À l'aube du printemps, un cinéma de quartier à Marseille redonne ce film d'autrefois, Mes petites amoureuses.
Les dialogues des grands gamins, tous plus improbables les uns que les autres aujourd'hui.
On se parlait encore. On est à présent en prière devant son smartphone.
J'entends une voix lointaine :
« Cette idole, yeux noirs et crin jaune, sans parents ni cour, plus noble que la fable, mexicaine et flamande ; son domaine, azur et verdure insolents, court sur des plages nommées, par des vagues sans vaisseaux, de noms férocement grecs, slaves, celtiques.
À la lisière de la forêt, – les fleurs de rêve tintent, éclatent, éclairent, – la fille à lèvre d’orange, les genoux croisés dans le clair déluge qui sourd des prés, nudité qu’ombrent, traversent et habillent les arcs-en-ciel, la flore, la mer.
Dames qui tournoient sur les terrasses voisines de la mer ; enfantes et géantes, superbes noires dans la mousse vert-de-gris, bijoux debout sur le sol gras des bosquets et des jardinets dégelés, – jeunes mères et grandes sœurs aux regards pleins de pèlerinages, sultanes, princesses de démarche et de costume tyranniques, petites étrangères et personnes doucement malheureuses.
Quel ennui, l’heure du « cher corps » et « cher cœur » ! »
L'ennui en tout feu, en tout lieu, et l'on y consent.
Soudain, sur la Canebière, un vrai visage.