6 mars 2019 3 06 /03 /mars /2019 07:00
Porté par le mouvement

Trois mouettes bien blanches patinent sur la piste gelée.

 

L'avion de Venise a du retard et personne en cette saison ne s'en étonne. De puissantes machines s'activent à réchauffer le tarmac, les moteurs, les ailes des aéronefs. Les mouettes cherchent à comprendre. Bouchon au gré de l'onde, j'entre dans une attention flottante. Philosophes, les passagers du jour patientent et les conversations vont bon train. Hommes liés aux affaires, mais pas seulement : des couples âgés et un groupe de lycéens en goguette. Le professeur qui les accompagne, savamment sapé, leur fait dessiner des canaux, des palais, des lions tutélaires, des ponts fleuris, promesse au fusain du prochain printemps.

 

Après un deuxième ristretto noir comme l'encre, je sors de mon sac pour les relire, encore une fois, Îles à la dérive et Au-delà du fleuve et sous les arbres. Le treizième chapitre, par-dessus tout. Adriana, Ernest, une gondole glissant silencieusement, cette main blessée qui s'aventure à la reconquête de la vie :

 

« Ils passèrent dans la gondole, et ce fut de nouveau le même enchantement : la coque légère et le balancement soudain quand on monte, et l’équilibre des corps dans l’intimité noire une première fois puis une seconde, quand le gondoliere se mit à godiller, en faisant se coucher la gondole un peu sur le côté, pour mieux la tenir en main.


– Voilà, dit la jeune fille. Nous sommes chez nous maintenant et je t’aime. Embrasse-moi et mets-y tout ton amour. » 

 

Et tout de suite :

 

« Le vent était très froid et leur cinglait le visage, mais, sous la couverture, il n’y avait plus ni vent ni rien ; rien que cette main délabrée qui cherchait l’île dans la grande rivière aux berges hautes et escarpées.


– Oui, dit-elle, comme ça c’est bien.


Il l’embrassa, alors, et il cherchait l’île, la trouvant, la perdant, et la retrouvant enfin pour de bon. Pour le bon et pour le mal ; pensa-t-il, et pour le bon et pour tout. »

 

Sur la première page, juste au-dessus du titre, là-haut tel l'oiseau, de la belle écriture de mon espiègle Violetta : Mille baci allo scrittore...

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