Un raton-laveur et quelques poissons...
Conférence-lecture de textes autour du mouvement transcendantaliste à l'université Paul-Valéry de Montpellier. Un des hauts lieux pour ce qui est des études nord-américaines.
La veille, promenade le long du rivage du côté de Sète. Échanges plus tard avec les marins-pêcheurs sur les quais de cette belle ville colorée qui parle encore l'italien au détour de ses venelles.
Les espèces non tétrapodes, terme générique, évidence naturaliste, disparaissent à la vitesse grand V comme le reste. Parler de la pollution des mers est dorénavant strictement trivial. Tout comme déblatérer sur leur exploitation éhontée – et pas seulement aux antipodes. On le sait et on continue à faire comme si de rien n'était.
– Un kilog de rougets, dix kilogs de détritus !
– Leur chair est moins goûteuse qu'avant...
– Il faut tout changer !
À un moment donné de ma conférence, je n'ai pas pu m'empêcher d'inciser mon propos, inflexion idiomatique, et d'évoquer le travail scientifique de Rachel Carson. Les auditeurs les plus anciens ont tendu le pavillon, les plus jeunes ont cru que je cherchais à renflouer la bibliographie ou à noyer le poisson.
J'ai cité Printemps silencieux et Cette mer qui nous entoure. Et puis j'ai repensé à Thoreau qui connaissait si bien les poissons de Walden Pond et notamment les mœurs de la perche, animal totémique à ses sens. Mes notes étant bien organisées, j'ai lu :
« Les perches de Walden ! Chaque fois que je vois, sur la glace ou dans le trou que les pêcheurs y creusent, ces poissons fabuleux, je demeure stupéfait de leur rare beauté : ils sont si étrangers à nos rues et même à nos bois ; aussi beaux que des fleurs et des joyaux, couleur d'or et d'émeraude – d'une transcendante et éblouissante beauté qui les place bien loin de la cadavéreuses morue ou du haddock, vieux d'au moins un jour, qu'on nous met sous les yeux. Ils sont aussi étrangers à Concord que l'Arabie, comme si s'étaient rejointes les deux extrémités de la terre. »
Bouche bée, le parterre.