne pas tourner les actions humaines en dérision, de ne pas les déplorer ni les maudire, mais de les comprendre... »
Ni rire, ni pleurer, mais, oui, comprendre – et se porter, là, dehors, en un tournemain, vers les musettes extrêmes, les ramures enrobantes, et les jardins.