Que faire ?
Devançant l'appel, visa en poche, l'ami rejoint, les joies de l'amitié, je déambule dans l'automne précoce au hasard des ponts bordés de bazars.
On y trouve de tout : des chapkas en fausse fourrure, des ustensiles de cuisine, un arsenal de médailles soviétiques, des jeux d'échecs en bois de bouleau, un amas de cassettes VHS, des cartouches, des timbres à l'effigie de Lénine, des boîtes remplies de réveils, de faux T-Shirts américains, des sacs de sacs plastiques, sans parler du tout-venant de la littérature idéologique.
Dans le lot, ceci qui attire l'œil :
« L’histoire de la pensée humaine rappelle les oscillations du pendule, et ces oscillations durent déjà depuis des siècles. Après une longue période de sommeil arrive un moment de réveil. Alors la pensée s’affranchit des chaînes dont tous les intéressés –, gouvernants, hommes de loi, clergé – l’avaient soigneusement entortillée. Elle les brise. Elle soumet à une critique sévère tout ce qu’on lui avait enseigné et met à nu le vide des préjugés religieux, politiques, légaux et sociaux, au sein desquels elle avait végété. Elle lance la recherche dans des voies inconnues, enrichit notre savoir de découvertes imprévues ; elle crée des sciences nouvelles.
Mais l’ennemi invétéré de la pensée – le gouvernant, l’homme de loi, le religieux –, se relèvent bientôt de la défaite. Ils rassemblent peu à peu leurs forces disséminées ; ils rajeunissent leur foi et leurs codes en les adaptant à quelques besoins nouveaux. Et profitant de ce servilisme du caractère et de la pensée qu’ils avaient si bien cultivé eux-mêmes, profitant de la désorganisation momentanée de la société, exploitant le besoin de repos des uns, la soif de s’enrichir des autres, les espérances trompées des troisièmes – surtout les espérances trompées –, ils se remettent doucement à leur œuvre en s’emparant d’abord de l’enfance par l’éducation. »
L'ami de Reclus sort pour une fois de l'ombre...