4 avril 2018 3 04 /04 /avril /2018 06:00

Graecia Vetus Map of Ancient Greece.jpg

 

 

De retour à Athènes qui rue dans les brancards contre l'austère appauvrissement mijoté au bref d'opaques officines, j'ai débusqué une autre chambre bleue, cette fois dans un corridor blanc. Venue de nulle part, une myriade de chats, les moustaches en alerte, déboule dans tous les coins pour se glisser à gambades de velours sur le versant invisible du jour. À la taverne interlope pivot de la vie, la fête bat son furieux plein pour trois euros six sous.

 

C'est le matin d'un monde, et tout me va bien.

 

Remontant le courant historial, le ferry opiniâtre avait longé les côtes arides de Kéa, l'ancienne Céos. La mer tout à fait phosphorescente à contre-champ dans le crépuscule qui s'insinuait jusqu'aux tréfonds de la plus anonyme cambuse. Je me suis alors souvenu de Simonide de Céos, des histoires serpentines que les pastoureaux se transmettent de bouche à oreille racontées par Hérodote, toujours lui, encore lui, « l'île de Céos est à l'extrémité de l'Attique, vis-à-vis le promontoire Sunium... » – même si Hérodote se trompe, j'aime ce beau et fier vocable promontoire sous son stylet –, et de l'intérêt vif que porta Chateaubriand aux vestiges archéologiques insulaires sur la route qui le mena, vaille que vaille, au portes de l'Orient. 

 

Morphologique, la carte exacte se déplie sous mes yeux. J'ouvre le carnets de mes notes, et deux ou trois livres. La puissance lumineuse de la chose écrite. N'est-ce pas ? Le rubis profond qui s'échappe de la grappe fera le reste.

 

Je lis, qui hisse mon souvenir, mes souvenirs, hors de la nuit  :

 

« En route pour Naxos, saint Dionysos aperçut une petite plante qui excita sa curiosité. Il la déterra, et comme le soleil était chaud, il chercha quelque pour la protéger de son ardeur. Il trouva donc [ Ah ! ce donc !] un os d'oiseau non lion de là et y mis la plante en sûreté, mais elle se mit à pousser et il lui fallut trouver quelque chose de plus grand pour l'abriter. En cherchant, il trouva un os de lion et, ne pouvant détacher la plante de l'os d'oiseau, il mit le tout dans l'os de lion. Mais la plante continua de grandir sans arrêt et, cherchant quelque chose pour la mettre, il trouva un os d'âne et plaça le tout dedans. Il arriva donc à Naxos où il planta le premier pied de vigne, car la petite plante en question était la première vigne ; il ne put la séparer de ses enveloppes, et planta le tout ensemble dans la terre. La vigne donna des raisins, les hommes firent du vin avec et en burent pour la première fois ! En commençant à boire, ils chantèrent comme des oiseaux, puis ils continuèrent et ils devinrent forts comme des lions, puis ils continuèrent encore, et finalement ils devinrent bêtes comme des ânes... »

 

Sauf que les ânes en question, venus, qui sait sait ?, d'une parabole talmudique, sont loin d'être bêtes comme celui, très brave, tout sensible et solidaire, au doux museau beige émacié, lequel, portant sur son dos mon frêle équipage, me sauva de l'insolation à Samos. La scène, cocasse, m'aurait valu aux temps mythologiques une explication de figures avec Apollon. Comprenne qui voudra.

 

Oui, Samos, son portrait craché :

 

« Samos ne peut se flatter que d'avoir possédé un tyran de génie et un mathématicien, Aristarque, qui devrait pourtant être mieux connu, car son héliocentrisme [Quand je dis que j'évoque les lumières...] précède celui de Copernic de près de deux mille ans. La fertilité était le cliché caractérisant Samos aux temps classiques, et elle reçut plus de surnoms encore que Rhodes.  Homère parle de sa richesse en eau, mais d'autres enthousiastes allèrent plus loin et l'appelèrent Anthemis pour ses fleurs, Phylis pour sa verdoyance, Pityoussa pour ses pins, Dryoussa pour ses chênes, et ainsi de suite... »

 

Magnificence, dit le penseur, de ce qui est simple. Simple, et aussi complexe qu'une fleur ou que ce rai du soleil sur mon verre ou que ce mien périple aux paysages de la beauté.

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