23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 07:00

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Oui, au-delà de l'admission commune (la neige, le froid), il peut faire beau et chaud sur les places, dans les rues aux balcons fleuris et sur les toits-terrasses pour mille oiseaux de l'ancienne capitale polonaise.

 

Krakow. La vie détraquée de Cracovie au sortir de la dernière grande déflagration d'abord et de la guerre froide ensuite s'est remembrée et brille aujourd'hui d'un éclat étonnant. La cité qu'étudiant Copernic avait fréquentée abrite toujours des établissements d'enseignement supérieurs prestigieux : s'y promener emplit largement vos semaines. Et si cela ne suffit pas, églises, chapelles et théâtres pourvoiront à votre curiosité -les noms de Jan Niecisław Baudouin de Courtenay et de Tadeusz Kantor signifient encore quelque chose dans le coin.

 

Mais...

 

J'ai beau savourer un roboratif petit-déjeuner servi dans de la porcelaine fine sur nappes blanches en compagnie d'étudiants tous plus volubiles les uns que les autres sur la Rynek Główny, la grand' place locale, je ressens un malaise de nature pernicieuse. L'écrin architectural, la rumeur de la ville et même le soleil abondant d'aujourd'hui m'apparaissent brutalement factices. Une ruralité torve, très Mitteleuropa, s'agite d'un seul coup sous mes yeux dans ce décorum :  inquiétante jovialité excessive.

 

L'esprit de l'escalier me pousse à mettre un pied dans le plat. Je pose cette question à mes voisins étudiants : 

 

- Et Auschwitz dans tout ça ? 

- Auschwitz ? Ah, vous voulez dire Oświęcim ? 

- Oui, le Konzentrationslager Auschwitz qui se trouve à quelques kilomètres d'ici...

- C'est du passé, de l'histoire ancienne, on en a marre d'entendre parler de ça. Oui, on comprend, vous êtes un touriste...

- Ah, bon ?

 

En Petite-Pologne, on peut parler de tout, mais on ne peut pas parler de tout. J'aurais pu continuer et mettre le deuxième pied dans le plat. J'avais mieux à faire : sortir de la ville, quitte à emprunter, une fois de plus, la grande route rectiligne et, par endroits, complètement défoncée, qui mène dangereusement jusqu'à Varsovie. Et je me disais qu'il aura fallu attendre pas mal d'années (par exemple, le tournage sur place, en 1992, de La Liste de Schindler par Steven Spielberg) pour que le quartier juif de Cracovie - Kazimierz - connaisse une réhabilitation officielle bien concrète.

 

Milieu de l'après-midi. 


Un endroit ombragé à l'écart du vacarme autoroutier.


La voiture et son chauffeur ont besoin de se reposer.


En tailleur sur un talus, je tire des provisions de mon sac.


Et pense à ceux qui, au fond du gouffre, n'ont pas eu cette chance, hier à l'échelle des temps historiques, de toucher des lèvres un simple quignon de pain.

 

À l'Ouest, soudain, dans un ciel chauffé à blanc, un vol de colombes...

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