Tout se joue dès l'aurore. Les chiens et les loups ont fini de s'entre-dévorer ; le rossignol savoure la liberté dans les frondaisons. Une table, une chaise, papier, crayon, un galet au soin de la main, des murs blanchis à la chaux sous l'aromatique charmille,...
Ils, elles, ils, elles, pin-pon, pin-pon, courent par les rues. L'apeurement, son envergure, la liesse enfin, les clameurs. Au firmament du programme organisationnel en cours, vous aviez, vous avez, vous aurez le choix entre le socialisme libéral et le...
Dans le jour qui se lève, le frêle bateau à moteur me porte sur les rives de Samos. Une heure, encore une, et je grimpe jusqu'à cette autre chambre lumineuse par un raidillon clouté de jeunes cèdres. Sur la table, l'or liquide qui monte du flacon, et...
Sur le toit du studio où gîte un geai s'épanouit ce matin un liseron bleu virant au mauve. La messagerie numérique de mon téléphone portable – cet objet de la modernité peut s'avérer cocasse au lointain –, porte presto à ma connaissance les tribulations...
Mais tragique – à la manière des anciens Grecs et de Nietzsche. Sauf exceptions, presque partout, le peuple européen a été transformé en populace. Pendant ce temps-ci, le capitalisme financier mondial, j'insiste sur financier, tire sans vergogne, toute...
Lever rouge dans un grand vent frais. Venu de Rome, je retrouve mes habitudes vénitiennes. « Allez, un bon décapage ! », entonne la presse citoyenne. Pendant ce temps-là, l'humble peuple liquide se met en route, qui à son étal, qui à sa gondole, qui à...
Tout calme dans les jardins de Merton College. Sous la frondaison parfumée : « Je sentis avant de penser ; c’est le sort commun de l’humanité. Je l’éprouvai plus qu’un autre. J’ignore ce que je fis jusqu’à cinq ou six ans. Je ne sais comment j’appris...
Neige et pluie mêlées. Musée de la Marine. Toutes les voiles de mon enfance. Des orages, des vents fous, de l'aventure. De longues plages méditatives aussi. Repense à Robert Louis. Le conteur loquace sous la frondaison au lointain Vailima : « Nous laissâmes...
Je remonte le cours du temps. Conférence à Tübingen. Généalogie et géologie. Dans la chambre, à l'hôtel : « Celui qui veut seulement dans une certaine mesure arriver à la liberté de la raison n’a pas le droit pendant longtemps de se sentir sur terre autrement...
Une belle journée automnale. Partout, aux carrefours des mairies et des prairies qui ondulent sous le vent, on s'active aux préparatifs de la grande commémoration. Pour une fois, il ne pleut pas. Je traverse la forêt à cheval. Ma monture du jour, une...
Affranchi de la cohue, j'ouvre le livre : « Eh bien ! qu’adviendra-t-il de tout ce que les hommes ont élaboré ? Que deviendra la civilisation ? « Le retour au singe, la lettre de Voltaire à Rousseau, disant qu’il faut apprendre à marcher à quatre pattes...
Les Gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d’herbes les plus ineptes de leur temps... Colloque Rimbaud au fief d'Ardennes. Un mot par ci, un mot par là. À quoi bon ? Allez, il en restera toujours quelque chose pour une noble cause. Sur...
Il faut un commencement à tout... Je prolonge mon séjour vénitien. La chambre à deux fenêtres donne sur le canal. Je relis, dans l'anglais d'Amérique, la correspondance de Ernest Hemingway. Définitif – et justifié : « All modern American literature comes...
Un doigt de vodka ? Par courriel, un ami moscovite me propose une balade dans le vieux Saint-Petersbourg à l'automne. Illico, je lui adresse au bonheur des ondes ce passage : « L’été nous avons les vacances, la poussière et la chaleur, la chaleur, la...
Que faire ? Devançant l'appel, visa en poche, l'ami rejoint, les joies de l'amitié, je déambule dans l'automne précoce au hasard des ponts bordés de bazars. On y trouve de tout : des chapkas en fausse fourrure, des ustensiles de cuisine, un arsenal de...
Cet appel de la forêt... Pendant que les politiques planétaires s'égosillent sur ce qu'il conviendrait de faire et qu'ils ne feront à l'évidence pas, aucun intérêt, je m'aventure le long des berges ligneuses du lac. Ma solitude en partage avec la profonde...
Sommet... À l'université de Tübingen, c'est avec la plus grande attention que j'écoute une conférence d'Alexander von Humboldt : « En essayant de développer l’ensemble des phénomènes physiques du globe et l’action simultanée des forces qui animent les...
Un chemin qui mène quelque part ? Trois heures du matin. L'an neuf dans l'atelier. Sur la grande table de bois dense, L'Empire des signes et ce texte qu'un ami vient de m'envoyer. Le début : « Le Japon, qui s’isolait complètement au milieu de l’océan...
À la source... Quel hiver ! Relire pour relier en cohérence : « Le duc du Maine et le comte de Toulouse, au sortir du cabinet du conseil, descendirent dans l’appartement du duc du Maine, où ils s’enfermèrent avec leurs plus confidents. Ils les surent...
Amor, toujours... Dans la salle des incunables, l'opératrice brune tourne pour moi seul les pages. Elle est portugaise, virevoltante de silence telle une geisha à son affaire. Éblouissement des lettres dorées sur fibres d'azur : « Amors, enquera.us preyara...
Précis retour... À Berlin, sous les tilleuls, après la conférence. Anna F. et moi échangeons de concert autour d'un flacon de Riesling. Je lui déroule : « C’est avec ces idées que j’arrivais en Allemagne. Je demandais peu et m’attendais à trouver moins....
Les chemins de traverse... Dans le Bordelais, une fois nouvelle sur la piste de Montaigne. Le domaine n'est pas à vendre ? Rien ne presse. Mon mien atelier m'assure joie, sérénité et plénitude quotidiennes. À califourchon sur l'antique moto, je serpente...
Ah, œcuménique... Sous le porche vénitien de l'église de tous les saints, Chiesa di Ognissanti, lecture à voix haute : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche ! Car ton amour vaut mieux que le vin,tes parfums ont une odeur suave ; ton nom est un parfum...
Plein Sud... Loin des divertissements tourbillonnaires. Pierres, cactées aux combes abruptes, soleil levant. Fragments échappés du désastre : « Selon l’opinion de quelques hommes, la nature et l’essence des choses naturelles consistent dans leur sujet...
Le printemps de l'esprit... Chez un bouquiniste d'Amsterdam, joie de lire ce qui suit : « Monsieur Descartes, Si ma conscience demeurait satisfaite des prétextes que vous donnez à mon ignorance, comme des remèdes, je lui aurais beaucoup d'obligation,...